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Un lieu idéal pour rédiger

L’Espace Thèsez-vous a été conçu spécifiquement pour répondre aux besoins des étudiants de cycles supérieurs en période de rédaction. 

Par Pierre-Etienne Caza

4 février 2019 à 14 h 02

Mis à jour le 5 février 2019 à 9 h 02

Une magnifique lumière naturelle baigne le local en cette journée hivernale. Nous veillons à ne pas déranger la vingtaine d’étudiants qui y rédigent en silence, tandis que Marie-Ève Gadbois (M.Ed. éducation et formation spécialisées, 2016) nous accueille et nous entraîne dans une salle à l’écart. «La popularité de l’Espace Thèsez-vous ne se dément pas depuis son ouverture en octobre dernier», souligne la doctorante en éducation.

Connu pour l’organisation de retraites de rédaction à travers le Québec, l’organisme à but non lucratif Thèsez-vous possède désormais son propre havre paisible dans le quartier Villeray, près du métro Jean-Talon. «C’est le premier espace du genre au monde, conçu spécifiquement pour répondre aux besoins des étudiants de cycles supérieurs qui souhaitent rédiger dans les meilleures conditions possibles», affirme Marie-Ève Gadbois, coprésidente du conseil d’administration.

Quelques minutes après notre arrivée, les participants se lèvent: c’est l’heure de la pause. On se dégourdit les jambes, on en profite pour faire le plein de café, de thé ou d’eau. On discute autour de l’îlot dans la cuisine adjacente à la salle de rédaction, ou assis sur les coussins des estrades aménagées à l’arrière du local. «Les étudiants qui fréquentent l’Espace proviennent majoritairement des universités montréalaises. La moitié est à la maîtrise, l’autre au doctorat et ils sont issus de toutes les disciplines, observe Marie-Ève Gadbois. Lors des pauses, ils discutent souvent de leur sujet de recherche, de leurs blocages et ils échangent des trucs. Ils forment réellement une petite communauté!»

Des blitz de rédaction

Photo: Nathalie St-Pierre

Pour profiter de l’une des 40 places de l’Espace, il faut être membre de Thèsez-vous – les étudiants aux cycles supérieurs paient 20 $/an (les professeurs peuvent aussi être membres pour 100 $/an). Il suffit ensuite de réserver un ou des blocs de rédaction sur le site Internet. Il y a trois blocs par jour: 8 h à 12 h, 13 h à 17 h et 18 h à 22 h, du lundi au jeudi (le vendredi et le samedi, seuls les blocs du matin et de l’après-midi sont disponibles). «Chaque bloc coûte 5 $ + taxes pour 4 heures de rédaction incluant le thé et le café, explique Marie-Ève Gadbois. Les participants peuvent apporter leur lunch, un avantage non négligeable que n’offrent pas les bibliothèques ni les cafés.»

Les responsables de Thèsez-vous, une équipe presque entièrement féminine, ont été surprises de constater que l’endroit est plus populaire vers la fin de la semaine. «Il nous est même arrivé de devoir refuser des gens, voilà pourquoi on insiste sur l’importance de réserver sa place à l’avance sur notre site Internet», souligne la doctorante.

Photo: Nathalie St-Pierre

Pour chaque bloc, une animatrice ou un animateur bénévole veille à l’application de la technique Pomodoro (une stratégie de gestion du temps visant à contrer la procrastination), qui a été adaptée pour les besoins de la rédaction académique en groupe. Chaque blitz de rédaction dure 50 minutes, suivi d’une pause de 10 minutes. «Les téléphones doivent être mis en mode silencieux et déposés dans les boîtiers prévus à cet effet sur les tables, afin que tous se concentrent uniquement sur leurs objectifs de rédaction», précise Marie-Ève Gadbois.

Les participants sont invités à écrire ces objectifs sur des Post-it et à les coller dans la section «à faire» sur le mur vitré qui sépare la salle de rédaction de la salle de réunion. Ils peuvent ensuite les déplacer au fur et à mesure dans les sections «en cours» et «complété». «Les étudiants sont fiers de réaliser les tâches pour lesquelles ils se sont engagés. C’est de la motivation collective et ça fonctionne», observe Marie-Ève Gadbois.

