Il est tôt mercredi matin, mais les esprits sont alertes. Une dizaine d’étudiantes et étudiants de deuxième année du baccalauréat en communication (création médias – télévision) discutent du menu de l’émission Grasse matinée, dont le tournage aura lieu en après-midi. Ils doivent sélectionner les actualités ainsi que les nouvelles culturelles, sportives et tendances qui devront être préparées et montées d’ici là.
La chargée de cours Eza Paventi, qui donne ce trimestre le cours Animation, recherche et écriture télévisuelles I, anime la réunion éditoriale avec le chargé de cours Mario Rouleau, responsable du cours Réalisation multicaméra en studio. L’animateur pédagogique de l’École des médias Sébastien Richard est également présent en renfort.
Donald Trump et ses tarifs ainsi que les candidats conservateurs écartés par le chef Pierre Poilièvre ont retenu l’attention de la chroniqueuse Alicia Miljour. «Est-ce que vous voyez autre chose d’intéressant pour les actualités?», demande Eza Paventi. Samuel Potvin, coanimateur de l’émission, suggère de mentionner la diffusion d’une émission spéciale avec les cinq chefs, qui aura lieu le lendemain, à la fin du topo sur les élections fédérales. «Excellente idée», le félicite la chargée de cours.
La chroniqueuse culturelle Karina Graton-Downs annonce qu’elle s’intéressera à la pièce Janette, sous l’angle de l’impact des femmes vieillissantes dans le milieu culturel. Elle a aussi noté l’ouverture d’une exposition sur les insectes dont elle aimerait dire quelques mots. Des collègues lui suggèrent de jeter un œil sur la série Libre dès maintenant, qui arrive sur Tou.tv, et sur le décès de l’acteur Val Kilmer.
Les nouvelles du sport retenues par Lili-Jeanne Clouâtre sont la victoire in extremis du Canadien face aux Panthers de la Floride et la défaite du CF Montréal. «Ce serait important d’avoir un extrait de Nick Suzuki lors de son entrevue d’après-match sur la glace après avoir été nommé première étoile du match, où il a dit qu’il aimerait vraiment que l’équipe accède aux séries pour l’ambiance incroyable au Centre Bell», propose un collègue. «Très bonne suggestion», souligne Eza Paventi, rappelant aux étudiantes et étudiants l’importance d’avoir des topos concis et punchés. «Je laisserais tomber la défaite du CF Montréal, qui date de quatre jours, intervient Chloé Corbeil, coanimatrice de l’émission. Il me semble plus judicieux de parler de la victoire des Blue Jays ou du fait que les Raptors sont éliminés de la course aux séries dans la NBA.» Mario Rouleau approuve.
Ashley Kewe partage ses sujets pour la chronique tendances. «Je m’intéresse à la nouvelle version de ChatGPT qui peut générer des images dans le style du réputé studio d’animation japonais Ghibli. Je propose qu’on se demande si l’IA pourrait, à terme, remplacer le travail de ce type de studio.» La chroniqueuse souhaite aussi aborder le cas de personnes qui utilisent ChatGPT comme psychologue et la tendance à délaisser les applications de rencontre pour participer à des événements en personne.
«Ce matin, il faut déterminer les extraits que vous comptez utiliser ainsi que lesquels seront en plein son, avec son en arrière-plan, et si vous souhaitez enregistrer une narration sur certaines images», rappelle Mario Rouleau. Sébastien Richard rappelle au groupe la manière d’organiser les images et les vidéos dans le serveur numérique. «Les salles de montage sont ouvertes», annonce-t-il, donnant ainsi le signal de départ de cette journée qui s’annonce bien remplie.
Pendant que les deux coanimateurs ainsi que les chroniqueuses discutent avec Eza Paventi de leurs textes de présentation et des sujets qui feront l’objet de discussions durant l’émission, les monteuses et monteur (Saskia Bertheau, Stéphanie Faucher et Antoine Beauregard) sont déjà à pied d’œuvre, sous la direction de la coordonnatrice de production Azalée Pelletier. Mario Rouleau et Sébastien Richard répondent aux questions.
