«Comment réussir la 4e révolution industrielle?» Ce vaste défi constituait le sujet de la conférence que la rectrice Magda Fusaro a prononcée le 16 novembre dernier devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Intelligence artificielle, réalité virtuelle, conception numérique, connectivité des données et des objets… Pour que cette révolution soit porteuse de progrès non seulement sur le plan technologique, mais également sur les plans économique, social, humain et environnemental, les universités, de concert avec les entreprises et le gouvernement, ont un rôle capital à jouer, a soutenu Magda Fusaro.
«Les universités sont des fourmilières d’expertises et des pépinières de talents qui permettent à la société – incluant l’industrie et l’écosystème du monde des affaires – d’évoluer, de rester à l’avant-garde, de “produire” mieux, a dit la rectrice. Et je ne parle pas ici seulement de production de biens et services, mais aussi de production de “bien-être”. Voilà pourquoi elles sont des acteurs incontournables du développement économique et humain.»
Plus de 350 personnes s’étaient déplacées pour entendre la rectrice, dont plusieurs personnalités du monde économique, culturel et universitaire. Magda Fusaro a abordé son sujet sous quatre angles: «Le rôle des universités et leur évolution dans le temps», «Du progrès scientifique au progrès économique», «La révolution technologique et l’engagement social» et, enfin, «Quel legs pour les générations futures ?».
Madga Fusaro a prononcé une conférence au ton enlevé, comme elle en a l’habitude, ponctuée lors du troisième segment d’un quiz qui a permis de tester les connaissances de son auditoire sur des sujets clés de la quatrième révolution industrielle (internet des objets, intelligence artificielle, utilisation des robots en éducation). Les participants pouvaient répondre aux questions à l’aide de leur téléphone intelligent et voir en temps réel les résultats du quiz s’afficher sur l’écran géant. Ensuite, un expert de l’UQAM intervenait par vidéoconférence pour commenter les choix de réponses. Les professeurs Ygal Bendavid (management et technologie), Marie-Jean Meurs (informatique) et Frédéric Fournier (didactique) ont participé à cet exercice technologique, parfaitement ficelé par le Service de l’audiovisuel, qui a visiblement ravi la salle.
La contribution de l’UQAM et des universités
Avant de se lancer dans le vif du sujet, la rectrice a présenté une vidéo dressant à l’aide de photos d’archives mises en parallèle avec des images d’actualité un panorama de la recherche et de la création qui se font à l’UQAM depuis 50 ans. Très évocatrice, cette cascade d’images qui montrait la place qu’occupe l’UQAM dans son quartier et dans la ville a permis de souligner au passage le 50e anniversaire de l’Université, qui sera célébré en 2019.
«L’UQAM a, en 50 ans à peine, contribué au formidable essor de la société québécoise, a fait remarquer Magda Fusaro. Qu’on se le dise, toute jeune qu’elle est, l’UQAM a, par sa personnalité propre et ses valeurs d’accessibilité, accompagné le Québec durant toute cette période d’effervescence. Un Québec moderne qui nous a donné des experts de réputation internationale, des entrepreneurs visionnaires et des artistes qui rayonnent aux quatre coins du globe! Nous pouvons tous en être fiers, car en tant qu’université, l’UQAM appartient à tous les citoyens du Québec.»
À l’instar de toutes les grandes universités, l’UQAM regorge de scientifiques passionnés, de créateurs de talent et d’enseignants dévoués, a mentionné la rectrice. «Certes, l’on voit régulièrement dans les médias nos analystes de la scène politique, nos chercheurs en sciences humaines, nos créateurs en arts visuels, nos littéraires et nos experts en communication. Mais, parmi vous, qui sait que l’UQAM dispose d’un laboratoire P3 pour la recherche en immunovirologie, où l’on étudie notamment le VIH? Qui connaît notre Laboratoire d’informatique mathématique, le LaCIM, dont l’expertise est sollicitée partout dans le monde? Qui ici associe l’UQAM aux nanomatériaux, à la recherche sur les maladies génétiques rares ou aux applications dans les domaines des capteurs chimiques et biologiques? Qui encore a connaissance que nous apprenons aux futurs enseignants à utiliser des robots pour l’apprentissage des jeunes au primaire?»
Soulignant également la contribution des chercheurs de l’ESG UQAM à des domaines tels que le transport intelligent, l’Internet des objets, la transformation numérique des organisations, les usages et pratiques de la ville intelligente et la valorisation des données en immobilier, la rectrice a ensuite enchaîné, plus largement, sur le rôle que les universités sont appelées à jouer dans la quatrième révolution industrielle.
Du progrès scientifique au progrès économique
Le deuxième volet de son allocution portait sur le lien entre progrès scientifique et progrès économique. La quatrième révolution industrielle, a rappelé la rectrice, s’accompagne d’importants enjeux – économiques, éthiques, juridiques, sociaux – parmi lesquels figure la question de l’emploi. «Contrairement à la robotisation, qui a affecté des secteurs très ciblés de la production, cette révolution va toucher pratiquement toutes les entreprises et à peu près toutes les sphères professionnelles: du chauffeur de taxi au pilote d’avion, des employés du secteur manufacturier à ceux qui œuvrent dans le commerce de détail, sans oublier les techniciens et les professionnels de la finance, du droit, de la santé ou de l’éducation», a énuméré Magda Fusaro.
