Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.
À partir de l’hiver prochain, les visiteurs du Planétarium de Montréal pourront danser avec les étoiles. Une projection interactive sur la façade du nouvel édifice d’Espace pour la vie invitera les passants à faire des mouvements chorégraphiques inspirés par les corps célestes. Une caméra traquera leurs déplacements et déclenchera la projection d’images vidéo sur l’écran: passage d’une comète, étoiles filante, soleil. «Notre but est de faire bouger les gens pour leur faire comprendre par le corps des notions comme la gravitation terrestre ou l’éclipse de lune», explique la designer Mélissa Mongiat (B.A. design graphique, 02), responsable avec sa complice Mouna Andraos de la création de cette installation.
Si Chorégraphie pour les humains et les étoiles sera la première œuvre d’art public numérique installée en permanence à Montréal, il ne s’agit pas de la première intervention du duo de designers, toutes deux chargées de cours à l’École de design. Au printemps prochain, leur installation 21 balançoires sera de retour pour une quatrième année consécutive sur la Promenade des artistes du Quartier des spectacles. Conçue avec la collaboration de Luc-Alain Giraldeau, vice-doyen à la recherche de la Faculté des sciences et spécialiste du comportement animal, 21 balançoires est un instrument de musique collectif à mi-chemin entre le mobilier urbain et le jeu, entre l’art et la science. «Le comportement qui nous intéressait quand nous avons imaginé cette installation, c’était celui de la coopération, indique Mélissa Mongiat. Plus il y a de gens qui se balancent, plus la musique créée par leurs mouvements est riche et complexe.»
Amener les gens à se rencontrer et à échanger grâce à des dispositifs faisant appel à un amalgame de technologie et de design: les installations de l’atelier Daily tous les jours, fondé en 2010 par les deux designers, ont en commun de s’ancrer dans la trame urbaine tout en ouvrant des brèches dans l’anonymat de la ville. «Nous cherchons à pirater des rituels de tous les jours pour déclencher des réactions, dit Mélissa Mongiat. Nos projets prennent vie quand le public y participe.»
Diffusée sur Vimeo, où elle a été vue plus de 400 000 fois, la vidéo 21 balançoires montre le charme ludique et le pouvoir d’attraction de l’installation, qui suscite beaucoup d’intérêt de la part de festivals, de promoteurs immobiliers, de villes et de musées. Le duo a d’ailleurs ouvert un bureau à New York pour entretenir ses contacts avec ses clients américains.
Les œuvres de Mélissa Mongiat, que ce soit Giant Sing Along (sorte de karaoké collectif en plein air), le Musée des possibles (une installation amenant les gens à imaginer la ville autrement) ou La conspiration du bien (un projet visant à susciter «un échange un peu absurde de souhaits, de compliments et de bonnes nouvelles»), contiennent toujours une dose d’idéalisme. «On peut atteindre des résultats concrets avec des entreprises poétiques», assure la designer, qui, après son bac à l’UQAM, a complété une maîtrise dans un programme dédié aux environnements narratifs au prestigieux Saint Martins College of Art and Design de Londres. C’est lors de son séjour dans la capitale anglaise, après des projets qui ont révélé son talent, notamment au South Bank Centre, un important complexe culturel situé au sud de la Tamise, que le magazine Wallpaper, une autorité dans le domaine, l’a incluse dans son palmarès des 10 designers les plus prometteurs du monde.
Toute menue, vive mais réfléchie, la jeune femme grignote un sandwich dans un café branché du Mile End tout en expliquant sa démarche. Bientôt, elle est déjà repartie. Les projets d’art public se multiplient ces jours-ci pour l’atelier, qui a, entre autres, participé à la création d’une installation permanente pour Union Depot, la gare centrale de Saint-Paul, au Minnesota, dont le lancement est prévu ce mois-ci. «Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre d’une restauration majeure de la gare, consiste à créer une sorte de radio intelligente, multimédia et interactive, qui racontera des histoires sur le passé de ce lieu patrimonial, explique Mélissa Mongiat. Les histoires varieront en fonction des mouvements de la foule, des arrivées et des départs, de la météo, du jour de l’année.» Les passagers en attente auront accès à des postes d’écoute disséminés à travers la gare et pourront aussi ajouter leurs histoires. Le but du projet: amener les usagers à s’approprier cet espace public en connaissant mieux son histoire. Et mettre un peu de magie dans leur quotidien: un défi à la hauteur de Daily tous les jours.
Source :
INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 11, no 2, automne 2013.