
Même si c’est à la rentrée de l’automne 1969 qu’elle ouvre ses portes à ses premiers étudiants, l’UQAM a officiellement vu le jour au printemps précédent. Il y a 45 ans, le 9 avril 1969, le gouvernement du Québec instituait par décret, sous le nom «Université du Québec à Montréal», une université «ayant pour objet l’enseignement supérieur et la recherche».
La présidente du conseil d’administration de l’UQAM, Lise Bissonnette, garde un souvenir indélébile de la naissance de l’UQAM, dont elle a été un témoin privilégié malgré le fait qu’elle était alors étudiante à Paris. Son conjoint, Godefroy-Maurice Cardinal, a fait partie des pionniers de l’UQAM. Ce professeur qui a occupé des postes stratégiques dans des comités chargés de la mise en place de la nouvelle université montréalaise a été adjoint exécutif du premier recteur, Léo A. Dorais, pour devenir ensuite vice-recteur exécutif. «J’ai vécu de très près la création de l’UQAM et cela m’intéressait d’autant plus que je menais à ce moment-là à Paris des études de doctorat sur l’émergence des universités nouvelles», raconte Lise Bissonnette.

À l’époque, ces universités nouvelles – les city universities, comme on les appelait aux États-Unis – apparaissaient un peu partout en Amérique du Nord et en Europe dans un grand mouvement de démocratisation de l’enseignement supérieur, rappelle la présidente du conseil d’administration. La naissance de l’UQAM s’inscrit dans ce contexte international d’émergence de nouvelles universités publiques qui, par rapport aux universités traditionnelles, se donnent le mandat d’ouvrir les portes de l’enseignement universitaire à tous les groupes de la population. «La création des universités nouvelles, de l’UQAM, du réseau de l’Université du Québec, mais aussi des polyvalentes et des cégeps était basée sur l’idée de l’égalité des chances, souligne Lise Bissonnette. Pour les gens qui ont mis ces structures en place, l’égalité des chances n’était pas qu’un concept théorique.»
Au Québec, la mise en place du réseau de l’Université du Québec, dont l’UQAM sera la principale constituante, est l’aboutissement d’une décennie de réformes visant l’accessibilité et la démocratisation du système d’éducation. La Loi de l’Université du Québec assignait une mission fondamentale à l’UQAM : développer la recherche et des programmes d’enseignement aux trois cycles, contribuer à la formation des maîtres et offrir des services à la collectivité en mettant le savoir universitaire à la portée des groupes de citoyens qui n’y ont pas traditionnellement accès.
L’UQAM a innové dans plusieurs domaines comme le design, l’écologie, la sexologie, la gestion de projet, le théâtre ou l’économie sociale. Elle s’est aussi démarquée en faisant une place importante à la création, aux côtés de la recherche. Elle a développé des expertises reconnues, notamment en matière d’études féministes, de prévention en santé, de sciences de la Terre et de l’atmosphère. Elle a inauguré le premier doctorat au Canada en sciences de l’environnement.
Pour Lise Bissonnette, il est clair, 45 ans plus tard, que «l’UQAM est un immense succès». «Il suffit de regarder le chemin parcouru, les 40 000 étudiants qui fréquentent l’université chaque année, le développement de son campus et de ses programmes dans toutes sortes de disciplines. On voit que l’UQAM reste fidèle à ses origines.»
À l’heure de fêter son 45e anniversaire, l’UQAM est aussi devenue une institution, avec le degré élevé d’intégration à la société – sociale, culturelle, économique – que cela suppose. «Cela est normal, dit Lise Bissonnette. On ne peut pas demeurer éternellement dans la marginalité. L’UQAM n’est pas une institution marginale. Elle est fortement intégrée à la société, sous tous ses angles. Mais le danger qui guette une institution lorsqu’elle atteint l’âge mûr, c’est de devenir un simple rouage de la société. Et l’UQAM ne doit pas se contenter d’être un rouage efficace, de former des étudiants, de décerner des diplômes, de faire de la recherche.»
Présidente du conseil d’administration de l’UQAM depuis mars 2013, Lise Bissonnette a également coprésidé, avec John R. Porter, l’un des chantiers de travail ouverts par le précédent gouvernement après le Sommet sur l’enseignement supérieur pour réfléchir sur la mission et les valeurs de l’université. Ces mandats l’ont amenée à réfléchir longuement sur la question des universités. «Trop d’institutions sont mortes ou devenues insignifiantes parce qu’elles ont oublié ce qui les a portées à l’origine, dit-elle. L’UQAM, plus que toute autre université, a été porteuse du projet de démocratisation de l’université. D’autres ont agi en ce sens, mais l’UQAM a véritablement incarné ce projet. Aujourd’hui, elle doit continuer de s’interroger sur sa mission et demeurer à l’avant-garde de la réflexion et des réformes nécessaires pour mieux l’accomplir.»