Série En vert et pour tous
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Baignade, pêche sportive, canot, voile, motomarine, la population québécoise éprouve un attachement bien particulier pour les lacs. «Ces milieux aquatiques, toutefois, font face à de multiples menaces – espèces envahissantes, urbanisation, polluants, changements climatiques –, faisant craindre le pire aux citoyens et citoyennes qui voient la santé de leurs lacs se détériorer», souligne la professeure du Département des sciences biologiques Beatrix Beisner.
Spécialiste des écosystèmes aquatiques, la professeure a obtenu une subvention dans le cadre du programme Dialogue des Fonds de recherche du Québec pour un projet intitulé «Menaces sur les lacs», qui vise à sensibiliser la population aux dangers pesant sur les lacs du Québec. Le programme Dialogue vise à soutenir l’engagement des chercheuses et chercheurs universitaires dans des activités de communication auprès du grand public.
Beatrix Beisner est la directrice du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL), le plus grand réseau de recherche en écologie des eaux douces au Canada et l’un des plus importants au niveau international. Créé en 1989, le GRIL est l’un des regroupements stratégiques du Fonds de recherche du Québec Nature et technologies (FRQNT).
«Avec le projet “Menaces sur les lacs”, le GRIL veut transmettre une culture générale sur la limnologie à tous ceux et celles qui fréquentent et gèrent les lacs, explique la chercheuse. La limnologie est un peu l’équivalent de l’océanographie, mais pour les eaux intérieures, comme les lacs, rivières, fleuves et milieux humides.» Pour ce faire, une équipe du GRIL, composée de chercheurs, d’étudiants des cycles supérieurs et de spécialistes de la vulgarisation, organisera au cours des prochains mois une gamme diversifiée d’activités de communication scientifique: conférences (en présentiel ou en ligne, selon les règles sanitaires), fiches d’information en lien avec la thématique du projet, balados, blogue animé par des membres du GRIL, compte Instagram pour diffuser des photos accompagnées d’explications pertinentes et chaîne YouTube comportant des vidéos destinées aux jeunes et moins jeunes.
«À travers ces activités, nous souhaitons diffuser des connaissances de base sur les écosystèmes d’eau douce, sur la biodiversité aquatique et sur les impacts des changements climatiques, particulièrement importants parce qu’ils affectent la façon dont nous réfléchissons à l’avenir des lacs, observe Beatrix Beisner. Ainsi, nous pourrons également démystifier la recherche scientifique et montrer son utilité.»
Une santé détériorée?
Selon la professeure, il est difficile de dire dans quelle mesure la santé des lacs au Québec s’est détériorée ces dernières années, car on dispose de peu d’études à long terme sur ce sujet. «Depuis la crise des cyanobactéries – les fameuses algues bleues –, en 2006-2007, des mesures de protection ont été mises en place, mais leurs impacts ne seront connus que d’ici 10 à 15 ans.» Chose certaine, plus un lac est utilisé pour diverses activités, plus le risque que des problèmes surgissent est élevé. Pensons, par exemple, aux embarcations à moteur qui déversent de l’essence dans l’eau, ou encore à la pollution sonore et lumineuse, engendrée par les activités récréatives ou industrielles, qui peut affecter la faune et la flore aquatiques. «Avec les températures élevées dues au réchauffement climatique, le fléau des cyanobactéries n’est pas non plus totalement écarté, surtout pour les lacs peu profonds.»
On sait, par ailleurs, que les fertilisants agricoles, compost ou engrais épandus sur les sols ou les pelouses, les rejets d’eaux usées domestiques, municipales ou industrielles (installations septiques et réseau d’égout), le déboisement excessif et le mauvais entretien des étangs artificiels sur les terrains résidentiels autour du lac constituent autant de sources externes de phosphore, lesquelles contribuent à nourrir les cyanobactéries.
Beatrix Beisner dit observer une plus grande sensibilité de la part des pouvoirs publics, notamment du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. «Certaines municipalités ont pris aussi des mesures pour protéger les milieux aquatiques. C’est le cas, par exemple, de la municipalité responsable du lac Bromont, en Montérégie. La sensibilité des autorités municipales dans les régions est aussi liée à l’attrait touristique des lacs et aux retombées économiques qui y sont associées.»
Distinguer le vrai du faux
Plusieurs fausses nouvelles et solutions miracles circulent sur les réseaux sociaux concernant la meilleure façon de prendre soin des lacs, souligne la professeure. «On doit distinguer le vrai du faux, s’attaquer aux vrais problèmes et agir en s’appuyant sur les connaissances scientifiques, dit-elle. Il est important de mieux outiller les usagers des lacs pour qu’ils deviennent des acteurs efficaces de la protection de ces milieux, tout en les sensibilisant à la pertinence de la recherche universitaire.»
Le GRIL entend travailler de concert avec les municipalités et miser sur les partenariats qu’il a noués avec, notamment, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec et le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec.
Les fonds obtenus des FRQ serviront à outiller les membres du GRIL afin qu’ils deviennent des ambassadeurs de la communication scientifique dans la sphère publique, remarque Beatrix Beisner. «Nos étudiants des cycles supérieurs et nos postdoctorants pourront obtenir une formation et de l’expérience concrète en matière de vulgarisation. L’automne dernier, certains d’entre eux ont commencé à concevoir des blogues sur des sujets concernant les lacs et rivières, en lien avec leurs travaux de recherche, alors que d’autres travaillent actuellement à la réalisation de vidéos.»
La subvention Dialogue permettra enfin au GRIL d’innover dans la manière de transférer ses connaissances pour mieux rejoindre le public et l’engager à ses côtés dans l’immense défi que représente la préservation des écosystèmes d’eau douce, conclut la professeure.