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Ces arbres qui nous font du bien

Une balade du Cœur des sciences fait apprécier les nombreux bienfaits des arbres en milieu urbain.

Par Claude Gauvreau

16 août 2022 à 15 h 13

Mis à jour le 18 août 2022 à 10 h 04

Quels services les arbres fournissent-ils en milieu urbain? Par quoi les arbres sont-ils menacés? Que faire pour les protéger et assurer leur croissance? Pour répondre à ces questions, le Cœur des sciences a organisé une balade scientifique le 11 août dernier. Animée par Sarah Tardif et Marine Fernandez, respectivement doctorante et postdoctorante en biologie, la balade a réuni une vingtaine de personnes, malgré des risques d’orage. D’une durée de 90 minutes, l’excursion a conduit les participantes et participants dans l’arrondissement montréalais Ahuntsic-Cartierville, plus précisément au parc Basile-Routhier, véritable forêt urbaine située à proximité de la rivière des Prairies.

Avant d’atteindre le parc, le groupe se dirige vers une allée piétonne bordée d’arbres, au milieu de la circulation. En guise d’introduction, Sarah Tardif rappelle que la forêt urbaine montréalaise – arbres sur les rues et dans les parcs – est relativement diversifiée. «Les érables, notamment l’érable de Norvège et l’érable argenté – et les frênes représentent environ 50 % des arbres plantés à Montréal. Depuis quelques années, les arbres et autres espaces verts sont considérés comme des infrastructures vertes et sont pris en compte dans les plans d’aménagement du territoire, au même titre que les voies de circulation.»

La doctorante enchaîne avec quelques questions. «Savez-vous ce qu’est la canopée?», demande-t-elle. «C’est la cime des arbres», répond une participante. En effet, la canopée fait référence au sommet des arbres, où les feuilles captent plus de 95% de l’énergie solaire et absorbent 30 % des précipitations. Par extension, l’indice de canopée correspond à la surface d’ombre au sol que procure le feuillage des arbres sur un territoire donné. «À Montréal, l’indice de canopée s’élevait à 20 % en 2015, note Sarah Tardif. La Ville a élaboré un plan d’action pour que l’indice atteigne 25 % d’ici 2025.»

Quels sont les stress environnementaux qui, en milieu urbain, affectent les conditions de vie des arbres? Les polluants atmosphériques, dit l’une des participantes. Les sels de déglaçage, relève une autre personne. D’autres participants mentionnent le sol compacté, les insectes ravageurs, sans oublier les bâtiments et trottoirs qui limitent la disponibilité de nutriments, de l’eau en particulier, ainsi que l’accès à la lumière. «Les travaux de construction, de rénovation et de déneigement abîment l’écorce des arbres, ouvrant la porte aux maladies et aux insectes nuisibles», ajoute Sarah Tardif.


Des services précieux

Le groupe se déplace ensuite vers le parc Basile-Routhier, à la fois oasis de verdure et lieu privilégié pour se détendre et pratiquer des loisirs en plein air. Un décor idéal pour discuter des nombreux services que les arbres rendent aux humains.

Les arbres rafraîchissent l’air et améliorent en général sa qualité, font observer des participants. Ils diminuent aussi les risques d’inondation, absorbent les bruits environnants, embellissent le paysage urbain et offrent un habitat à une multitude d’oiseaux et de mammifères, contribuant ainsi au maintien de la biodiversité. Malheureusement, les arbres et autres espaces verts sont moins nombreux dans les quartiers défavorisés, comme c’est le cas à Montréal et dans d’autres grandes villes.

«Les arbres favorisent le bien-être tant physique que psychologique, produisant notamment un effet apaisant, poursuit Sarah Tardif. Aux États-Unis, des études ont établi un lien entre la présence d’arbres en ville et la réduction des maladies cardio-vasculaires, et même celle du taux de criminalité.»

Le fléau de l’agrile du frêne

La discussion se poursuit sur un insecte particulièrement ravageur, l’agrile du frêne, qui s’est attaqué ces dernières années à la troisième espèce d’arbres la plus importante à Montréal. Pendant que circulent des échantillons d’agriles enfermés dans de petits contenants, la postdoctorante Marine Fernandez explique que cet insecte de la famille des coléoptères, d’origine asiatique, est arrivé en Amérique du Nord dans des cargaisons de bois de frêne, au début des années 2000.