Selon le Forum économique mondial, 65% des emplois qu’occuperont demain les enfants d’âge primaire n’existent pas encore aujourd’hui. Pour explorer ces nouvelles réalités, pour mettre les formidables possibilités du numérique et des métadonnées au service non seulement de la croissance économique, mais aussi de l’évolution sociale, politique et culturelle, pour conjuguer les impératifs de cette révolution aux exigences de l’environnement et du développement durable, il faut absolument mettre à contribution les universités tout autant que les divers paliers de gouvernement et les entreprises, a affirmé la rectrice.
«La réussite de cette quatrième révolution industrielle dépendra de la capacité de ces acteurs à œuvrer au but commun en concertation, a-t-elle dit. Nous devons encourager entre nous une synergie en tant que parties prenantes de ce virage sociétal. Comme pour la protection de l’environnement, l’urgence est là, maintenant.»
De la révolution technologique à l’engagement social
Les technologies ne sont, en soi, ni bonnes ni mauvaises, a noté Magda Fusaro. C’est l’usage que l’on en fait qui est déterminant. «Les avancées technologiques peuvent être porteuses de progrès, tout autant que génératrices de périls et de dérives. C’est pourquoi les universités doivent assurer une veille constante pour préserver la place de l’humain dans cette civilisation et surtout le protéger. Voilà d’ailleurs la mission que s’est donné le Groupe de recherche multidisciplinaire HumanIA créé récemment à l’UQAM.»
Dans certains cas, un projet de recherche n’aboutira pas à un produit fini ou à une application, a-t-elle souligné, mais cela aussi fait partie du processus. «Une hypothèse qui ne se confirme pas, une recherche qui ne donne pas les résultats escomptés, contribuent aussi à enrichir le patrimoine universel des connaissances et à nourrir les recherches subséquentes», a rappelé Magda Fusaro.
Pour que les technologies puissent tenir leurs promesses, il faut fonder les analyses et les décisions sur des données probantes. Et c’est là un des rôles majeurs de l’université: faire de la recherche fondamentale et appliquée pour fournir ces données probantes. Or, le processus de la recherche universitaire s’inscrit dans la durée, a insisté la rectrice. «Les avancées scientifiques dépendent pour une bonne part de l’inattendu, de cette articulation qui s’établit entre les faits observables et mesurables, des phénomènes qui s’opèrent, des événements qui s’enchaînent, des décisions prises ou de leurs conséquences, et même parfois du hasard. Pour qu’une recherche aboutisse à des résultats visibles sur le terrain, nous parlons, depuis la prémisse du projet jusqu’à l’application, d’une épopée de 50, 60, voire 100 ou 200 ans!»
Selon Magda Fusaro, il faut examiner les pratiques à privilégier pour permettre aux universités de jouer leur rôle, sans pour autant se lancer dans une course effrénée à l’argent, aux subventions, aux contrats. L’œuvre scientifique, a-t-elle soutenu, ne dépend pas tant de l’ampleur des sommes investies que du nombre de chercheurs à l’ouvrage. Pour multiplier les possibilités de découvertes, il importe de ne pas concentrer le financement de la recherche dans les seules mains de quelques grands chercheurs. Il s’agit d’ailleurs de l’une des recommandations du Rapport Naylor sur le soutien à la recherche fondamentale au Canada, publié en 2017.
«D’une répartition diversifiée et équitable des fonds de recherche – financement public, contrats et commandites, philanthropie – peuvent émerger des alliances porteuses de progrès économique, social et environnemental, sous réserve que chacun des partenaires acquiesce à un engagement envers la société, a indiqué la rectrice. C’est d’ailleurs ce que nous faisons avec notre campagne de financement 100 millions d’idées.»
Quel héritage pour les générations futures?
Notre société est parvenue à une étape majeure de son évolution, marquée par le passage à l’ère numérique, a souligné la dirigeante de l’UQAM dans le dernier volet de son allocution. Cela pose, selon elle, la question de ce que nous souhaitons léguer aux générations futures. «Une société éduquée, plurielle et innovante, certes, mais aussi, je l’espère, une société plus équitable et plus durable», a proposé Magda Fusaro.
Selon elle, ce chantier universel relève des universités, mais aussi des gouvernements et de l’entreprise. «Vous l’aurez compris, cet engagement «tripartite» constitue les conditions de LA réussite – que je souhaite innovante, critique et humaniste, a-t-elle déclaré. À défaut d’y parvenir, nous risquons une fracture numérique qui laissera le Québec à la dérive derrière les pays qui auront su être plus visionnaires et donner à leur société les moyens de rester à l’avant-garde.»
Les entreprises possèdent des leviers qui peuvent permettre aux universités de jouer leur rôle dans la réussite de la quatrième révolution industrielle, soutient Magda Fusaro. «Nous pouvons contribuer, ensemble, à inventer le monde de demain, a-t-elle lancé en conclusion. Osons partir courageusement à la conquête de cette nouvelle frontière!»
La rectrice à RDI Économie
En soirée, Magda Fusaro était l’invitée de Gérald Fillion (B.A. communication, 1998) à l’émission RDI Économie. Elle a profité de son passage à l’émission pour réitérer son message invitant les milieux d’affaires à appuyer la recherche, les chercheurs et les universités. On peut visionner le segment de son entrevue en ligne.