
C’est le retour à la vie normale pour les membres de l’expédition XPAntarctik. «J’ai eu de la difficulté à prendre le métro au cours des dernières semaines. Il y a trop de monde!» lance en riant Andrée-Anne Parent. La doctorante en biologie et ses collègues de mission participaient le 3 avril à une conférence au Cœur des sciences afin de témoigner de leur expérience sur le continent austral.
Le retour n’a pas été de tout repos pour les aventuriers. «Lorsqu’ils sont revenus sur le bateau, nous avons fait un banquet et c’était émouvant, mais dès le lendemain, ils ont commencé à être malades, raconte Andrée-Anne Parent. L’adrénaline à laquelle ils ont carburé durant plus de 30 jours s’est tarie et leur système immunitaire a craqué. Cela dit, nous nous y attendions.»
Le plus mal en point était le leader, Alexandre Byette. «Il était responsable de l’équipe sur le continent, note la scientifique de l’aventure. C’est comme s’il avait passé les pouvoirs au capitaine du bateau et son système s’est déglingué.»
Heureusement, la chercheuse a pu effectuer des tests avant que les aventuriers ne tombent au combat: pourcentage de gras, force de préhension, échantillon de salive, prise de température corporelle et capacité respiratoire. «À première vue, je n’ai pas noté de différences véritablement significatives entre ces résultats et les tests effectués avant le départ, confie-t-elle, mis à part le pourcentage de gras de François, qui a chuté parce qu’il a été malade pendant plusieurs jours sur le continent, incapable de manger convenablement.»
François Mailhot a été le plus éprouvé de la bande: avant de combattre un vilain virus qui l’a cloué au lit – ou plutôt dans la tente – pendant cinq jours, il a fait une chute d’une trentaine de mètres, tête première dans une falaise. Heureusement, il était bien encordé et ses équipiers l’ont sorti du pétrin sans blessure.
En attente des données complètes
Lors du retour à Montréal, les membres de XPA se sont livrés à d’autres tests. «Leurs résultats étaient un peu moins bons sur les plans cardiovasculaire et musculaire, note Andrée-Anne Parent. Nous avons constaté qu’ils récupèrent plus difficilement qu’à l’habitude. C’est peut-être physique, mais c’est aussi psychologique. La fin de l’expédition est vécue comme un deuil et la motivation est plus difficile à trouver.»
Il faudra attendre les données recueillies par les Astroskin – les maillots intelligents que portaient les membres lors de l’expédition – avant de pouvoir amorcer les véritables analyses, précise-t-elle. «Les données sont en cours de récupération. Je devrais être en mesure de livrer un aperçu des analyses préliminaires d’ici trois mois, et les résultats finaux d’ici un an.» Les échantillons de salive et de cheveux, qui permettent de déceler l’état du système immunitaire et les carences minérales, s’avéreront également précieux.
Mission accomplie
Au début de leur aventure, les membres de XPA ont eu l’occasion de discuter avec des explorateurs chevronnés à Ushaïa, en Argentine. «C’est le point de départ de nombreuses expéditions en Antarctique ou au Cap Horn, raconte Andrée-Anne Parent. Les vieux pros y discutent avec les équipes qui s’apprêtent à monter sur leur bateau. Ce sont eux qui ont conseillé l’équipe sur les tracés à emprunter, comme le fameux Catwalk, qui n’était pas bien localisé par Google Earth!»
À leur arrivée sur le continent, les aventuriers ont cru pouvoir se la couler douce. «Il faisait soleil et il n’y avait pas de nuages dans le ciel, se rappelle la chercheuse. On a tous pensé: ce sera facile! Ensuite, nous nous sommes rappelé les conseils des pros: ne jamais se fier au climat. De fait, ce furent les seuls jours de beau temps jusqu’à la fin de l’expédition.»
Andrée-Anne Parent est demeurée sur le bateau pendant que ses collègues bravaient les éléments. Sur le continent, les membres de XPA ont affronté des températures oscillant entre -20 et -40 degrés Celsius. Vents violents et blizzards leur ont rendu la tâche encore plus ardue. «À deux reprises, ils ont dû sortir de la tente et pelleter car elle était presqu’ensevelie», raconte Andrée-Anne Parent.
L’équipe est satisfaite de l’expédition, poursuit-elle. Ses membres ont bravé les éléments et atteint le Forbidden Plateau en autonomie complète et ils ont même vu l’autre versant de la péninsule Arctowski, un fait d’arme accompli par moins de 50 personnes sur la planète. «On pense que parce que nous ne sommes plus dans les années 1930, aucun recoin n’est inaccessible, mais le Forbidden Plateau est l’un des endroits les plus difficiles à atteindre, même en 2014, à cause de blizzards monstrueux qui y sévissent.»
Les aventuriers ont tellement aimé l’expérience qu’ils ne ferment pas la porte à une deuxième visite en Antarctique. «Je leur ai dit que j’étais intéressée à renouveler l’expérience!» lance avec enthousiasme la doctorante.
Un filon scientifique à exploiter?
Lors de son périple, Andrée-Anne Parent a croisé beaucoup d’explorateurs, mais très peu de scientifiques. «Il y a pourtant beaucoup à découvrir et à explorer sur le corps humain dans ce genre d’expédition», dit-elle.
Elle se félicite d’avoir mis au point de petites expérimentations courtes et simples afin de recueillir des données tout au long de l’aventure. «Je n’aurais pas pu en demander plus aux membre de l’équipe sans risquer qu’ils ne laissent tomber l’aspect scientifique», dit-elle avec lucidité.
Si elle a l’occasion de participer de nouveau à ce type d’aventure, la chercheuse aimerait être sur le terrain pour s’occuper des tests et des prélèvements en direct. «Les membres de l’équipe ont pris conscience de ma motivation scientifique lorsque je les ai réveillés six heures du matin à Ushaïa après une fête qui s’était terminée à trois heures pour prendre des échantillons de salive!» se rappelle-t-elle en riant.