Un défi à cinq caméras
Pendant que les topos sont montés et téléversés dans le serveur, l’équipe technique amorce sa mise en place dans le studio A. Le décor de l’émission a été entièrement réalisé par les étudiantes et étudiants du groupe. «À la demande de Mario, le plateau est à l’image de celui de Deux hommes en or et Rosalie, à plus ou moins 280 degrés avec deux coanimateurs, explique l’animateur pédagogique Serge Gouin, présent en soutien sur les lieux. Cela ajoute à la complexité du travail pour la réalisatrice et les coanimateurs, car nous utilisons cinq caméras afin de pouvoir saisir les réactions de toutes les personnes présentes sur le plateau.»
Un diplômé comme invité
En début d’après-midi, dans le studio A, les membres de l’équipe technique s’activent autour de nous: un chef machiniste (Santiago Pinzon), cinq caméramans (Annabelle Fournier, Marie Byrne, Delphée Serre et Maude Leduc, auxquelles se grefferont les trois réalisatrices en alternance), une coordonnatrice de production (Azalée Pelletier), une assistante au son (Maéva Laurent), une régisseuse de plateau (Camille Blais) et une directrice artistique (Ariane Breton). La chroniqueuse sportive, Lili-Jeanne Clouâtre, est aussi responsable des éclairages.
Plus tôt en matinée, le groupe a procédé à une répétition générale et tout s’est bien déroulé. L’exercice auquel nous assistons se répétera à deux autres reprises au cours des prochains jours, chacune et chacun endossant un nouveau rôle, devant ou derrière la caméra, avec du nouveau matériel en fonction de l’actualité.
L’invité spécial de cette première émission est le journaliste sportif Jean-François Chaumont (B.A. communication/journalisme, 2002), qui travaille pour le site LNH.com. Il arrive en studio, on lui présente le déroulement de l’émission et on procède à la pose de son micro. La diffusion va bientôt débuter.
On brise la glace
Il est 13 h 44 quand l’assistant-réalisateur, Jasmin Leroux, annonce la mise en ondes dans trois minutes. «Merde à tous, have fun, on se concentre!», lance Mario Rouleau alors que le décompte est à deux minutes.
Le générique d’ouverture de Grasse matinée roule et c’est Samuel Potvin qui lance l’émission en présentant ses collègues sur le plateau. Le segment des actualités est présenté par Alicia Miljour, qui parle des tarifs de Trump et du revers électoral des républicains à la Cour suprême du Wisconsin. Un tour de table permet à chacun de s’exprimer sur le sujet.
En régie, la réalisatrice Loriane Dufour mène le bal avec un calme absolu, indiquant ses choix de caméra à Myriam Laprise, responsable de l’aiguillage, et ses indications pour le titrage des images à Alex Brazeau. Mario Rouleau demeure en retrait, laissant toute la place aux étudiantes et étudiants. Le technicien en production audiovisuelle du SAV, David Pilotte, est présent en soutien technique.
À quelques mètres de la régie, William Noël s’occupe du rendu sonore de l’émission dans la cabine prévue à cet effet. Il est accompagné par Jimmy Beaudoin, un autre technicien en production audiovisuelle du SAV.
Dix minutes après le début de l’émission, Loriane Dufour donne le signal pour la mise en ondes d’un topo préenregistré de Karina Graton-Downs, portant sur les façons de bien s’informer en 2025 et réalisé par Jasmin Leroux. Tout le monde a quelques minutes pour souffler. Au retour, la chroniqueuse culturelle annonce la pièce Janette et lance une discussion sur l’impact des femmes vieillissantes dans le milieu culturel. Elle propose ensuite une idée de sortie familiale: l’exposition Insecta Mundi à la Biosphère. Chacun y va d’un petit mot sur sa relation avec les insectes. La bonne humeur est contagieuse. C’est la fin du premier bloc, on va à la pause pour trois minutes.
