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Un jeu vidéo sur la Cour suprême du Canada

Alexandre Lillo participe à la création d’un jeu dont l’action se déroule dans une reproduction numérique du plus haut tribunal du pays.

Par Pierre-Etienne Caza

10 octobre 2025 à 11 h 45

Vous êtes un agent d’entretien travaillant la nuit à la Cour suprême du Canada. Le juge en chef, qui sait que vous écrivez un roman sur l’histoire de l’institution, vous invite à tendre l’oreille pendant votre quart de travail, car le bâtiment recèle des échos de ce qui s’y est déroulé au fil des ans. À vous de découvrir les récits méconnus qui ont façonné la nation canadienne…

Telle est la séquence d’introduction du jeu vidéo Les échos de la cour. «Il s’agit d’un outil de vulgarisation pour mieux comprendre la Cour suprême du Canada, ce qui s’y passe, son fonctionnement et son rôle dans l’histoire et dans la société canadienne», précise Alexandre Lillo.

Le professeur du Département des sciences juridiques a participé à la création du jeu à titre de conseiller académique avec une équipe de l’Université d’Ottawa, en collaboration avec le studio montréalais Affordance. Le jeu est disponible sur la plateforme de jeux vidéo Steam et sur Android et iOs dans leurs boutiques d’applications respectives.

Un jeu ludique et informatif

Le défi relevé par l’équipe derrière le jeu Les échos de la cour était de trouver le bon équilibre afin de le rendre à la fois ludique et informatif. «Nous ne voulions pas créer un jeu sérieux pendant lequel on se rend compte qu’on apprend, observe Alexandre Lillo. Le pari était de faire en sorte qu’on apprenne des choses sur la Cour suprême sans trop s’en rendre compte, uniquement parce que l’endroit sert de décor au scénario.»

L’idée de personnifier un agent d’entretien travaillant la nuit dans le bâtiment du tribunal s’est imposée très tôt dans le processus d’idéation, raconte le juriste. «Cela permet de justifier qu’il n’y ait personne d’autre dans le bâtiment… ce qui coûte moins cher en programmation!», précise-t-il en riant.

Tout en réalisant des tâches classiques de ménage, le personnage est confronté à des «échos» qui se déclenchent sur son parcours. Il s’agit d’extraits d’entrevues enregistrées spécialement dans le cadre du projet multimédia «Expérience Cour suprême» mené par Jurivision, la plateforme de mobilisation des connaissances de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. «On y retrouve, par exemple, des parties qui racontent le moment où elles ont appris leur victoire ou leur défaite. Des avocates et des avocats y évoquent leur préparation ou le déroulement de leur plaidoirie. Il y a aussi des juges qui parlent de leur rôle ou qui partagent des anecdotes sur les interactions entre les neuf juges de la Cour», illustre Alexandre Lillo.

Le jeu vidéo pour enseigner

Il ne s’agit pas de la première incursion d’Alexandre Lillo dans l’univers des jeux vidéo. «Depuis quelques années, j’aime bien repenser ma façon d’enseigner en faisant appel, notamment, à l’apprentissage par le jeu», souligne-t-il.

En 2022, le professeur et son collègue Thomas Burelli, de l’Université d’Ottawa, avaient bricolé un petit jeu pour expliquer, justement, les notions juridiques entourant les jeux vidéo. «Il avait fallu réfléchir à tous les aspects, tant du côté des notions théoriques à intégrer que sur le plan de la conception du jeu et de sa jouabilité», se rappelle-t-il.

Leur désir de produire d’autres jeux, plus ambitieux, s’est toutefois heurté à des contraintes financières. «Lorsque nous avons appris que Patrimoine Canada souhaitait réaliser une archive numérique du bâtiment de la Cour suprême du Canada avant sa fermeture prolongée pour cause de rénovations, et que Jurivision avait obtenu un financement substantiel pour le projet, nous avons eu l’idée d’utiliser cette archive pour créer un jeu vidéo se déroulant à la Cour suprême et portant sur celle-ci», raconte Alexandre Lillo.

Testé par le juge en chef

Avant son lancement, le jeu a été testé par des personnes étudiantes, des professeures et professeurs et des praticiennes et praticiens du droit. «Le juge en chef, Richard Wagner, a eu l’occasion d’y jouer aussi», mentionne son concepteur.

Le professeur espère que plusieurs de ses collègues à travers le Canada utiliseront ce jeu dans leurs cours de droit constitutionnel. «Nous l’avons créé en ayant en tête les étudiantes et étudiants en droit, mais à force d’en parler autour de nous, nous avons compris que la communauté juridique plus élargie y trouvera également un intérêt», conclut-il.