Dix ans après la première retraite de rédaction de l’OBNL Thèsez-Vous?, sa cofondatrice Émilie Tremblay-Wragg (Ph.D. éducation, 2018) a obtenu une chaire stratégique sur la formation et le soutien à la rédaction scientifique en collectif. «Au vu de tous les bénéfices que procurent les retraites et les activités de rédaction en collectif, il me semblait opportun de déposer un tel projet de chaire à l’UQAM», souligne la professeure du Département de didactique.
Le lancement officiel de la nouvelle chaire avait lieu le 8 octobre dernier à la Bibliothèque des sciences, en marge de la première édition de la Journée internationale de la rédaction en collectif.
Deux axes: formation et soutien
Les difficultés rédactionnelles vécues par les personnes étudiantes contribuent aux taux élevés de prolongation et d’abandon aux cycles supérieurs (30 % à la maîtrise et 50 % au doctorat), et représentent un défi important une fois la carrière professorale entamée, rappelle Émilie Tremblay-Wragg. «La Chaire a pour mission de documenter le développement, la mise en œuvre et l’efficacité des stratégies où la rédaction d’une production scientifique – mémoire, thèse, article, demande de subvention – se fait en présence de pairs. Elle s’inscrit dans une culture de socialisation et d’entraide, essentielle pour la production de connaissances de haut niveau», souligne-t-elle.
Les travaux de la nouvelle chaire se déploieront autour de deux axes. Le premier concerne la formation à la rédaction en collectif. «Il s’agit de créer des formations pour apprendre à rédiger, car les directions de recherche nous disent, depuis des années, qu’il est difficile d’assumer seules le rôle de former les étudiantes et étudiants à la rédaction scientifique et que le soutien de l’institution ou d’autres organisations serait complémentaire», précise Émilie Tremblay-Wragg.
Le second axe s’inscrit dans la prolongation du travail amorcé chez Thèsez-Vous? il y a une décennie, soit le soutien à la rédaction en collectif. «Il s’agit de poursuivre la création et l’aménagement des environnements physiques pour permettre aux personnes de rédiger, en mettant également l’accent sur la gestion du temps. Il faut leur apprendre comment gérer leur agenda avec toutes les autres tâches à accomplir, il faut les amener à légitimer la rédaction comme étant une tâche prioritaire.»
Émilie Tremblay-Wragg est en réflexion avec des partenaires uqamiens et montréalais pour créer un espace de rédaction à l’UQAM, sur le modèle de l’Espace Thèsez-Vous, toujours opérationnel dans le quartier Villeray. Ce nouveau lieu serait situé à l’extérieur, pour allier écriture et verdure. «Ce serait à la fois un endroit comportant une programmation pour des formations à la rédaction scientifique et un espace de rédaction pour la communauté universitaire», explique-t-elle.
Un projet pilote est également en cours: les deux coordinatrices de la chaire, Laure Boyer et Ariane Dupuis, souhaitent tester un nouveau modèle de thèse de recherche collaborative, c’est-à-dire qu’elles déposeraient une seule thèse, conjointe, en fin de parcours. «Pour cela, il faudra modifier le Règlement numéro 8 sur les études de cycles supérieurs, précise Émilie Tremblay-Wragg. Si cela fonctionne, Laure et Ariane pourront aller de l’avant et nous évaluerons l’ensemble du processus pour éventuellement faire la promotion de ce nouveau modèle s’il s’avère prometteur.»
Journée internationale de rédaction en collectif
La nouvelle chaire compte plusieurs membres rattachés à l’UQAM ainsi qu’à l’UQTR, l’UQAR, l’UQAC, l’Université de Sherbrooke et l’Université Laval, entre autres.
Lors de la première Journée internationale de la rédaction en collectif, chaque membre devait proposer, dans son institution d’attache, une activité de rédaction en collectif avec la technique Pomodoro (50 minutes de rédaction et 10 minutes de pause pour socialiser) agrémentée ou pas d’une activité sociale. «Certaines personnes avaient organisé une marche en plein air, d’autres des activités artistiques», illustre la chercheuse.
L’autrice de l’ouvrage Assieds-toi et écris ta thèse! (PUL, 2e édition, 2025), Geneviève Belleville, a prononcé une conférence avant le lancement officiel de la chaire.
Du temps pour soi
De plus en plus de facultés, à l’UQAM et ailleurs au Québec, organisent des retraites de rédaction pour leurs professeures et professeurs en s’inspirant des activités de Thèsez-Vous?, observe fièrement Émilie Tremblay-Wragg.
«Tous les profs ont un article à écrire dans leurs cartons… parfois depuis des années. Voilà pourquoi certaines et certains se sentent interpellés lorsqu’on organise ce type d’activité.»
Émilie Tremblay-Wragg
Titulaire de la Chaire UQAM sur la formation et le soutien à la rédaction scientifique en collectif
Au fil des ans, la professeure a recueilli de nombreux témoignages de personnes étudiantes ou enseignantes heureuses d’avoir pu s’offrir trois jours de rédaction dans de bonnes conditions, loin des repas à préparer, des enfants à aller chercher au CPE et de la routine familiale. «Les gens prennent comme un cadeau le fait de se réserver du temps pour avancer dans la rédaction de leur mémoire, de leur thèse ou de leur article scientifique», observe-t-elle.
Pas une obligation
Au cours des derniers mois, certaines voix ont critiqué les applications numériques visant à soutenir à distance la rédaction de mémoire ou de thèse, comme Chrono ou Jardin, des projets pilotés par Émilie Tremblay-Wragg avec des équipes interuniversitaires en collaboration avec Thèsez-Vous?. On leur a reproché, entre autres, d’infantiliser les étudiantes et les étudiants.
L’application Jardin, qui récompense la persévérance dans la rédaction et encourage l’utilisatrice ou l’utilisateur, est le fruit d’une recherche-action partenariale de quatre années, observe Émilie Tremblay-Wragg. «Elle a été coconstruite avec un groupe de personnes étudiantes en fonction de leurs besoins. Si l’application est bénéfique pour certaines personnes, pourquoi ne s’en serviraient-elles pas?», s’interroge la chercheuse, qui trace un parallèle avec les applications de bien-être sur les montres connectées.
L’application Chrono géolocalise les personnes en train de rédiger partout dans le monde et comporte un espace de clavardage à utiliser au besoin lors des moments de pause. «Il y a toujours au moins une dizaine de personnes qui l’utilisent lorsque je m’y connecte», note la professeure.
«Notre prétention n’a jamais été de rejoindre tout le monde ni d’imposer une façon de faire. Certaines personnes préfèrent rédiger seules dans leur bureau et c’est correct. Nous visons les personnes à qui ça peut faire du bien, à qui ça donne un coup de pouce d’être en groupe pour s’astreindre à la tâche et éviter la procrastination», conclut-elle.