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Amina Gerba : l’Afrique des bonnes affaires

Au cours de ses études de M.B.A., Amina Gerba a compris que beaucoup de boulot l’attendait. Son mémoire portait sur le positionnement du «produit touristique Afrique noire au Canada».

Par Martine Turenne

20 avril 2012 à 0 h 04

Mis à jour le 11 août 2021 à 10 h 08

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Au cours de ses études de M.B.A., Amina Gerba (B.A.A. gestion et intervention touristiques, 92; M.B.A., 93) a compris que beaucoup de boulot l’attendait. Son mémoire portait sur le positionnement du «produit touristique Afrique noire au Canada». Sa conclusion : les Canadiens ne connaissaient rien – ou très peu – du continent qui l’avait vu naître. S’agissait-il d’un «pays»? Y avait-il des routes? Des maisons?

«L’image de l’Afrique nuisait à son développement», dit cette élégante femme de 50 ans, qui revient tout juste de sa dernière mission commerciale au Cameroun, où elle a accompagné une vingtaine d’entrepreneurs québécois. Son pays d’origine, qu’elle a quitté au début de la vingtaine pour suivre son mari qui venait compléter à l’UQAM un doctorat en communication, est son lieu de prédilection. «C’est un pays riche, qui a beaucoup de potentiel. C’est l’Afrique en miniature.»

À sa sortie de l’UQAM, Amina Nleung Abah-Gerba, de son vrai nom, travaille pendant trois ans pour des sociétés canadiennes. Elle est responsable du développement de marchés en Afrique, mais continue de se heurter au manque de connaissances des Canadiens.

C’est ainsi qu’elle crée, en octobre 1995, sa propre société de consultation, Afrique Expansion. Sa mission : promouvoir les produits et pays africains en Amérique du Nord et faciliter l’investissement canadien en Afrique. «Chaque entreprise que j’amène en Afrique contribue à son développement et crée de l’emploi», souligne-t-elle.

Cordonnier bien chaussé, Amina Gerba jette les bases, cette année-là, d’une des branches de son petit empire. Lors d’une mission commerciale au Burkina Faso, elle rencontre des femmes de l’Association des productrices de beurre de karité, une matière première utilisée notamment dans la fabrication de produits de beauté. L’entrepreneure veut en faire l’importation au Canada, mais ne trouve aucun investisseur intéressé par ce produit aux vertus méconnues. Qu’à cela ne tienne, Amina Gerba décide de lancer sa propre ligne de produits cosmétiques à base de beurre de karité biologique. Avec une quarantaine de produits, la marque Kariderm est aujourd’hui distribuée dans 300 points de vente, essentiellement des magasins de produits naturels.

C’est en 1998 qu’Afrique Expansion organise ses premières «Journées économiques de l’Afrique» en invitant le Cameroun à conduire une première mission au Canada. Une vingtaine de chefs d’entreprises et de représentants du secteur public sont présents.

Mais les médias en font peu de cas. Amina Gerba comprend que si elle veut qu’on parle de l’Afrique, et de son entreprise, il faudra qu’elle le fasse elle-même. Avec son mari, Malam Gerba (Ph.D. communication, 97), elle lance un bulletin d’information: Afrique Expansion mag, aujourd’hui un magazine sur papier glacé qui tire à 20 000 exemplaires. Une version en anglais est prévue ce printemps et il y a un projet dans l’air de lancer Afrique Expansion télé…

L’entité Geram Communications, créée en 2001, gère tant Afrique Expansion que son pendant magazine, en plus d’organiser, tous les deux ans depuis 2003, le Forum Africa, une rencontre internationale qui vise, une fois de plus, à promouvoir les liens d’affaires avec l’Afrique.

À travers tous ses projets, celle qui a reçu le titre d’Entrepreneure de l’année 2010 du Réseau des entrepreneurs et professionnels africains (REPAF) a trouvé le temps d’élever quatre enfants, âgés aujourd’hui de 17 à 31 ans. Il faut dire que la femme d’affaires est d’un calme très… africain. Une attitude qu’elle tente d’inculquer aux entrepreneurs canadiens qui se préparent à partir pour l’Afrique!

«Il faut comprendre que le temps y est élastique, dit-elle en souriant. Être en retard à un rendez-vous d’affaires ne signifie pas qu’on ne respecte pas son interlocuteur.» Tout voyage en Afrique coûte cher, souligne-t-elle, et les gens d’affaires veulent revenir avec un contrat signé. «En réalité, il faut parfois compter deux ou trois voyages avant de signer un contrat.»

Elle constate au fil des ans que le climat d’affaires s’améliore en Afrique. «La corruption est moins présente. Il y a aussi moins de barrières tarifaires.» Les récentes statistiques provenant du continent lui donnent raison d’être optimiste : la classe moyenne y connaîtra la plus forte augmentation dans le monde d’ici 2015; les infections au sida diminuent; et le Fonds monétaire international prévoit une croissance du PIB de 6 % en 2012, le même taux qu’en Asie.

«Le potentiel pour les PME canadiennes est grand, dit Amina Gerba. Mais il faut sortir du secteur minier et penser aux besoins dans le secteur des technologies, avec 600 millions d’utilisateurs de cellulaires, de l’agro-alimentaire, de la construction de maisons ou de routes.» Le développement de l’Afrique passe par son secteur privé, affirme-t-elle. «Plus les Africains travailleront, moins ils occuperont leur temps libre à s’entredéchirer.»