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Avis sur l’itinérance et la cohabitation sociale à Montréal

L’UQAM a soumis ses recommandations à l’Office de consultation publique de la Ville.

19 février 2025 à 12 h 12

La vice-rectrice associée à la Relance du Quartier latin, Priscilla Ananian, a présenté un avis soumis par l’UQAM dans le cadre de la consultation publique sur l’itinérance et la cohabitation sociale à Montréal. Présenté devant l’Office de consultation publique de Montréal le 18 février dernier, cet avis contient quatre recommandations et s’inscrit dans une double perspective, celle d’une université avant-gardiste qui souhaite contribuer à travers sa mission première de formation, de recherche et de création aux enjeux de l’itinérance, et celle d’un établissement engagé et ancré dans le centre-ville de Montréal, qui veut s’impliquer activement dans la résolution des enjeux sociétaux.

«L’UQAM se déploie dans deux secteurs névralgiques de la métropole: le Quartier latin et le Quartier des spectacles. Ces quartiers et ceux à proximité, dont le Village, sont particulièrement concernés par les enjeux reliés à l’itinérance, qui nous interpellent directement», a rappelé la vice-rectrice associée en préambule.

Dans son avis, l’UQAM recommande de considérer les universités comme des parties prenantes incontournables dans la réflexion et l’action en lien avec les enjeux d’itinérance et les enjeux sociaux connexes; de s’engager à l’égard d’une définition élargie de la cohabitation sociale dans l’élaboration de chacune des pistes d’action et d’assurer une cohérence urbanistique propice à l’inclusion sociale; de renforcer la prévention et l’accompagnement des personnes en situation d’itinérance de même que la promotion de la santé; et d’encourager une approche apprenante favorisant les collaborations et les apprentissages intégrés.


Considérer les universités comme des parties prenantes incontournables dans la réflexion et l’action en lien avec les enjeux d’itinérance et sociaux connexes

Dans le droit fil de sa mission première de formation, de recherche et de création, l’UQAM est engagée historiquement envers les enjeux reliés à l’itinérance, et sa pratique de recherche est ancrée dans la collaboration avec le milieu et la participation citoyenne. À titre d’exemples, dès 1994, l’Université a mis sur pied une coalition majeure autour du Collectif de recherche sur l’itinérance, la pauvreté et l’exclusion sociale, réunissant des chercheuses et chercheurs et des parties prenantes du milieu et le Service aux collectivités de l’UQAM s’inscrit depuis 45 ans dans cette posture engagée pour la transformation économique et sociale de la société.

Basé sur une approche de recherche collaborative et sur une perspective citoyenne et communautaire, ce service unique au Canada a établi plusieurs collaborations phares avec des organismes communautaires impliqués en itinérance, notamment ceux fédérés par la Table de concertation du faubourg Saint-Laurent, qui œuvre, entre autres, sur les territoires du Quartier latin et du Quartier des spectacles.

Plus récemment, la création d’un poste de vice-rectrice associée à la Relance du Quartier latin a renforcé cet engagement de l’Université à contribuer au développement urbain, à l’autonomisation des personnes et à la mobilisation des membres de sa collectivité. À l’hiver 2024, l’UQAM a agi concrètement avec la mise en place d’une halte-chaleur dans l’un de ses pavillons, en collaboration avec la Société de développement social. Cette halte offre du répit à des personnes en situation de vulnérabilité, dont celles en situation d’itinérance, lors de conditions météorologiques extrêmes, durant les heures de fermeture de l’UQAM.

De plus, l’UQAM a récemment annoncé la création d’une faculté des sciences de la santé axée sur la prévention, le développement de services de première ligne et les déterminants sociaux du bien-être. Cette vision s’inscrit dans une approche de santé globale et de prévention.

L’UQAM invite donc la Ville de Montréal à inclure et à soutenir les universités comme partenaires à deux niveaux: en faisant appel à leur expertise de recherche et en appuyant des partenariats et des projets de recherche structurants en lien avec l’itinérance; et en encourageant la mise en place d’actions de proximité par les universités à titre de parties prenantes clés dans leur communauté.


S’engager à l’égard d’une définition élargie de la cohabitation sociale dans l’élaboration de chacune des pistes d’action et assurer une cohérence urbanistique propice à l’inclusion sociale

Selon l’UQAM, l’enjeu de cohabitation sociale au cœur de cette consultation publique doit être compris dans une approche affirmée de réciprocité et de vivre-ensemble. Il faut mettre en place des campagnes et des initiatives de sensibilisation pour éviter la stigmatisation des personnes en situation d’itinérance, de même que des activités de médiation sociale afin de réunir des personnes en situation d’itinérance et d’autres qui ne le sont pas dans un contexte positif.

On doit également accroître les services de base dans l’espace aux personnes en situation d’itinérance (eau potable, toilettes, etc.). Les toilettes sont un véritable enjeu et peuvent avoir un impact sur la gestion de la cohabitation, entre autres avec les commerces et les institutions.