Good job!
L’émission est divisée en trois blocs que dirigent trois réalisatrices différentes. Tandis que la réalisatrice Emily Moisan prend le relais, Loriane Dufour se rend à son poste à la caméra 1. Mario Rouleau encourage les troupes pour le deuxième bloc, qui s’amorce avec la chronique sportive de Lili-Jeanne Clouâtre. Elle souligne la victoire du Canadien, puis le nouvel accord conclu entre la LNH et Rogers pour la diffusion des matchs de hockey, la victoire des Blue Jays et l’élimination des Raptors, images à l’appui.
Le style de la nouvelle réalisatrice tranche avec celui de la précédente. Emily Moisan gesticule telle une cheffe d’orchestre, sélectionnant les plans de caméra à mettre à l’écran. Elle distribue aussi les Good job! après chaque action posée par un ou une collègue.
Le topo préenregistré d’Alicia Miljour qui entrecoupe le deuxième bloc porte sur la pertinence des cégeps en 2025. Il est réalisé par William Noël. Au retour sur le plateau, Ashley Kewe livre sa chronique tendances. En plus des sujets présentés à la réunion du matin sur ChatGPT et les activités de rencontre, elle a ajouté un segment sur le déclin des talons hauts. Le deuxième bloc se termine sans anicroche.
Un invité généreux
Il reste moins d’une minute avant le retour en ondes pour le troisième bloc lorsque l’on s’aperçoit qu’une personne n’est pas à son poste. Légère panique en régie! David Pilotte, du SAV, se propose pour la remplacer si elle ne revient pas à temps. Heureusement, l’étudiante se pointe tandis que l’assistant-réalisateur annonce qu’il reste 20 secondes. Ouf!
Sur le plateau, Chloé Corbeil mène l’entrevue avec Jean-François Chaumont. Elle le questionne sur son parcours et son travail. Le diplômé se prête au jeu avec générosité. Le coanimateur, Samuel Potvin, et les chroniqueuses Alicia Miljour et Lili-Jeanne Clouâtre se joignent ensuite à la conversation, y allant de leurs questions pour l’invité. «En 2002, j’étais assis à la même place que vous présentement», souligne ce dernier, soulignant implicitement la pertinence et le caractère formateur d’un tel exercice.
En régie, la réalisatrice Stéphanie Faucher assure le bon déroulement du troisième bloc d’une voix douce, jouant avec son crayon tandis qu’elle mène les opérations. C’est bientôt le temps d’une dernière question et pendant que Jean-François Chaumont y répond, la réalisatrice donne le coup d’envoi au thème musical de l’émission en arrière-plan sonore. Chloé Corbeil conclut l’entrevue et Samuel Potvin prend le relais pour remercier ses collaboratrices et l’équipe de Grasse matinée. Générique. Jasmin Leroux effectue le décompte final. L’émission est terminée et une salve d’applaudissements retentit en régie et dans le studio.
Retour sur l’expérience
«C’est du bon boulot, affirme Mario Rouleau sur le plateau quelques minutes plus tard. Vous serez heureux de visionner le résultat. Cela dit, ça fait plusieurs décennies que je n’ai pas participé à un show avec autant de répétitions. Soyez conscients que dans la vraie vie, on effectue la mise en place et on enregistre.»
«À partir du moment où on a commencé à enregistrer, j’ai senti que vous aviez toutes et tous plus d’énergie. J’ai aussi senti une belle solidarité entre vous. Bravo, je suis fière de vous!», ajoute Eza Paventi.
On immortalise le moment avec une photo de groupe, mais le travail n’est pas terminé. Il reste deux autres émissions à produire dans les prochains jours, deux autres journées à se lever tôt avant de pouvoir véritablement faire la grasse matinée!





