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Prix de l’Acfas à Manon Bergeron et Pierre Drapeau

La professeure obtient le prix Thérèse Gouin-Décarie et le professeur le prix Michel-Jurdant.

17 novembre 2023 à 8 h 29

La professeure du Département de sexologie Manon Bergeron a obtenu le prix Thérèse Gouin-Décarie tandis que le professeur du Département des sciences biologiques Pierre Drapeau a reçu le prix Michel-Jurdant lors du 79e Gala de l’Acfas, le 16 novembre dernier, au Grand Quai du Port de Montréal. L’événement était animé par la diplômée Sophie-Andrée Blondin (B.A. communication, 1985).

Manon Bergeron

Depuis 2013, le prix Thérèse Gouin-Décarie est décerné à une chercheuse ou à un chercheur pour souligner l’excellence et le rayonnement de ses travaux et de ses actions dans le domaine des sciences sociales.

L’une des grandes forces de Manon Bergeron est de savoir rallier les expertises d’individus, d’institutions et d’organismes d’intervention, pour ensuite les organiser en un réseau visant un objectif commun: prévenir les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de l’enseignement. Elle a ainsi mobilisé pour le programme Empreinte, l’un de ses projets phares, les intervenantes de 26 centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) et des chercheuses de milieux universitaires spécialisées en violence sexuelle. En 2018, c’est dans cet esprit de collaboration qu’elle a ajouté une brique à l’édifice en créant la Chaire de recherche-innovation sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur (VSSMES). La pertinence sociale et la portée politique d’une telle approche ne font aucun doute.

Manon Bergeron a amorcé sa carrière à l’UQAM en 2010. Elle s’intéressait alors aux pratiques d’intervention auprès des personnes victimes de violences sexuelles. Avec elle, l’étude des violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire allait désormais prendre sa place dans le domaine des sciences sociales.

L’élaboration, avec les CALACS, du programme Empreinte constitue un moment clé de sa trajectoire. Destiné aux élèves du secondaire, ce programme propose une série d’ateliers dynamiques axés sur la prévention, ainsi que des capsules vidéo offertes en ligne aux parents. L’évaluation du programme, taillé pour les organismes communautaires, démontre des effets positifs chez les jeunes qui y participent.

Les dirigeantes du programme ont obtenu du Secrétariat à la condition féminine du Québec un financement de deux millions de dollars en vue d’offrir Empreinte à travers le réseau des CALACS pour trois ans. Depuis, le financement a été pérennisé.

Un autre exemple éloquent du parcours de Manon Bergeron est l’enquête ESSIMU (Enquête, sexualité, sécurité, interactions en milieu universitaire: ce qu’en disent les étudiant·es, enseignant·es et employé·es) menée à la grandeur du Québec. Cette enquête repose sur une équipe de 12 chercheuses provenant de six universités québécoises, auxquelles se sont jointes plusieurs étudiantes de cycles supérieurs. Le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS ), le Réseau québécois en études féministes (RéQEF) ainsi que le Service aux collectivités de l’UQAM ont aussi participé à l’enquête.

En révélant qu’une personne répondante sur trois avait été victime d’une situation de violence sexuelle en milieu universitaire, les résultats de l’ESSIMU ont rapidement alerté les milieux communautaires, institutionnels et politiques, et sommé les autorités concernées de se saisir de cette problématique longtemps ignorée ou minimisée. Plus encore, 14 des 15 recommandations proposées dans le rapport d’enquête ont été retenues et intégrées dans la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur (chapitre P-22.1 des Lois codifiées du Québec).

L’ESSSIMU a été également le tremplin du premier Symposium canadien sur les violences sexuelles en milieu universitaire, tenu à l’UQAM en 2018. Bilingue, multidisciplinaire et multisectoriel, ce rassemblement a contribué à dynamiser ce champ d’intervention. Par exemple, le symposium a mis l’accent sur l’importance d’une compréhension commune de la violence sexuelle, sur ce qu’on entend par «culture du viol» et par «réponse institutionnelle à la suite de signalements». Enfin, on y a réaffirmé la nécessité d’une analyse féministe intersectionnelle, condition d’une véritable prise en compte des inégalités sociales (sexisme, hétérosexisme).

Par la suite, convaincue du besoin d’implanter une structure officielle qui puisse maintenir – voire intensifier – la mobilisation sociale, Manon Bergeron a proposé la création de la Chaire VSSMES. Au même moment, le rayonnement de ses travaux était reconnu par l’obtention du prix de Scientifique de l’année de Radio-Canada, un honneur rarement décerné à des personnes œuvrant dans le champ des sciences humaines et sociales.

Nul doute, les travaux entrepris depuis un quart de siècle par la lauréate contribuent de façon éloquente à la transformation des normes sociales.

On peut voir la vidéo tournée avec la lauréate par Savoir Média.

Pierre Drapeau

Créé en 1985, le prix Michel-Jurdant est décerné à une chercheuse ou à un chercheur pour souligner l’excellence et le rayonnement de ses travaux et de ses actions dans le domaine des sciences de l’environnement.

Depuis trois décennies, les travaux de Pierre Drapeau en ont fait un des plus éminents spécialistes en sciences forestières au Québec et au Canada. Sa contribution originale au domaine tient à sa capacité d’intégrer l’écologie animale à une approche écosystémique de l’exploitation forestière. Par exemple, il s’est intéressé à la fragmentation des grands paysages forestiers et à ses effets sur les animaux qui y vivent. Il collabore de près avec les écologues de la végétation pour expérimenter l’approche écosystémique de gestion durable de la forêt.