Des ateliers gratuits

Lors des pauses du lunch et du souper, Thèsez-vous offre des ateliers portant sur différentes thématiques et visant à outiller les étudiants dans leur processus de réflexion, de rédaction, et de conciliation famille/études. Ces ateliers sont offerts bénévolement par des professeurs ou des étudiants.

Spécialiste de la relation d’encadrement aux cycles supérieurs, le professeur du Département de didactique Christian Bégin est l’un des collaborateurs de Thèsez-vous depuis la première heure. Il adore le nouvel Espace. «Pour ceux qui se sentent isolés quand ils rédigent seuls chez eux, ça peut représenter une bouffée d’air: sortir, voir du monde, travailler “ensemble”, même si chaque personne fait un travail éminemment solitaire pour sa propre rédaction.»

Photo: Nathalie St-Pierre

Le professeur Bégin donne environ un atelier par mois. Cet hiver, ses ateliers portent sur le passage de l’idée à l’écrit, sur les problèmes de rédaction, et sur les commentaires que peuvent faire les directions de recherche à propos des productions écrites des étudiants. «Lors de chaque présentation, un membre de l’équipe filme l’atelier pour que d’autres puissent y avoir accès en temps réel sur Facebook, note-t-il. Cela permet aux membres qui ne sont pas sur place d’en profiter et à ceux qui le souhaitent de la réécouter au besoin.»

Il n’y a pas que des ateliers académiques lors des pauses: puisque la détente du corps est aussi importante et que le yoga et la pleine conscience sont en vogue, on offre également des ateliers PilaThèse et NamasThèse!

Des retraites populaires

Thèsez-vous n’a cessé de croître depuis l’organisation de la première retraite de rédaction en 2015. Deux ans plus tard, l’OBNL remportait le prix du projet par excellence au gala Forces Avenir et était lauréat du concours Rendez-vous Pile organisé par le Service des partenariats et du soutien à l’innovation de l’UQAM.

Les retraites de trois jours organisées chaque trimestre dans différentes régions du Québec (Montérégie, Estrie, Laurentides, Charlevoix, Centre du Québec, Outaouais et Saguenay-Lac-Saint-Jean) sont toujours aussi populaires. «L’automne dernier, les 160 places pour les 4 retraites que nous organisions se sont envolées en 3 heures», rapporte Marie-Ève Gadbois.

Avis aux intéressés, il reste quelques places pour les retraites d’hiver à Alma (8 au 10 février), Baie-Saint-Paul (8 au 10 mars) et Châteauguay (12 au 14 avril et 26 au 28 avril).

Les responsables de l’organisme constatent fièrement que de plus en plus d’étudiants remercient Thèsez-vous pour ses retraites dans leur mémoire ou leur thèse. L’une des fondatrices, Émilie Tremblay-Wragg (Ph.D. éducation, 2018), s’intéresse, dans le cadre de son postdoctorat, aux impacts d’une retraite de rédaction sur la motivation à rédiger et sur les habitudes rédactionnelles des étudiants aux cycles supérieurs. «On peut s’attendre à des résultats préliminaires d’ici l’été prochain», note Marie-Ève Gadbois.

Projets futurs

Appuyées au cours des dernières années par des mentors, les créatrices de Thèsez-vous sont devenues de véritables entrepreneures et elles sont sollicitées de toutes parts, ici comme à l’international. L’an dernier, Marie-Ève Gadbois s’est rendue en France afin de partager l’expertise de Thèsez-vous lors de trois initiatives de retraites de rédaction à Montpellier, Paris et Angers. «Nous recevons des demandes de soutien presque à chaque jour, confie la doctorante. Pour la première fois depuis le début de l’aventure, nous nous sommes alloué six mois, de janvier à juin 2019, pour consolider nos acquis et bonifier notre modèle de gouvernance avant de replonger dans une période de développement.»

Cette période de répit sera la bienvenue, car à travers la frénésie de Thèsez-vous, plusieurs d’entre elles doivent terminer la rédaction de leur propre thèse… et penser à passer le flambeau. «Thèsez-vous est un organisme géré par et pour les étudiants, et la relève est prête, constate Marie-Ève Gadbois. Mais puisque nous avons toutes un attachement sentimental pour le projet, il est probable que l’on trouve une façon de poursuivre l’aventure, de près ou de loin!»