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À la rescousse des grands singes

Par Marie-Claude Bourdon

18 juin 2007 à 0 h 06

Mis à jour le 28 août 2018 à 10 h 08

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Les grands singes sont nos cousins les plus proches, nous partageons avec eux plus de 96 % de notre ADN et ils pourraient disparaître au cours de ce siècle», affirme la biologiste Dominique Auger. De retour depuis quelques mois d’un séjour d’un an et demi au Kenya, où elle était sous contrat avec le GRASP, un projet des Nations Unies pour la survie des grands singes, cette petite bonne femme pleine d’énergie n’en était pas à sa première mission à l’étranger. Après une année de baccalauréat à l’île Maurice et un séjour de quelques mois au Vietnam dans le cadre de sa maîtrise à l’Institut des sciences de l’environnement, c’est tout naturellement que cette spécialiste de la biodiversité (M.Sc. sciences de l’environnement, 04) a sauté sur ce stage au Kenya, financé par l’ACDI.

Avant de partir, elle ne connaissait, de son propre aveu, «absolument rien aux grands singes»! Mais la survie de ces primates (gorilles, chimpanzés, bonobos et orangs-outans) exige une vision globale qui correspond parfaitement à la sienne. «J’ai une formation de base en science, précise-t-elle, mais j’ai choisi la maîtrise en sciences de l’environnement parce qu’elle permet de s’ouvrir aux dimensions politiques, économiques et humaines des problématiques environnementales.»

Si la destruction de leur habitat est la principale cause de la disparition des grands singes, les facteurs nuisant aux efforts de préservation sont étroitement liés à la guerre et à la pauvreté qui sévissent dans les pays où ils sont concentrés. «Aujourd’hui, tous les projets visant la conservation comportent un volet axé sur la diminution de la pauvreté, mentionne la biologiste. C’est bien beau de dire aux gens de ne pas chasser les grands singes, mais si on ne veut pas qu’ils les tuent ou qu’ils coupent la forêt, il faut leur trouver des alternatives.»

En Indonésie, de grandes étendues de la forêt tropicale — territoire de l’orang-outan, le seul grand singe vivant hors d’Afrique — sont brûlées pour laisser place aux plantations de palmiers dont on extrait l’huile de palme. En Afrique, les primates sont confinés à des forêts qui rétrécissent comme peau de chagrin. Des agriculteurs ou des braconniers les chassent, parfois pour leur viande, même si c’est interdit. «Les grands singes sont aussi tués à cause de leur valeur sur le marché international, entre autres celui des médecines traditionnelles», dit Dominique Auger, ajoutant qu’«on trouve encore des mains de gorille vendues comme cendriers.»

Installé dans les bureaux du Programme des Nations Unies pour l’environnement à Nairobi, le GRASP est un partenariat formé des pays de l’aire de répartition des grands singes, d’ONG, de scientifiques et d’entreprises privées. Il a pour mission principale de recueillir des fonds, d’organiser et de coordonner les projets visant à empêcher les populations de grands singes de décroître.

Selon Dominique Auger, il reste énormément à faire sur le plan de l’éducation et de la sensibilisation. «Grâce à la publicité dont ils ont bénéficié, les gorilles de montagne ont été mieux protégés et leur population est aujourd’hui en légère augmentation, souligne la biologiste. À partir de juin, il faudra payer 500 $ U.S. par personne pour les observer, dans leur réserve à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Pour ces pays, c’est une importante source de revenus touristiques et cela aide à faire comprendre l’importance de préserver leur habitat.»

Aujourd’hui chargée de projet à Conservation de la nature Canada, la jeune femme garde un souvenir ému des gorilles de montagne qu’elle a pu observer dans la forêt et des bébés bonobos, réfugiés dans un sanctuaire qu’elle a visité près de Kinshasa, au Congo. «Ce sont des animaux tellement intelligents, dit-elle. Ils peuvent s’adapter, ils peuvent se déplacer, mais il faut qu’il y ait un endroit où ils puissent aller qui ne soit pas ravagé. Seuls les humains peuvent faire quelque chose pour leur éviter l’extinction.»