Après un doctorat sur la structure des communautés d’oiseaux de la forêt tempérée du sud du Québec, Pierre Drapeau se joint à l’UQAM en 1994 comme chercheur postdoctoral, au sein du Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaire (GREFI). En 2003, il devient professeur au Département des sciences biologiques. De juin 2010 à mai 2022, il assume la direction (avec Louis Bernier de 2010 à 2019, et seul de 2019 à 2022) du Centre d’étude de la forêt (CEF), un regroupement stratégique du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) qui rassemble les forces vives du Québec dans le domaine forestier.

Pierre Drapeau est un spécialiste des recherches visant à établir le rapport qui existe entre l’aménagement industriel des forêts et ses conséquences sur les populations animales. Dès 2000, il publie dans la revue Ecological Monographs une des premières études sur le sujet menées en forêt boréale nord-américaine. Cette recherche documente les effets sur les communautés d’oiseaux des changements liés aux activités humaines de la structure et de la composition de la forêt boréale mixte . En 2016, avec ses collègues du Réseau de centres d’excellence de gestion durable des forêts, il publie dans la revue Diversity and Distributions une analyse pancanadienne pionnière sur la tolérance des oiseaux à la transformation anthropique du couvert forestier en fonction de leur résilience historique aux perturbations naturelles. L’immense intérêt de cette percée scientifique est de démontrer que le postulat à la base de l’aménagement écosystémique de la forêt – rapprocher l’aménagement forestier de la variabilité naturelle des écosystèmes – est une stratégie appropriée pour la conservation de la biodiversité dans les paysages forestiers aménagés.

L’écologue explorera également avec beaucoup d’acuité le rôle des peuplements forestiers âgés dans le maintien de la biodiversité en milieu boréal. Ces types de forêts sont en déclin en raison de l’expansion des systèmes d’aménagement forestier conventionnels, qui diminuent la superficie des peuplements âgés au détriment d’un accroissement de la proportion de jeunes forêts. L’ouvrage Aménagement écosystémique en forêt boréale, publié en 2008 avec la collaboration d’une soixantaine de collaborateurs, dont ses collègues du Département des sciences biologiques Daniel Kneeshaw et Yves Bergeron, offre une réponse à cet enjeu en proposant de nouvelles pratiques forestières.

Un des legs biologiques qu’offrent les forêts âgées aux écosystèmes est le bois mort qu’elles recèlent, un formidable «habitat» pour maintenir la biodiversité, des oiseaux aux insectes en passant par les champignons et les bactéries. Les travaux de Pierre Drapeau et son équipe portant sur la dynamique du bois mort et son utilisation par la faune ont été particulièrement remarqués. Cette expertise l’a mené en 2011 à la présidence et au titre d’organisateur principal du comité scientifique du premier Symposium international sur la dynamique et les services écologiques du bois mort dans les écosystèmes forestiers, tenu à Rouyn-Noranda.

La recherche du lauréat s’est également largement développée dans le domaine des forêts brûlées, autour des relations entre les populations aviaires et les réseaux trophiques bois incendié/insectes foreurs de bois/oiseaux. S’inspirant de ces travaux, le gouvernement du Québec a adopté, en 2011, de nouvelles orientations d’aménagement écosystémique de la récupération des bois dans les forêts brûlées, visant le maintien de la biodiversité dans ces écosystèmes uniques et méconnus. Toutes ces découvertes pionnières du côté du bois mort et du bois brûlé jouissent aujourd’hui d’un rayonnement international.

Le rôle central de Pierre Drapeau dans la protection du caribou des bois, dossier symbolisant avec force la crise de biodiversité en forêt boréale canadienne, mérite également d’être souligné. Membre d’une équipe de rétablissement de cette espèce depuis 12 ans, il a été sollicité par le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et le Grand Conseil des Cris à plusieurs reprises à titre d’expert.

Au-delà de sa recherche, Pierre Drapeau a également contribué de façon concrète et substantielle au développement institutionnel de la recherche en sciences forestières. Pendant ses 12 années à la direction du CEF, il a réussi à établir ce centre comme le plus important regroupement de chercheurs et de chercheuses en sciences forestières en Amérique du Nord.

Aujourd’hui encore, l’aménagement de la forêt québécoise suscite de nombreux défis. Pour y faire face, la communauté scientifique du CEF a, sous le leadership de Pierre Drapeau, publiquement proposé au gouvernement du Québec, en mars 2021, la création de l’Observatoire national sur la forêt publique du Québec. Cet organisme analyserait la mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts et répondrait aux questionnements de la société de manière transparente et rigoureuse.

D’ici à la création d’un tel observatoire, Pierre Drapeau a fort à faire, car Hydro-Québec lui a demandé de trouver des solutions au fait que les pics s’en prennent… aux poteaux de distribution d’électricité!

On peut voir la vidéo tournée avec le lauréat par Savoir Média.

En septembre dernier, Pierre Drapeau a obtenu le prix Harfang des neiges décerné par le gouvernement du Québec.


La preuve par l’image: prix du jury à l’étudiante Stéphanie Moreau

La candidate à la maîtrise en biologie Stéphanie Moreau a remporté le prix du jury dans le cadre du concours La preuve par l’image. Intitulée Veuve au tricot, la photo soumise par Stéphanie Moreau montre une veuve noire de l’Ouest qui, ayant perçu des vibrations sur sa toile, se précipite pour en découvrir la source.  Il s’agissait de la quatorzième édition de ce concours, organisé par l’Acfas en collaboration avec Radio-Canada, Espace pour la vie et le CRSNG, auquel des chercheuses et chercheurs du Québec et du Canada présentent des images issues de recherches scientifiques.