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Profession: cartographe

Passionné par les innovations technologiques, Mourad Djaballah met son expertise au service de la formation et de la recherche.

Par Claude Gauvreau

20 janvier 2025 à 8 h 13

Lauréat 2024 du prix Atlas – Initiative et développement décerné par la Faculté des sciences humaines, Mourad Djaballah, technicien en cartographie et en géomatique au Département de géographie, est fasciné depuis longtemps par les territoires, grands ou petits. «Cela remonte à mon enfance», raconte avec un brin de nostalgie celui qui est né dans un petit village de Kabylie, région située entre mer et montagnes dans le nord de l’Algérie. «Petit, je jouais toujours dehors, attiré par la nature, les montagnes et les rochers. Leurs formes et leurs couleurs différentes suscitaient ma curiosité.»

Mourad Djaballah a fait toutes ses études en Algérie. Il détient un diplôme d’ingénieur en géologie structurale (spécialisé en tectonophysique), obtenu en 2001 à l’Université des sciences et de la technologie Houari Boumediene, à Alger. Par la suite, il a occupé divers postes en géologie et en cartographie au sein d’agences publiques et de compagnies privées dans son pays.

«Ayant à la fois une formation en géologie et en géographie, je ne perçois pas ces disciplines comme étant très différentes l’une de l’autre. Un géographe et un géologue parlent le même langage. Quant à la cartographie, elle est à leur service. On peut concevoir des cartes géographiques, géologiques ou encore géomorphologiques.»

En mars 2009, il décide, avec sa conjointe, de venir s’établir à Montréal. «Mon frère, qui est informaticien, vivait déjà au Québec depuis 2003. Il m’a vanté la région et m’a encouragé à venir m’installer ici en m’assurant que je pourrais m’y épanouir et réaliser ce que je souhaitais faire.» Quelques mois après avoir posé ses valises, Mourad Djaballah s’inscrit au programme de technologie de la géomatique au Cégep Ahuntsic. Il obtient son diplôme d’études collégiales en 2012.

«Ayant à la fois une formation en géologie et en géographie, je ne perçois pas ces disciplines comme étant très différentes l’une de l’autre. Un géographe et un géologue parlent le même langage. Quant à la cartographie, elle est à leur service. On peut concevoir des cartes géographiques, géologiques ou encore géomorphologiques.»

Mourad Djaballah,

Technicien en cartographie et en géomatique au Département de géographie

C’est en mars 2015 que Mourad Djaballah rejoint le Département de géographie comme technicien en cartographie et technologue en géomatique. «Un poste était ouvert et j’ai soumis ma candidature. J’ai passé une entrevue avec ceux qui, depuis, sont devenus des collègues et des amis. Je n’étais pas certain de mes chances, mais, quelques heures plus tard, j’ai reçu un coup de fil me disant que j’étais embauché.»


Soutenir la formation et la recherche

Au Département de géographie, Mourad Djaballah a pour mandat de soutenir les personnes étudiantes de tous les cycles dans leurs travaux en cartographie et à l’occasion de stages sur le terrain, y compris à l’international, ainsi que le personnel enseignant dans le cadre des cours et des laboratoires. «Comme les professeurs ne peuvent pas assurer une présence constante, mon rôle est d’aider les étudiantes et étudiants à résoudre des problèmes techniques, à lire des cartes et à les documenter, à interpréter des images, aériennes ou satellitaires, à utiliser des données géospatiales.»

Mourad Djaballah est bien plus qu’un technicien en cartographie. Il est le seul cartographe de la Faculté. Il assure une veille technologique et propose, tant au personnel enseignant qu’aux étudiantes et étudiants, de nouveaux outils, comme des logiciels et des cartes interactives. Depuis 2018-2019, rappelle-t-il, les technologies se sont développées à une vitesse exponentielle, transformant la façon de faire de la cartographie et de l’enseigner. La géomatique, qui regroupe l’ensemble des technologies nécessaires à la production, au traitement et à la diffusion des données géographiques, s’est imposée.

«Mon rôle est d’aider les étudiantes et étudiants à résoudre des problèmes techniques, à lire des cartes et à les documenter, à interpréter des images, aériennes ou satellitaires, à utiliser des données géospatiales.»

«On n’a plus le choix de travailler avec des données géospatiales, des images satellitaires et des logiciels pointus, souligne Mourad Djaballah. Aujourd’hui, on parle d’intelligence géographique. Cela permet, par exemple, de concevoir des modèles de surveillance et de prévision des risques naturels – inondations, feux de forêt, glissements de terrain, avalanches –, qui servent d’outils d’aide à la décision en matière de prévention.»


