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Le gars qui plante des arbres

Par Marie-Claude Bourdon

20 avril 2010 à 0 h 04

Mis à jour le 28 août 2018 à 11 h 08

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

«Quand j’ai commencé, jamais je n’aurais pu prévoir que les enjeux entourant le réchauffement climatique allaient prendre autant d’importance», raconte Sébastien Léonard (B.A. design de l’environnement, 98; M.B.A., 99), p.d.g. de ZÉROCO2, l’un des seuls distributeurs de crédits de carbone en Amérique du Nord à avoir obtenu la reconnaissance internationale Gold Standard. «Mon but était de planter des arbres pour embellir la ville.»

Après des études en design, le jeune homme fait ses premières armes en marketing dans le monde de la publicité. Pendant cinq ans, il travaille pour plusieurs grandes agences, dont Cossette, BCP et BBDO. C’est alors qu’il s’inscrit au M.B.A. pour cadres. À la fin de son programme, en voyage d’études au Brésil, il est saisi par l’omniprésence de la publicité : «Il y avait des affiches partout : sur le mobilier urbain, dans les arbres et même sur les fesses des filles à la plage!»

Ce délire publicitaire qui le choque fait germer une idée dans son esprit : dériver certains budgets de marketing pour financer des projets environnementaux. C’est ainsi que naît en 2002 sa première entreprise : EcoAd offre à des municipalités de planter des arbres sur leur territoire et de faire financer ces plantations par des commanditaires locaux. En retour, la ville l’autorise à exploiter un système d’affichage directionnel indiquant les lieux d’affaires de ses commanditaires.

«Sans coûts supplémentaires, sans augmentation de taxes, on démultiplie le budget d’embellissement de la ville tout en offrant une visibilité aux commerçants locaux, explique l’entrepreneur. On augmente le capital de sympathie de nos commanditaires, mais le premier à récolter les fruits de cette opération est le citoyen, dont l’environnement est embelli.»

Planter des arbres devient vite une manie pour Sébastien Léonard. Jean Coutu, les rôtisseries St-Hubert, Botanix, la Banque Nationale et de nombreux autres commanditaires financent l’opération dans plusieurs municipalités à travers le Québec. Dans tous les cas, des critères rigoureux sont respectés : le choix des essences – frênes, érables, noyers, pins, épinettes – est fait en fonction de la région, les arbres sont soigneusement entretenus, sans utilisation de pesticides, et ceux qui meurent sont remplacés. Quant aux panneaux de signalisation des commanditaires, ils sont conçus avec des matériaux non réfléchissants, de manière à s’intégrer au tissu urbain.

Les arbres qui poussent le long des boulevards ou dans les parcs ne font pas qu’embellir et rafraîchir l’environnement des citadins : ils présentent aussi l’avantage d’absorber de grandes quantités de gaz à effet de serre. Or, de plus en plus d’entreprises et même d’individus sont prêts à payer pour acheter des crédits permettant de compenser leurs émissions de GES. Rapidement, l’idée de ZÉROCO2 s’impose.

Depuis 2005, l’entreprise propose à ses clients de planter des arbres en échange de crédits de carbone. Grâce à ZÉROCO2, ce sont plus de 75 000 arbres qui ont été plantés par Sébastien Léonard et ses collègues jardiniers, l’équivalent en superficie de plus d’une centaine de terrains de football. «Nous plantons toujours nos arbres en territoire urbain ou péri-urbain, précise le jeune entrepreneur. L’idée que les citoyens puissent profiter de la vue des arbres demeure très importante pour nous. Du même coup, nous minimisons les risques de destruction par feu de forêt et nous diminuons les problèmes de prédation et d’épidémies liés aux grandes monocultures.»

Les clients qui achètent leurs crédits de carbone chez ZÉROCO2 reçoivent un code leur permettant de localiser en ligne l’endroit exact où poussent leurs arbres. Les érables ou les chênes plantés pour compenser leurs émissions ne sont pas une abstraction. Grâce au nouveau site Web de l’entreprise, on peut calculer les émissions de GES associées à un événement, à sa consommation de papier, à l’usage qu’on fait de sa voiture ou même de son scooter! Mais attention, pas possible pour un consommateur pollueur d’acheter des crédits pour compenser les émissions reliées à l’usage d’une grosse cylindrée : «Avant de l’absoudre, nous considérons que ce client devrait songer à changer sa voiture pour un véhicule moins énergivore!» avertit Sébastien Léonard.