«L’agrile pond ses œufs sous l’écorce des frênes, dit la postdoctorante. Les larves creusent des galeries dans le phloème, sorte de tuyau conducteur à l’intérieur de l’arbre, empêchant la sève de circuler et asséchant le frêne. Il faut compter deux ou trois ans avant que l’arbre ne meure.»

Aujourd’hui, Montréal a perdu la moitié de ses frênes. Au cours de la seule année 2019, 18 000 frênes ont été coupés dans la métropole. «Pour combattre ce fléau, on a fait de petites piqûres à la base de l’arbre pour y introduire un produit chimique, une opération coûteuse qu’il faut répéter tous les deux ou trois ans, en plus d’installer des pièges afin de capturer l’agrile, note Marine Fernandez. Pour éviter que l’agrile ne se propage, une autre solution, prometteuse pour l’avenir, consisterait à diversifier davantage les espèces d’arbres à Montréal.»


Le projet IDENT-Cité

Les deux étudiantes profitent de la balade pour parler du projet IDENT-Cité, lancé par l’International Diversity Experiment Network with Trees (IDENT), auquel l’UQAM collabore par le truchement de la Chaire de recherche CRSNG/Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance des arbres. Son objectif est de sensibiliser la population à l’importance des arbres et de la biodiversité en milieu urbain.

«Ce réseau de recherche a permis des plantations d’arbres à divers endroits à travers le monde, notamment au Québec, en Ontario, aux États-Unis, en Europe et, plus récemment, en Éthiopie», précise Sarah Tardif. Le parc Basile-Routhier abrite depuis 2015 l’une de ces plantations, la première en milieu urbain, adaptée aux changements climatiques. C’est d’ailleurs ici qu’a été planté, il y a sept ans, le millionième arbre dans le cadre du projet IDENT-Cité: un pin blanc du Japon, qui ressemble à un bonsaï.

Dans le parc, la plantation prend la forme d’une installation en double spirale, qui se compose de 48 arbres, des conifères et des feuillus, provenant de 27 espèces différentes, dont la plupart sont méconnues du grand public et peu présentes dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. On y trouve plusieurs espèces exotiques et quelques indigènes. Disposées de façon à présenter un gradient de biodiversité, les espèces sont de plus en plus diversifiées à mesure que les promeneurs se déplacent vers le centre de la spirale.

«Ces arbres présentent tous des caractéristiques différentes, relève la doctorante. Leur feuillage, leurs tiges et leurs troncs n’ont pas la même forme, la même taille ou la même couleur. Leurs racines puisent leurs nutriments à la surface du sol ou davantage en profondeur.» Plus une forêt urbaine est diversifiée, plus elle sera résiliente face aux intempéries, aux infestations d’insectes exotiques, à la chaleur, à la sécheresse et à la pollution.


Au bord de la rivière

La balade se conclut sur les berges de la rivière des Prairies, bordées d’arbres. Quels avantages ces arbres présentent-ils? «Ils permettent, notamment, de limiter l’érosion grâce à leurs racines qui compactent le sol, explique Marine Fernandez. Ils favorisent aussi le rafraîchissement de l’eau.»

Il est un peu plus de 18 heures lorsque l’excursion se termine. Tout le monde applaudit et félicite les deux étudiantes pour leur animation dynamique et pour la richesse de leur présentation.

Le Cœur des sciences prévoit d’autres balades scientifiques au cours des prochaines semaines. La première, Mahs en ville aura lieu les 24 et 31 août prochains. De la circulation routière à la forme des bouches d’égout, en passant par la façade colorée du Palais des Congrès, Montréal regorge d’énigmes mathématiques. Suivront les balades Spécial lève-tôt – Quand la ville s’éveille, le 14 septembre, et Ramdam urbain, le 15 septembre, toutes deux consacrées à l’environnement sonore en ville: circulation routière, chantiers de construction et systèmes de ventilation feront partie des sujets abordés.