Rigueur et disponibilité

Mourad Djaballah est reconnu pour sa rigueur et sa disponibilité. Cela fait de lui un atout non seulement pour le Département de géographie, mais aussi pour d’autres départements. Ainsi, il lui arrive d’être sollicité par des chercheuses et chercheurs provenant de divers horizons.

Récemment, le cartographe a travaillé avec la doctorante en sociologie Véronica Gomes dans le cadre de sa recherche sur les trajectoires de femmes des Premières Nations en situation de mobilité ou d’itinérance dans la région de la Mauricie. Pour documenter ces trajectoires, la doctorante souhaitait recourir à la méthode participative du photovoix, un outil de cueillette de données permettant aux femmes autochtones de prendre des photos des lieux de la ville où elles se sentent ou non en sécurité, afin d’illustrer leurs besoins et leurs préoccupations.

«Ma codirectrice de thèse, Leila Celis, m’a recommandé de consulter Mourad, car j’avais besoin d’un coup de main pour identifier les trajectoires des femmes autochtones, notamment la position géographique de leurs photos, explique Véronica Gomes. On m’avait dit aussi qu’il avait travaillé à concevoir des story maps, qui permettent de raconter des histoires de vie au moyen de cartes géographiques. Généreux, Mourad m’a proposé de m’aider à produire des cartes numériques pour ma recherche, à trouver la meilleure application en vue d’obtenir une géolocalisation précise des photos.»

Mourad Djaballah a aussi accepté de présenter l’application aux organismes partenaires de la recherche de Véronica Gomes, soit l’Observatoire des réalités autochtones urbaines et le Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières. «J’avais réussi à trouver une application simple et efficace, que Véronica et des femmes autochtones pouvaient utiliser sur le terrain, dit le cartographe. J’essaie toujours de me mettre à la place des utilisateurs des technologies. Pour moi, c’est un défi stimulant.»


Un nouveau laboratoire de technopédagogie

En 2022, avec son collègue Hans Asnong, Mourad Djaballah a mis sur pied le Laboratoire de technopédagogie et de géomatique, dont il est coresponsable. «Le laboratoire se veut une sorte de plaque tournante pour l’ensemble des chercheuses et chercheurs du Département de géographie, tout en étant ouvert à d’autres départements de la Faculté», observe le cartographe. Ses membres accompagnent ceux et celles qui en ont besoin dans leurs travaux de recherche sur le terrain. Ils organisent également des ateliers de formation pour des étudiantes et étudiants qui n’ont pas de connaissances de base en cartographie.

«Encore en construction, le laboratoire vise à intégrer et à rendre accessibles des outils technologiques performants, devenus indispensables, poursuit Mourad Djaballah. Il s’agit, entre autres, d’images satellites et de drones, lesquels permettent de recueillir des données géospatiales sur différents sites d’étude en milieu urbain et rural. Le Département dispose, d’ailleurs, d’un drone spectral et d’un drone thermique. Comme pour les avions, les missions de vol de drones doivent être validées et respecter une réglementation en matière de sécurité.»

Avant d’utiliser l’appareil sur le terrain, Mourad Djaballah et l’équipe du laboratoire prévoient faire des simulations virtuelles, à l’aide d’un casque, afin de se familiariser avec la technologie.


Prix Atlas

Pour souligner l’ensemble des contributions du cartographe depuis son arrivée à l’UQAM, la Faculté des sciences humaines lui a remis, l’automne dernier, le prix Atlas -Initiative et développement. «Cela m’a beaucoup ému, dit Mourad Djaballah. Ça montre que le travail que l’on accomplit ne passe pas inaperçu. Plusieurs collègues m’ont félicité. La professeure du Département de géographie Laurie Guimond, avec qui je collabore depuis 10 ans, m’a dit: Vous savez, Mourad, ce prix, vous le méritez chaque année. Comment ne pas être touché? J’ai alors repensé au chemin parcouru, fait de hauts et de bas, depuis mes études en Algérie, à mes parents qui, malgré leurs conditions modestes, m’ont tant donné.»

Dans son travail, Mourad Djaballah dit apprécier tout particulièrement la force de cohésion entre le personnel de soutien et le personnel enseignant. «Jamais, affirme-t-il, je n’ai senti de rapports hiérarchiques entre nous. Et puis, j’adore les défis, surtout ceux qui exigent de la créativité.»