Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.
J’ai rencontré Catherine Dupuis (B.Sc. chimie, 02) au Costa Rica, sur la véranda d’un petit hôtel de la côte Caraïbe. Cette chimiste devenue entrepreneure revenait d’un voyage d’affaires d’une semaine avec son chum, Éric, et son fils de deux ans, Gaïa, dans un village de chamans Bri Bri, une communauté autochtone sans électricité ni eau courante perdue au milieu de la jungle.
Mauves, l’entreprise qu’elle a fondée avec Éric Chagnon en 2001, vend une gamme de produits de santé naturels conçus à partir de plantes, autant que possible issues de l’agriculture biologique et du commerce équitable. Elle fabrique aussi des boissons énergétiques pour plusieurs marques commercialisées au Canada, aux États-Unis et au Japon. Au cours des dernières années, elle a déposé cinq brevets pour des produits nutraceutiques qu’elle vend sous licence. Ses innovations lui ont permis de remporter une quinzaine de prix, incluant le prix «Jeunes Entrepreneurs» de la Banque de développement du Canada, le prix «Exportation et développement Canada» du Réseau des Femmes d’affaires du Québec et le prix «Défi Innovation» du Conseil national de recherche du Canada.
«Contrairement à la plupart des produits de santé naturels, tous nos produits sont standardisés, dit Catherine Dupuis. Nous garantissons que le niveau de molécules actives dans la préparation est toujours le même.» Malgré les fleurs bleues sur les murs (l’aménagement intérieur tout en couleurs a été réalisé par le décorateur de l’émission Passe-Partout), il faut dire que l’usine de Pointe-Claire est équipée comme une compagnie pharmaceutique. Son directeur de la recherche et troisième partenaire de Mauves, Le Tien Canh (Ph.D. biochimie, 04), est lui aussi un diplômé : «Nous nous sommes rencontrés à l’UQAM et il y a tout de suite eu une bonne chimie entre nous», raconte la présidente en éclatant de rire.
Au départ, Mauves a fait fortune avec des toniques sexuels pour hommes et femmes. Aujourd’hui, ses liquides extraits de végétaux sont réputés combattre le stress, les effets de la ménopause ou la panne d’énergie. Naturopathe, Catherine Dupuis croit dur comme fer à l’efficacité de ses potions. «On dit que les effets des plantes n’ont pas été testés. Mais c’est faux! dit-elle en me tendant un gros cartable. Il en pleut des études scientifiques sur les vertus des plantes!»
En quelques années, la compagnie, qui compte aujourd’hui 25 employés, a atteint un chiffre d’affaires de deux millions de dollars. «Si on veut être pris au sérieux, il faut faire des profits, dit Catherine Dupuis. Mais notre but premier, ce n’est pas ça. Ce qu’on veut, c’est changer le monde.» Rien de moins : Mauves s’est donné pour mission de devenir un modèle d’entreprise socialement responsable.
En pratique, la PME verse 15 % de ses profits dans un fonds consacré à des projets de développement durable et soutient ainsi une petite coopérative péruvienne qui fait la cueillette de plantes indigènes. «Pour les paysans, cueillir les plantes est 10 fois plus payant que de cultiver des bananes, dit-elle. En plus, ça ne détruit pas la terre, contrairement à la culture bananière. À terme, on aimerait que toutes nos matières premières proviennent de coopératives comme celle-là.»
Chez Mauves, on se soucie aussi de conciliation travail-famille. Il y a une salle de repos pour les employés qui auraient besoin de piquer un somme dans l’après-midi et une salle de «créativité» avec jeux et chaise de massage pour ceux qui veulent se délier les neurones. L’entreprise tente de réduire au minimum sa consommation énergétique et, recyclage oblige, le matériel de laboratoire, les lampes, les chaises, le système téléphonique, tout est d’occasion. «La santé des êtres humains repose sur celle de la Terre», rappelle Catherine Dupuis.
Cette dynamo blonde qui enseignait les sciences au secondaire pendant qu’elle faisait ses études de chimie à l’UQAM a une autre cause à coeur : la prévention de la toxicomanie chez les jeunes. Chaque année, elle donne des conférences dans les polyvalentes sur les effets des drogues dans le cerveau. Bénévolement. «C’est banal de dire cela, mais j’ai besoin de redonner à la société une partie de ce que j’ai reçu.»