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2,7 M$ pour optimiser la forêt urbaine

La Chaire Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance des arbres voit son mandat renouvelé pour une deuxième fois.

Par Pierre-Etienne Caza

20 février 2023 à 10 h 32

Mis à jour le 22 février 2023 à 7 h 10

La Chaire Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance des arbres vient d’obtenir un peu plus de 2,7 millions de dollars dans le cadre d’une subvention CRSNG Alliance pour un nouveau projet de recherche intitulé «Arbrenvil: développement d’une foresterie urbaine de précision pour optimiser le couvert forestier en ville». Il s’agit d’un troisième financement pour la chaire, dont le mandat a ainsi été renouvelé jusqu’en 2027.

«Quand j’ai commencé, j’étais à peu près le seul au Québec et au Canada à m’intéresser à la foresterie urbaine, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Avec la conscientisation liée aux effets des changements climatiques, aux îlots de chaleur et aux insectes ravageurs, le domaine suscite un intérêt sans précédent», se réjouit son titulaire, le professeur du Département des sciences biologiques Christian Messier.

Le montant de la subvention obtenue inclut les contributions des partenaires du nouveau projet de recherche, soit Hydro-Québec, l’entreprise québécoise de cartographie mobile Jakarto ainsi que six villes et municipalités: Ripon, Gatineau, Laval, Varennes, Boucherville et Candiac. «Montréal n’est pas impliquée directement dans le projet, mais puisque mon collègue Alain Paquette est titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine [NDLR: ce dernier a obtenu l’an dernier une subvention CRSNG Alliance pour un projet recherche partenariale intitulé «Vers l’adaptation des forêts urbaines aux changements globaux»], il va de soi que nos résultats pourront également servir dans la métropole», observe Christian Messier.

Ses collègues de l’UQAM Tanya Handa et Daniel Kneeshaw (sciences biologiques) et Marie-Jean Meurs (informatique) figurent parmi les co-chercheuses et co-chercheurs de l’équipe, à laquelle se joindront des spécialistes de trois autres universités (Sherbrooke, Université du Québec en Outaouais et Colombie-Britannique) ainsi que des étudiantes et étudiants intéressés par la foresterie urbaine.

Stabilité biomécanique et élagage

Le projet compte plusieurs axes de recherche. «Nous développons depuis quelques années des interventions qui maximisent la stabilité biomécanique des branches à la suite de l’élagage et qui optimisent les méthodes d’enlèvement d’arbres morts et dangereux, tout en nous penchant sur des approches de contrôle précoce d’arbres plantés sous le réseau de distribution électrique et de nouvelles méthodes de gestion des arbres situés à proximité des fils électriques», indique Christian Messier.

Ces travaux se déroulent en partie à Saint-Bruno, là où Hydro-Québec a mis à la disposition du professeur Messier un vaste terrain afin que son équipe puisse créer une forêt de toutes pièces. «Nous y avons planté 350 arbres comme ceux que l’on plante en ville, précise le chercheur. Nous pouvons y tester différents traitements, ou interventions, visant à guider la croissance des arbres afin qu’ils évitent “naturellement” les fils électriques.»

Interactions arbres-sols

C’est également à Saint-Bruno que la professeure Tanya Handa pourra se pencher sur l’étude des relations arbres-sols. «Il s’agit de manipuler la végétation au pied des arbres et d’observer les effets de différents micro-organismes afin d’identifier les meilleurs sols pour la croissance des arbres, explique Christian Messier. Tanya est une spécialiste reconnue de la décomposition de la matière organique et des arbres en milieu urbain et péri-urbain.»

L’équipe travaillera aussi sur les problématiques des îlots de chaleur et du contrôle de l’eau en milieu urbain.

L’IA et les arbres

Le développement d’algorithmes pouvant prédire les besoins en élagage, les risques de bris de branches et d’arbres causés par des faiblesses biomécaniques figure également parmi les axes du nouveau projet. «Ma collègue Marie-Jean Meurs, spécialiste en intelligence artificielle, travaillera de près avec notre partenaire Jakarto qui utilise les données LiDAR à haute résolution afin d’obtenir un portrait détaillé des arbres présents sur un territoire donné et de leur état. Plutôt que d’élaguer systématiquement les arbres rue par rue à tous les 4 ou 5 ans, nous pourrons identifier chaque année les arbres qui en ont besoin, optimisant ainsi les interventions et réduisant les coûts», espère Christian Messier.

Insectes et maladies exotiques

Le professeur Daniel Kneeshaw se chargera du volet concernant le développement de connaissances et d’outils prédictifs des changements climatiques et des risques biotiques (insectes et maladies exotiques). «Spécialiste de l’agrile du frêne, Daniel surveille attentivement les mouvements de propagation de plusieurs insectes ravageurs aux États-Unis, car une trentaine d’entre eux risquent de migrer vers le nord au cours des 50 prochaines années. Nous aimerions prédire leur venue et intégrer tout cela à notre outil afin d’aider les villes à identifier et à surveiller les espèces d’arbres les plus vulnérables, tout en bénéficiant de connaissances optimales quant aux nouvelles espèces à privilégier», explique Christian Messier.

Les changements climatiques devront aussi être pris en compte. «L’idée est d’observer les modélisations des températures prévues dans le sud du Québec dans 20, 30 ou 40 ans, puis de se tourner vers des villes américaines vivant sous ces températures actuellement afin d’identifier les espèces qui y poussent sans problème. Le défi est de planter dans nos villes des espèces qui poussent bien aujourd’hui, mais qui seront également bien adaptées à l’environnement de demain», souligne Christian Messier, insistant sur le fait qu’il faut arrêter de planter des espèces en se fiant au passé.

Tous ces nouveaux algorithmes et outils informatiques seront intégrés à SylvCiT, le logiciel intelligent développé initialement par l’UQAM et disponible en open source. «J’aime l’idée qu’un projet soit relié à un outil intégrant l’ensemble des connaissances, que l’on pourra ensuite offrir aux décideurs publics. C’est ainsi que la recherche a le plus d’impact!», se réjouit Christian Messier.

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Photo: Nathalie St-Pierre
Un arbre, un compagnon

À plusieurs reprises durant la conversation, Christian Messier parle de «nos» arbres. «On ne se doute pas à quel point certaines personnes sont attachées à certains arbres en particulier. Un jour où je me trouvais dans une rue avec mon équipe pour évaluer les blessures d’un arbre, une dame d’un certain âge est venue nous demander avec inquiétude si nous allions l’abattre. Elle nous a raconté qu’elle avait grandi dans le quartier et que, toute petite, elle venait souvent pleurer sous cet arbre, qui était devenu pour elle un genre de compagnon», raconte-t-il.

Cette anecdote reflète sans doute le sentiment d’une grande partie de la population. «On reconnaît désormais les bienfaits des arbres non seulement sur les infrastructures, car ils contribuent à la diminution de l’écoulement des eaux, mais aussi sur la santé humaine, poursuit le professeur. Plusieurs études démontrent que les espaces verts diminuent le stress et favorisent le bien-être des gens.»