Série En vert et pour tous
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Le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Francesco S.R. Pausata s’intéresse depuis de nombreuses années aux impacts de éruptions volcaniques sur le climat. Les volcans en éruption libèrent d’énormes quantités de dioxyde de soufre dans la stratosphère. Le dioxyde de soufre se transforme en aérosols (de fines particules en suspension), lesquels absorbent ou dispersent le rayonnement solaire et peuvent ainsi avoir un impact sur le climat à l’échelle de la planète qui dure pendant des années.
Les éruptions volcaniques peuvent modifier les circulations atmosphériques, mais aussi océaniques, influençant ainsi l’intensité et la fréquence d’événements extrêmes comme les cyclones tropicaux et des phénomènes comme l’ENSO (El Niño – Southern Oscillation). «L’ENSO est une oscillation périodique à grande échelle de la force des alizés – ces vents réguliers des régions intertropicales – et de la température de surface de l’océan Pacifique au niveau équatorial, explique le chercheur. Cette oscillation entre la phase chaude (El Niño) et la phase froide (La Niña) affecte la température et le niveau des précipitations non seulement dans les régions tropicales, mais partout sur la planète.»
Les mécanismes par lesquels les éruptions volcaniques affectent l’état ENSO sont encore controversés, poursuit Francesco S.R. Pausata. «Des études antérieures ont invoqué le forçage radiatif direct – la différence entre l’énergie radiative reçue et l’énergie radiative émise par le système climatique, dans ce cas-ci influencé par l’aérosol volcanique –, le mécanisme de thermostat dynamique océanique (ODT pour ocean dynamic thermostat) et les déplacements de la zone de convergence intertropicale, c’est-à-dire la zone où l’on retrouve le maximum de précipitations dans les tropiques.»
Dans une étude récemment publiée dans Science Advances, Francesco S.R. Pausata et ses collègues présentent les résultats des simulations qu’ils ont effectuées afin de tester ces mécanismes. «Nous avons créé des modélisations numériques d’éruptions volcaniques (comme celle du Tambora, la plus violente des 500 dernières années, survenue en 1815 sur l’île de Sumbawa, en Indonésie), qui ont produit des aérosols confinés dans l’hémisphère nord ou dans l’hémisphère sud», précise-t-il.
Selon ces simulations, les principaux mécanismes en jeu dans la réponse ENSO aux éruptions volcaniques sont les changements de la zone de convergence intertropicale. «Les grosses éruptions volcaniques produiraient, en effet, des refroidissements hémisphériques fortement asymétriques, qui déplaceraient vers le nord ou vers le sud la zone de convergence intertropicale. Ces déplacements affecteraient directement le phénomène ENSO en modifiant la force des alizés», explique le professeur.
Les chercheurs ont démontré qu’un nouveau mécanisme lié aux changements de circulation extratropicaux est également en jeu: les aérosols volcaniques sont capables de modifier le gradient de température entre l’équateur et les hautes latitudes, affectant directement la circulation atmosphérique des latitudes moyennes. Ces changements extratropicaux se répercutent ensuite sur la circulation tropicale, affectant l’état ENSO. «En revanche, nous démontrons que le mécanisme ODT– jusqu’à présent considéré comme le plus probable – ne joue pas dans nos simulations», conclut le chercheur.