
Par décision de son Conseil d’administration et sur la recommandation de son recteur, Robert Proulx, l’UQAM a décerné le 5 octobre dernier un doctorat honoris causa à Bernard Rentier, recteur honoraire de l’Université de Liège, en Belgique. Par ce geste, l’Université veut souligner les réalisations remarquables de Bernard Rentier dans le champ de la virologie et de l’immunologie, mais aussi reconnaître sa contribution exceptionnelle au libre accès à l’information scientifique à l’Université de Liège et à la promotion des valeurs de l’Open Access en Europe et à l’échelle internationale. Le nouveau docteur honorifique a donné une conférence sur ce sujet, le 6 octobre, au Centre Pierre-Péladeau.
Un parcours remarquable
Docteur en sciences biomédicales expérimentales de l’Université de Liège, Bernard Rentier a entamé sa carrière en 1976 grâce à une bourse de chercheur invité aux National Institutes of Health, à Bethesda (Maryland), aux États-Unis, où il s’est spécialisé en maladies infectieuses. De retour en Belgique au début des années 1980, il a obtenu l’agrégation de l’enseignement supérieur de la Faculté de médecine de son alma mater, au sein de laquelle il a assumé plusieurs fonctions au cours des 30 dernières années, dont celles de directeur de l’Unité de virologie et d’immunologie, de professeur à la Faculté des sciences, de vice-recteur et de vice-président du conseil d’administration. Nommé recteur de l’Université de Liège en 2005, il vient de terminer son mandat et agit désormais à titre de recteur honoraire.
Ses recherches sur le virus de la varicelle et du zona sont mondialement connues et ont donné lieu à quelque 120 publications scientifiques, à des dizaines de conférences et à l’obtention de trois brevets. Régulièrement invité à enseigner à l’étranger, Bernard Rentier a été membre fondateur de la Fondation internationale pour la recherche contre le virus de la varicelle et du zona – VZV Research Foundation – basée à New York.
Plusieurs distinctions honorifiques ont souligné sa carrière exemplaire de chercheur, de professeur et d’administrateur. Il a été fait Commandeur de l’Ordre de la Couronne belge, Officier de l’Ordre de Léopold II et Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de la République française.
À lire: le discours de remerciement de Bernard Rentier.
Pour le libre accès scientifique
Les qualités de communicateur et d’administrateur de Bernard Rentier l’ont porté à s’intéresser à la diffusion du savoir et au partage des données scientifiques. Convaincu qu’«un savoir enfermé est un savoir stérile» et que les universités ont un rôle de premier plan à jouer pour favoriser le partage des connaissances, il a montré la voie avec une ambitieuse politique d’autoarchivage et de dépôt obligatoire dans les archives institutionnelles ouvertes de son université. «On n’hésite pas à parler aujourd’hui de ce “modèle liégeois” qui fait l’envie de nombreuses universités tant en Europe qu’en Amérique, et ce, à l’heure où la plupart des bibliothèques ne parviennent plus à soutenir les coûts prohibitifs des abonnements de milliers de publications scientifiques», a souligné le recteur Robert Proulx lors de l’éloge de Bernard Rentier.
La détermination du recteur de l’Université de Liège aura porté fruit, car la Commission européenne rend obligatoire, dans le cadre financier 2014-2020, le dépôt en archives ouvertes pour toutes les publications scientifiques produites à l’aide de fonds de l’Union européenne, en plus de recommander aux États membres de prévoir des mécanismes similaires.
À la suite de la mise en place du projet Archipel, que l’on doit au professeur Étienne Harnad, du Département de psychologie, l’UQAM est devenue membre de l’EnablingOpenScholarship, un organisme fondé et présidé par Bernard Rentier qui fédère les universités et instituts partageant l’idéal du libre accès scientifique. «Grâce au professeur Rentier, la refonte en profondeur du mode de financement de l’édition universitaire et la diffusion des connaissances en libre accès sont devenus des enjeux de société importants, en Europe notamment», a déclaré Robert Proulx.
L’exemple d’ORBi
Une quarantaine de membres de la communauté universitaire de l’UQAM ont assisté, le 6 octobre, à la conférence de Bernard Rentier, intitulée «Chercheurs, libérez l’accès: vous serez plus lus et mieux cités.»
Celui-ci a présenté la démarche ayant conduit l’Université de Liège à adopter, en 2007, une politique d’autoarchivage et de dépôt obligatoire dans les archives institutionnelles ouvertes, lesquelles ont été baptisées ORBi – pour Open Repository and Bibliography. «Seules les publications qui se trouvent dans ORBi sont prises en compte pour les évaluations internes», a expliqué Bernard Rentier à propos du succès de la politique. Ainsi, toute candidature pour obtenir des fonds de recherche institutionnels ou pour obtenir une promotion doit s’appuyer sur la liste de publication tirée d’ORBi. «Bien sûr, les chercheurs peuvent continuer à publier leurs articles dans les revues scientifiques, mais ils doivent s’assurer de le faire également dans les archives institutionnelles», a précisé le recteur.
Depuis sa création, ORBi est un succès: le site héberge 113 728 items – articles, ouvrages ou chapitres d’ouvrages, en accès libre ou en accès restreint. Il est consulté en moyenne 6 000 fois par jour. «Les articles de nos chercheurs sont plus lus et davantage cités depuis la création d’ORBi, note Bernard Rentier. Cela ne prend que quelques minutes afin d’y recenser un nouvel article et nous respectons les embargos des éditeurs le cas échéant.»
Le conférencier a dénoncé la hausse exponentielle des coûts d’abonnements aux revues scientifiques. «Bien sûr, la création d’un site institutionnel de dépôt obligatoire ne mettra pas fin au monopole exercé par les grands groupes de l’édition scientifique, mais cela permet tout de même de faire circuler librement les résultats de recherche des professeurs et de leur donner une meilleure visibilité», a-t-il indiqué.
On a demandé à Bernard Rentier quelles avaient été les principales objections des chercheurs de son université lors de la création d’ORBi. «L’aspect obligatoire en a irrité quelques-uns, qui jugeaient que cela brimait leur liberté académique, a-t-il reconnu. Je leur ai dit que ce n’était pas le cas, puis les objections sont tombées rapidement. Aujourd’hui, tout le monde à l’Université de Liège connaît ORBi et veut y déposer ses articles.»