De plus, il faut favoriser et soutenir le partage de bonnes pratiques entre les établissements, dont les universités du centre-ville. Un exemple éloquent est celui des actions tripartites réalisées avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec, la Société de développement social et l’École de travail social de l’UQAM, grâce auxquelles, en six mois à peine, des interventions psychosociales avec les personnes en situation d’itinérance ont amélioré la cohabitation à l’intérieur de l’espace de la Grande Bibliothèque.

La Ville de Montréal pourrait aussi intensifier la conception de projets dans une optique d’aménagement inclusif. On pense notamment aux éclairages qui renforcent le sentiment de sécurité pour toutes les personnes.

Enfin, les efforts d’entretien et la propreté de l’espace public doivent contribuer de manière significative à la cohabitation sociale. Le sentiment d’appartenance à un quartier pour tous passe par un environnement propre et entretenu. Dans ce sens, l’UQAM tient à souligner des initiatives comme la brigade des Allié·e·s du Village, déployée par la Société de développement commercial du Village, qui combine une mission d’embellissement et d’entretien de l’espace public avec un parcours de réinsertion sociale, en partenariat avec la Maison du Père.


Renforcer la prévention, l’accompagnement des personnes en situation d’itinérance de même que la promotion de la santé

L’UQAM est d’avis qu’il faut renforcer les actions de prévention et agir avec une perspective orientée vers l’accompagnement des personnes en situation d’itinérance dans une approche élargie de la notion de «sécurité». Plusieurs travaux documentent l’importance de changer de paradigme quant à la conception de l’itinérance, en passant d’une logique centrée sur la sécurité et l’urgence à une logique axée sur la prévention du phénomène.

Ainsi, il faut pérenniser le soutien à des activités de prévention et d’intervention conjointes, comme celle implantée par le Service de la prévention et de la sécurité de l’UQAM, qui a mis en place des binômes comprenant des agentes et agents de sécurité et des personnes intervenantes de la Société de développement social au sein de l’Université. Ce projet permet à la fois de mieux outiller le personnel pour répondre aux situations en lien avec les enjeux d’itinérance et de prévenir certains incidents. Un budget récurrent serait nécessaire pour optimiser les retombées de ce projet.

L’UQAM recommande de développer un projet pilote de formation des agentes et agents de sécurité, des personnes intervenantes sociales et des étudiantes et étudiants en vue de bonifier les interventions auprès des personnes en situation d’itinérance, de concert avec les universités situées au centre-ville.


Encourager une approche apprenante favorisant les collaborations et les apprentissages intégrés

L’UQAM juge essentielle l’approche collaborative et intersectorielle soulignée dans le document de la Ville de Montréal pour répondre aux enjeux de cohabitation sociale. Le développement d’une culture apprenante et inclusive dans la collectivité fait partie des priorités stratégiques de l’Université pour contribuer à faire du Quartier latin un «quartier apprenant». Pour ce faire, l’UQAM souhaite poursuivre et amplifier la recherche-action et le maillage des connaissances dans le quartier, en mettant l’accent sur la valorisation des savoirs expérientiels des personnes vulnérabilisées et en situation d’itinérance.

L’UQAM entend renforcer son apport et demeure disponible pour échanger sur les façons d’appuyer les actions de la Direction régionale de santé publique et du milieu communautaire grâce à un partage des bonnes pratiques et à une participation accrue aux structures actuelles, dont les tables de concertation.

Plus largement, l’Université suggère une réflexion sur les modèles de gouvernance afin de renforcer le transfert de connaissances et le développement de solutions adaptées. Au regard des nombreux défis en lien avec l’itinérance, il importe de faire valoir les succès et les bonnes pratiques, notamment dans l’évaluation de l’implantation de nouvelles ressources dans les quartiers.


L’UQAM mobilisée

«L’UQAM est mobilisée et souhaite l’être encore davantage face aux divers aspects des enjeux d’itinérance et de cohabitation sociale, a déclaré la vice-rectrice associée en conclusion de sa présentation. L’Université veut rappeler que le soutien accru des différents paliers gouvernementaux occasionnerait des retombées beaucoup plus importantes en dépassant le stade de projet pilote ou d’expérimentation.»

L’UQAM contribue à la production et à la diffusion des savoirs et des connaissances en plus d’agir sur son propre environnement et son quartier en vertu d’une approche apprenante, a rappelé Priscilla Ananian. «Elle encourage la Ville de Montréal à adhérer à cette vision dans le développement et la consolidation de solutions structurantes et intégrées, qui envisagent l’itinérance comme une situation de vie aux multiples dimensions nécessitant un large spectre de solutions.»

Lucie Dumais, doyenne de la Faculté des sciences humaines, Philippe-Benoît Côté, professeur au Département de sexologie, Jorge Flores-Aranda, professeur à l’École de travail social, Cécile Bardon, professeure au Département de psychologie, Shirley Roy, professeure au Département de sociologie, et Georges Kasserwani, directeur adjoint au Service de la prévention et de la sécurité, ont collaboré à la rédaction de cet avis avec la vice-rectrice associée à la Relance du Quartier latin, Priscilla Ananian.