Le 13 mai dernier, un événement tenu à l’UQAM sous le thème «Droits et handicaps: 50-40» a célébré les 50 ans de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et 40 ans de pratiques uqamiennes en soutien aux droits des personnes étudiantes en situation de handicap. La rencontre était organisée par les Services à la réussite et à la vie étudiante, en collaboration avec la Chaire de recherche du Canada sur les médias, les handicaps et les (auto)représentations, dont le titulaire est le professeur de l’École des médias Mouloud Boukala.
Au cours de la journée, les discussions ont porté, notamment, sur le parcours qui a conduit vers l’inclusion à l’UQAM des personnes étudiantes en situation de handicap. Les représentations et perceptions du handicap, et les droits associés, les expériences des femmes en situation de handicap et les enjeux intersectionnels (handicaps, parentalités et diversités), le déploiement d’accommodements raisonnables et l’évolution des modèles d’intégration et d’inclusion ont également fait l’objet d’échanges.
L’événement a rassemblé plusieurs personnes de la communauté uqamienne, dont la vice-rectrice à la Vie académique, Johanne Grenier, des membres du corps professoral, des étudiantes et étudiants, le directeur des Services à la réussite et à la vie étudiante (SRVE), Jasmin Roy, la co-présidente du Chantier ÉDI – Agir pour l’équité et l’inclusion des femmes et des personnes LGBTQ2, Sophie Dansereau, ainsi que des conseillères et conseillers en soutien aux personnes étudiantes en situation de handicap, du Bureau de l’inclusion et de la réussite étudiante (BIRÉ).
Philippe-André Tessier et Myrlande Pierre (M.A. sociologie, 2001), président et vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), et Daniel Jean, directeur général de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), ont également participé aux discussions.
À l’ouverture de la journée, Sylvain Le May (M.A. communication, 2005), conseiller en soutien aux personnes étudiantes en situation de handicap (BIRÉ), a rappelé que le handicap ne repose pas sur la personne, mais sur des facteurs extérieurs à celle-ci. «Ces facteurs peuvent être culturels, environnementaux ou encore en lien avec nos attitudes, a-t-il déclaré. Notre attitude en matière de handicap consiste à se poser la question: est-ce je fais partie de la solution ou de la problématique à l’inclusion de cette réalité ?»
La vice-rectrice Johanne Grenier a souligné que le chemin parcouru à l’UQAM pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap s’est concrétisé par une augmentation significative des demandes au fil des années, une meilleure compréhension des besoins et une reconnaissance croissante de ces réalités, désormais moins stigmatisées. Les pratiques inclusives ont également été déployées à toutes les étapes du parcours scolaire, facilitant ainsi l’intégration à l’université.
«Lorsque j’étais professeure à la Faculté des sciences, j’ai eu le privilège d’enseigner à quelques personnes étudiantes auxquelles j’ai offert des aménagements. Un étudiant m’a déjà confié qu’il n’aurait jamais envisagé un parcours universitaire sans ces mesures d’accommodement. Elles avaient été, pour lui, de véritables rampes d’accès au savoir», a indiqué la vice-rectrice à propos d’un ancien étudiant devenu aujourd’hui professeur d’université.
Des services en évolution
En 1985, la reconnaissance à l’UQAM des droits des personnes étudiantes en situation de handicap s’est traduite par la création d’un service d’accueil, d’intégration et de soutien ainsi que par le déploiement d’actions concrètes prenant alors la forme d’aménagements pour des limitations physiques, comme des rampes d’accès ou des services d’interprétation.
Deux ans plus tard, en 1987, l’Université adopte la Politique institutionnelle d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap (Politique n°44), qui a été bonifiée au fil des ans. Par cette politique, l’UQAM fait appel à la responsabilité personnelle et collective de l’ensemble des membres de la communauté universitaire. Chaque membre et unité organisationnelle doit intégrer dans ses tâches et ses fonctions des préoccupations et des responsabilités quant au fait d’assurer l’accessibilité des personnes en situation de handicap à l’ensemble des ressources et des activités de la communauté universitaire.
«Notre compréhension s’est élargie pour inclure les handicaps invisibles et la neurodiversité», a observé Johanne Grenier. À partir de ce moment, les demandes de soutien ont connu une croissance importante. «Ce changement témoigne non pas simplement d’une augmentation des diagnostics, mais surtout d’une meilleure compréhension des besoins et d’une reconnaissance grandissante de ces réalités», a souligné la vice-rectrice.
En 2021, l’UQAM a mis sur pied le BIRÉ. Rattaché aux Services à la réussite et à la vie étudiante, le Bureau offre, entre autres, un soutien aux personnes étudiantes en situation de handicap qui éprouvent de la difficulté à accomplir leurs tâches courantes du fait d’une déficience ou d’une limitation entrainant une incapacité significative et persistante. Les déficiences peuvent être visuelles, auditives ou motrices, tandis que les limitations peuvent découler de conditions neurodéveloppementales, de troubles d’apprentissage, de troubles de santé mentale ou de maladies organiques.
Il y a 20 ans, 112 personnes étudiantes étaient inscrites au Service de l’accueil et soutien aux étudiants en situation de handicap, contre près de 4 000 inscrites au BIRÉ en 2023-2024. Il y a 20 ans, les personnes étudiantes avec un handicap «non visible» représentaient 7 % des personnes inscrites au Service de l’accueil et soutien aux étudiants en situation de handicap, alors que leur pourcentage s’élevait à 89 % en 2023-2024.
La Charte a 50 ans
Le 27 juin prochain, il y aura 50 ans que l’Assemblée nationale du Québec adoptait la Charte des droits et libertés de la personne. Depuis, la Charte a accompagné les grandes avancées sociales du Québec et continue d’évoluer pour répondre aux nouveaux enjeux de société. Le 50ᵉ anniversaire de la Charte est l’occasion de souligner son rôle fondamental pour la protection des droits et libertés, notamment pour les personnes en situation de handicap, tout en ouvrant la réflexion sur son avenir.
En 1978, le handicap a été ajouté aux motifs interdits de discrimination prévu à la Charte, la même année où fut adoptée la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées. Depuis, le handicap représente le motif du plus grand nombre de plaintes de discrimination déposées à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et ce, dans pratiquement tous les domaines ayant un impact sur la vie des personnes en situation de handicap. Dans la dernière année, 39% des plaintes traitées par la Commission concernaient le handicap.
«S’il est possible aujourd’hui de constater que nos institutions ont progressivement fait place aux personnes en situation de handicap, il faut cependant admettre qu’elles n’ont pas toujours été en mesure de le faire au rythme de l’évolution conjuguée du contexte social et des avancées du droit, qui prescrivaient une société toujours plus humaine, plus juste et plus démocratique, a déclaré Philippe-André Tessier, président de la Commission. Ainsi, l’atteinte de l’égalité réelle demeure encore aujourd’hui un combat de tous les instants pour la vaste majorité des personnes en situation de handicap.»
Daniel Jean, directeur général de l’Office des personnes handicapées du Québec, a rappelé qu’en 2022, 21 % des Québécoises et Québécois de 15 ans ou plus vivant en ménage privé avaient une incapacité, une proportion représentant un peu plus de 1 400 000 personnes. «Tous les jours, ces personnes sont susceptibles de rencontrer des obstacles dans leur vie: dans les services de santé, en emploi, dans les transports, dans les loisirs. Et bien sûr, les milieux d’enseignement n’y font pas exception», a souligné Daniel Jean.