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Mordue de radio

Annie Desrochers anime depuis l’automne dernier l’émission du retour à la maison d’ICI Radio-Canada Première.

Par Marie Lambert-Chan

11 avril 2016 à 14 h 04

Mis à jour le 16 octobre 2017 à 15 h 10

Série Tête-à-tête

Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Annie DesrochersPhoto: Nathalie St-Pierre

Le 13 novembre 2015, l’animatrice Annie Desrochers (B.A. communications, 95) ouvre avec entrain Le 15-18, l’émission du retour à la maison d’ICI Radio-Canada Première, discutant avec ses collaborateurs du sujet de l’heure, le déversement des eaux usées à Montréal. Tout à coup, les dépêches tombent: on rapporte des fusillades et des explosions en plein cœur de Paris. L’équipe du 15-18 passe en mode «émission spéciale». Les analyses à chaud et les témoignages se succèdent.

Malgré les événements, tout se déroule sans fausse note, en bonne partie grâce au savoir-faire d’Annie Desrochers. Elle passe d’un segment à l’autre avec fluidité, sans pour autant négliger la circulation et la météo. Sa voix garde son timbre chaleureux et complice, mais se teinte d’une réelle empathie devant l’horreur en direct. «Je ne suis pas quelqu’un qui s’énerve facilement, déclare celle qui suit avec avidité toutes les émissions spéciales produites depuis le massacre de la Place Tiananmen en 1989. Je suis capable de garder mon sang-froid, tout en faisant preuve de sensibilité. Surtout, j’ai appris à naviguer entre différents styles d’animation, d’une entrevue serrée à une chronique en passant par la météo. C’est ce que ça prend pour exercer ce métier.»

Un métier qu’elle pratique discrètement depuis 25 ans. Radio-canadienne dès ses débuts, Annie Desrochers travaille d’abord pour les antennes régionales de la société d’État à Sept-Îles et à Sudbury avant de revenir à Montréal, où elle collabore à plusieurs émissions, dont Macadam Tribus. De 2007 à 2011, la jeune maman anime les émissions jeunesse 275-allô et Ados-radio. Elle est également responsable pendant une dizaine d’années de la revue de presse au sein de l’équipe de Joël Le Bigot, un rôle qu’elle reprend en 2013 à l’émission C’est pas trop tôt! pilotée par Marie-France Bazzo. Quand cette dernière quitte brusquement son poste en avril 2015, Annie Desrochers la remplace avec tant de succès que certains prédisent qu’on en fera la morning woman officielle d’ICI Radio-Canada Première. Les patrons décident plutôt de lui confier un autre micro prestigieux, celui de l’émission du retour. À 44 ans, Annie Desrochers brille enfin dans sa propre émission. «Je me sens vraiment à ma place», affirme l’animatrice, fière d’être la deuxième femme à occuper ce fauteuil –Colette Devlin a été la première dans les années 1960.

Annie Desrochers a découvert la radio à 18 ans. Elle anime alors bénévolement l’émission d’après-midi diffusée sur une base militaire canadienne en Allemagne, où elle accompagne son père mandaté pour enseigner aux enfants des employés. «Dès le départ, j’ai aimé la simplicité et l’intimité de ce média», dit-elle.

La petite station de radio est chapeautée par Radio-Canada International, qui y envoie des formateurs. Le talent d’Annie Desrochers ne passe pas inaperçu, mais on lui conseille de décrocher un diplôme. Elle s’inscrit en communication à l’UQAM. Comme l’Université n’a pas encore de radio étudiante, Annie Desrochers se tourne vers la station communautaire CIBL. Sous la supervision du professeur et vétéran journaliste Jacques Larue-Langlois, elle prend la barre d’une émission d’affaires publiques animée auparavant par Pénélope McQuade. «Ce fut un apprentissage formidable», se rappelle-t-elle. C’est aussi dans sa cohorte de l’UQAM que la jeune animatrice radio rencontre son conjoint, avec qui elle a eu, en parallèle à sa carrière, une sacrée marmaille: cinq enfants aujourd’hui âgés entre 3 et 14 ans!

Aussi bien dire qu’entre la maisonnée et l’animation du 15-18, Annie Desrochers a peu de temps pour elle. Et ses quelques moments libres sont consacrés… à la radio. En vraie mordue, elle écoute toutes sortes d’émissions et de balados d’ici et d’ailleurs, passionnée par l’art de raconter des histoires. «On qualifie souvent la radio de vieille dame, mais présentement, il se passe quelque chose de moderne et de rafraîchissant dans l’univers de l’audio», estime-t-elle en citant l’exemple de Serial, balado immensément populaire produite par la Chicago Public Radio.

L’animatrice souhaite inscrire Le 15-18 dans cette mouvance. «Je crois qu’il faut ramener de l’audace à notre antenne, déclare-t-elle avec ferveur. Un bon storytelling passe par le son et c’est ce que je veux réintroduire à la radio. Un peu comme le font nos journalistes avec des reportages sonorisés ou comme je le fais dans mes sorties avec Jean-François Nadeau (Ph. D. histoire, 04), qui raconte l’histoire de Montréal là où elle s’est déroulée.»

Ce genre d’initiative prolonge la durée de vie de l’émission sur le web, où certains segments trouvent un plus large public. Malheureusement, les téléchargements ne sont pas calculés dans les cotes d’écoute du 15-18, qui a enregistré une baisse d’auditeurs, à l’instar de plusieurs autres émissions radio-canadiennes. Annie Desrochers refuse de se laisser décourager. «Il faut être patient: la radio est un média d’habitude et cela prend du temps pour bâtir un auditoire, observe-t-elle. En attendant, nous créons la meilleure émission possible en étant convaincus qu’il y a un public pour ça et qu’il sera bien desservi chez nous.»

Source:
INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 14, no 1, printemps 2016