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Le processus de paix à Gaza requiert plus qu’un cessez-le-feu

À titre de Rapporteur spécial des Nations Unies, Bernard Duhaime plaide pour un véritable processus de justice transitionnelle.

16 octobre 2025 à 12 h 05

Mis à jour le 17 octobre 2025 à 14 h 53

Le professeur du Département des sciences juridiques Bernard Duhaime est à l’origine d’un communiqué des Nations Unies sur le processus de paix à Gaza, qu’il a signé à titre de Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition.

À titre d’expert indépendant, Bernard Duhaime est chargé du dossier des situations de transition après un conflit ou un régime autoritaire, alors que de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ont été commises.

«En ce moment, on met en place une structure de transition à Gaza. La préoccupation que j’ai comme expert des Nations Unies, c’est que ce plan, tel qu’annoncé, ne prévoit pas de mesures spécifiques de justice transitionnelle», a souligné l’expert au micro de Patrick Masbourian, qui l’interviewait à l’émission Tout un matin, sur les ondes d’ICI Radio-Canada, le 16 octobre.

Dans son communiqué officiel, le Rapporteur spécial souligne que le cessez-le-feu à Gaza et la libération de tous les otages israéliens vivants et de plusieurs Palestiniens détenus «offrent une lueur d’espoir au milieu de la dévastation et de la souffrance». Selon lui, l’impératif demeure toutefois «d’ancrer le processus de paix dans les principes de justice, d’inclusion et de responsabilité, fondés sur la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien».

Selon Bernard Duhaime, un plan global pour une paix durable au Moyen-Orient nécessite un processus de justice transitionnelle à long terme, incluant la révélation de la vérité sur les violations subies et les causes profondes du conflit, la responsabilité pénale, les réparations, la commémoration et des garanties solides de non-répétition.

Sans une feuille de route claire en matière de justice transitionnelle, le plan risque de devenir «un arrangement superficiel qui ne parvient pas à remédier aux blessures profondes infligées à des générations de victimes et qui accroît les risques pour la région», analyse le Rapporteur spécial.

Selon lui, la proposition actuelle de cessez-le-feu manque de clarté quant aux mécanismes, aux échéances et aux arrangements institutionnels nécessaires à la mise en œuvre d’un processus de justice transitionnelle significatif. «Elle ne précise pas clairement comment la vérité sera établie, comment les victimes auront accès à une réparation complète, ni comment les auteurs seront tenus responsables. Ce flou soulève de sérieuses inquiétudes quant à la capacité de la proposition à garantir la justice et la réconciliation», écrit-il.

La clé est que des experts impartiaux puissent écouter des témoins et établir ce qui s’est produit, insiste le juriste.

«Les efforts menés par les organisations palestiniennes et israéliennes, par les journalistes et d’autres acteurs de la société civile pour documenter et enquêter sur les violations flagrantes des droits de l’homme ont été et continuent d’être essentiels pour garantir la vérité, la justice et la responsabilité.»

Bernard Duhaime

Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition

Dans un contexte où nombre de ces acteurs ont été l’objet d’attaques et de répression, le Rapporteur spécial souligne la nécessité d’assurer leur protection et de leur fournir un soutien juridique et institutionnel solide, et il appelle les membres de la communauté internationale à envisager de soutenir la création urgente d’un lieu sûr pour préserver cette documentation vitale.

«L’absence de dispositions garantissant la responsabilisation des auteurs de violations flagrantes du droit international et de violations graves du droit international humanitaire pourrait compromettre le plan de paix, avertit l’expert. Des crimes tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide ne doivent pas être protégés par des amnisties, des prescriptions ou d’autres mesures limitant de la même manière la responsabilité pénale. Ce principe fondamental du droit international est essentiel pour prévenir l’impunité et s’applique de la même manière à tous.»

Une résolution durable d’un tel conflit exige un engagement sans compromis en faveur de la justice, insiste Bernard Duhaime. «Ce n’est qu’ainsi que pourra enfin se construire un avenir fondé sur la paix, la dignité, le respect et la sécurité mutuelle», conclut-il, en précisant qu’à titre de Rapporteur spécial, il est prêt à fournir à la Palestine, à Israël et aux autres parties prenantes toute l’assistance technique dont ils pourraient avoir besoin sur les processus de justice transitionnelle.

Présentation à l’Assemblée générale de l’ONU

Bernard Duhaime présentait aussi, le 16 octobre, son plus récent rapport à l’Assemblée générale de l’ONU à titre de Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition.

Ce rapport s’articule autour de l’idée selon laquelle les inégalités, l’exclusion et l’absence de justice alimentent et exacerbent la violence. «Il est temps pour les États de s’attaquer aux injustices socioéconomiques et culturelles structurelles afin de construire une paix durable», y souligne le juriste.

On peut voir son intervention lors de l’Assemblée générale de l’ONU ici (à partir de 1:00:55).