Selon Statistique Canada, près de la moitié des Autochtones vivaient de façon permanente dans des villes d’au moins 100 000 habitants en 2021. Bien que les populations autochtones soient en constante croissance dans les centres urbains, il existe peu de données sur leurs conditions de vie. Pour aider à combler cette lacune, la doctorante en sociologie (concentration études féministes) Véronica Gomes mène une recherche sur les trajectoires de femmes des Premières Nations en situation de mobilité ou d’itinérance dans la région de la Mauricie. La recherche est conduite en partenariat avec l’Observatoire des réalités autochtones urbaines et le Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières, qui a aussi une antenne à Shawinigan.
«Dans le cadre de mes études de doctorat, codirigées par les professeures du Département de sociologie Leila Celis et Shirley Roy, j’ai entrepris depuis quelque temps une démarche de rapprochement avec des groupes autochtones, notamment des femmes des Premières Nations, ce qui a permis d’établir un lien de confiance, explique Véronica Gomes. Il y a un an, j’ai contacté le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec et le Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières, qui ont accueilli favorablement mon projet et accepté d’y collaborer.»
Adoptant une approche féministe, la recherche-action vise plus spécifiquement à comprendre les besoins des femmes autochtones à Trois-Rivières et à Shawinigan, en regard des services qui leur sont offerts, et les enjeux auxquels elles sont confrontées. «Les membres des communautés Autochtones ne sont pas présents uniquement à Montréal et à Québec, mais aussi dans des dizaines de villes au Québec, notamment en Mauricie, où leur réalité est peu connue», note la doctorante.
«Les travaux de Veronica Gomes s’inscrivent dans les différentes thématiques de recherche identifiées dans le cadre de la consultation menée l’an dernier par l’Observatoire des réalités autochtones urbaines, souligne sa directrice, Julie Girard. La question de l’itinérance, cachée ou visible, et la conception de l’habitat par les Autochtones en milieu urbain font en effet partie de ces thématiques. Les travaux de Veronica nous aideront à trouver des solutions significatives qui répondent aux besoins des femmes des Premières Nations.»
Mis sur pied en décembre 2022 par le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, l’Observatoire des réalités autochtones urbaines a pour mission de rassembler et partager les connaissances en lien avec les questions de l’autochtonie urbaine, tout en plaçant au cœur de son action les savoirs et expertises des Premières Nations et des Inuits.
De la mobilité à l’itinérance
«Les femmes des Premières Nations en milieu urbain se déplacent beaucoup d’un lieu à un autre, chez des amis ou des parents, par exemple, observe Véronica Gomes. Cette mobilité peut conduire à une forme de vulnérabilité, voire à des conditions d’itinérance. Ces femmes, souvent monoparentales, éprouvent des difficultés à se loger et font face à la précarité financière ainsi qu’à diverses formes de discrimination et de racisme.»
La doctorante souhaite documenter les besoins de base des femmes autochtones – se nourrir, se loger, être en sécurité –, sans parler de leurs besoins culturels. En 2022, 41 % des enfants autochtones âgés de 1 à 14 ans vivant en milieu urbain souffraient d’insécurité alimentaire, selon une enquête de Statistique Canada. Il s’agit d’une proportion 2,5 fois plus élevée que chez les enfants non autochtones.
La recherche permettra d’identifier si les ressources d’aide offertes aux femmes autochtones sont suffisantes et adéquates. «À Trois-Rivières et Shawinigan, on trouve des services d’hébergement offerts aux personnes itinérantes et aux femmes victimes de violence, mais il n’en existe aucun dédié aux femmes autochtones en situation d’itinérance», relève Véronica Gomes.
Pour documenter les trajectoires des femmes des Premières Nations, la doctorante aura recours à la méthode participative du photovoix, un outil de cueillette de données et de co-construction de connaissances offrant un espace d’écoute et d’échange. «Des femmes seront invitées à prendre des photos sur des lieux de la ville où elles se sentent ou non en sécurité, afin d’illustrer leurs besoins et leurs préoccupations. Puis, les photos alimenteront des discussions en petits groupes. Les données issues de la recherche seront transmises aux organismes autochtones partenaires.»
Dans le cadre de sa recherche doctorale, Véronica Gomes compte sur l’appui du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), où elle est coordonnatrice scientifique, et du Réseau DIALOG, un réseau stratégique de connaissances créé en 2001 et ancré à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Financé par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture et le CRSH, DIALOG, dont la doctorante est membre, se veut un forum de partage et de rencontre se situant à l’interface du milieu universitaire et du milieu communautaire autochtone.