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Guitariste hors normes 

Thierry Bégin-Lamontagne veut démocratiser la musique classique. 

Par Valérie Martin

13 octobre 2017 à 12 h 10

Mis à jour le 18 octobre 2017 à 16 h 10

Série Tête-à-tête

Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Thierry Bégin-Lamontagne (B.Mus., 2011) est le champion des concours de musique: il a remporté la première place dans huit concours internationaux, dont le Concours Robert Vidal et le Concours de guitare d’Antony, en France, en 2016. Le jeune homme de 31 ans a aussi obtenu plusieurs prix dans des concours nationaux comme le Grand Prix de guitare de Montréal et le Concours de musique du Canada, à trois reprises, dans la catégorie Guitare. En 2015, il a reçu une bourse de 20 000 dollars de la prestigieuse Fondation Sylvia Gelber, qui lui a permis de se perfectionner à Paris pendant six mois, ainsi qu’une bourse du Conseil des arts du Québec. 

On dit de lui qu’il se distingue par sa grande musicalité, son sens du rythme, sa dextérité et la profondeur de ses interprétations. À l’aise et décontracté sur scène, Thierry Bégin-Lamontagne n’est pas un musicien classique comme les autres. Entre deux pièces instrumentales, l’interprète aime expliquer au public les pièces de son répertoire tout en faisant quelques blagues.

«J’aime partager mes émotions, raconter des anecdotes à propos des pièces que j’interprète et donner une expérience unique aux spectateurs, confie le musicien. J’essaie de décoincer un brin la musique classique, qui ne devrait pas être réservée aux riches et aux personnes âgées!»

En avril dernier, le guitariste se produisait, à guichets fermés dans le cadre de la série Les Mélodînes à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts. Le concert intimiste qu’il a offert, intitulé España, regroupait des œuvres instrumentales du répertoire espagnol, dont celles des compositeurs Gaspar Sanz (1640-1710), Joaquin Rodrigo (1901-1999) et Francisco Tárrega (1852-1909).

«J’ai toujours voulu être concertiste», dit celui qui est né à Cowansville dans une famille de musiciens classiques ─ sa mère est pianiste, son père, saxophoniste. Thierry Bégin-Lamontagne a découvert la guitare à l’âge de 12 ans. «L’instrument m’intriguait», confie-t-il. Il connaît aussi des rudiments de piano, de flûte et de violon, mais il a choisi la guitare «pour ses sonorités plus éclatantes et plus rondes».

Jouer de la guitare lui permet également d’atténuer les symptômes du syndrome de Gilles de la Tourette, dont il est atteint depuis l’adolescence. Lorsqu’il est sur scène, les symptômes de cette maladie neurologique caractérisée par des tics moteurs ou vocaux disparaissent comme par magie.

Élève d’Alvaro Pierri

Après avoir entendu Thierry Bégin-Lamontagne jouer en concert, la compositrice Anne Lauber, une ancienne professeure d’harmonie à l’UQAM, suggère à ses parents de contacter Alvaro Pierri, le légendaire guitariste classique d’origine uruguayenne qui est alors professeur au Département de musique. Le jeune homme a 15 ans quand il commence à suivre des cours de perfectionnement auprès de celui qui sera son premier maître dans les locaux de l’UQAM. À sa première audition, il interprète Mallorca d’Isaac Albéniz, un morceau qui figure sur son premier CD, intitulé Aquarelle, lancé en 2015. «Je venais tout juste de l’apprendre. Alvaro m’a demandé depuis combien de temps je répétais la pièce. Il ne m’a pas cru quand je lui ai dit que cela faisait seulement quatre jours!», se rappelle-t-il en riant. Doué d’une excellente mémoire, il apprend très vite les pièces qu’il doit interpréter. «J’essaie de ne pas abuser de cet avantage, puisque j’oublie tout aussi vite», ajoute le musicien.

Sa facilité d’apprentissage l’a amené à s’intéresser aux langues. Outre sa langue maternelle, Thierry Bégin-Lamontagne parle couramment l’anglais, l’allemand et l’espagnol et possède des notions de portugais et de russe. Récemment, il s’est mis au japonais et au coréen. «J’aime présenter les pièces que je joue dans la langue locale», explique le globe-trotter, qui a déjà visité une douzaine de pays pour y donner des concerts ou participer à des concours. Lors d’un événement en Finlande, il a prononcé quelques mots en finlandais. «Surpris, les gens ont applaudi spontanément, dit-il. Ce n’est pas grand-chose, mais cela montre au public que je suis content d’être là!»

Architecture sonore

Durant ses temps libres, le musicien, un manuel qui aime bricoler, s’amuse à remonter de vieux iPhone afin de leur donner une deuxième vie. Il se passionne aussi pour l’architecture sonore 3D. «Tim Hewlings, un ancien ingénieur de son retraité de l’UQAM et cofondateur de Résonance TJL, une entreprise de conception de studios d’enregistrement, m’a initié, explique Thierry Bégin-Lamontagne. Je cherche à comprendre un son ou une note de musique au moyen de graphiques de la fonction sinusoïdale. C’est très technique, mais cela me fascine.»

Pour le musicien, il est important de cultiver des intérêts diversifiés. «J’aime faire autre chose que jouer de la guitare, dit-il. S’il m’arrivait un jour de ne plus être capable d’en jouer, j’aurais acquis des compétences pour gagner ma vie autrement.»

Il a aussi appris à relaxer. «Avant je répétais six heures par jour, sans arrêt, et j’oubliais tout. Maintenant, pour prévenir les tendinites, je répète moins et je prends des pauses de 15 minutes toutes les heures, précise-t-il. Je m’étire, je bois, je mange un morceau…»

Parmi ses projets, Thierry Bégin-Lamontagne veut développer un concept de spectacle pour le Québec et le Canada afin de mieux se faire connaître au pays. Il souhaite aussi enregistrer un deuxième album. «J’ai trop de pièces musicales dans ma tête!», lance-t-il.