Voir plus
Voir moins

Construire un canot à glace sur grand écran

Le chargé de cours Bruno Boulianne présente son documentaire Machine de rêve à Québec et à Montréal.

Par Pierre-Etienne Caza

7 mars 2025 à 13 h 57

Mis à jour le 11 mars 2025 à 16 h 03

Le cinéaste Bruno Boulianne (B.A. communication, 1994; M.A. communication, 2012) aime aller à la rencontre des gens. Il s’intéresse tout particulièrement à la relation entre l’humain et son territoire. «Je fais du cinéma d’observation», explique le chargé de cours de l’École des médias, qui se consacre au  documentaire depuis plus de 30 ans.

Son plus récent projet, le long métrage Machine de rêve, présenté en première mondiale au Rendez-Vous Québec Cinéma le 26 février dernier, sortira en salle le 14 mars à Québec, Montréal, Sherbrooke et Rimouski. Il raconte l’histoire de deux passionnés de navigation qui construisent ensemble un canot à glace.

Bruno Boulianne roule sa bosse depuis longtemps dans le milieu du cinéma québécois. Il a participé à la Course destination monde Europe-Asie en 1990-1991. Cette année-là, le lauréat est un certain Denis Villeneuve (B.A. communication, 1992) et la troisième place revient à Patrick Masbourian, aujourd’hui animateur de l’émission Tout un matin d’ICI Première à Radio-Canada. L’expérience a été déterminante pour Bruno Boulianne, qui s’inscrit en cinéma à l’UQAM à son retour de la course.

Un projet de fin d’études remarqué

Son premier court métrage documentaire (son projet de fin d’études), Un cirque sur le fleuve (26 minutes, 1993), porte sur Delphis et Monique Duhamel, qui habitent à Deschaillons-sur-Saint-Laurent, sur la rive sud du fleuve, entre Québec et Trois-Rivières. Ces derniers réservent une véritable fête à chaque navire qui croise leur domaine, hissant son pavillon et faisant retentir son hymne national.

Le cinéaste et chargé de cours Bruno Boulianne. Photo: Christian Burruano

Ce film vaut à Bruno Boulianne le prix du Meilleur espoir aux Rendez-Vous du cinéma québécois en 1994, et plusieurs autres mentions à l’international. «Ce court métrage m’a permis d’obtenir une résidence de trois ans à l’Office national du film (ONF), pendant laquelle j’ai réalisé Aviature, en 2000, un moyen métrage documentaire sur la passion du vol chez les pilotes de brousse du Québec, et Des hommes de passage, en 2002, portant sur une émission de radio culturelle qui a existé durant 30 ans à la prison de Bordeaux à Montréal», raconte-t-il.

Après son passage à l’ONF, le diplômé continue sur sa lancée à titre de scénariste, réalisateur et producteur. Depuis, il a réalisé une vingtaine de documentaires et plusieurs dizaines d’heures en séries documentaires pour la télévision.

Une trilogie magnymontienne

Bruno Boulianne signe son premier long métrage documentaire de 75 minutes en 2010. «Bull’s Eye, un peintre à l’affût est consacré à l’artiste peintre Marc Séguin, qui n’était pas très connu à l’époque», précise-t-il. En parallèle, il complète une maîtrise en recherche-création, dont le sujet est une réflexion sur l’écriture de son documentaire.

«Marc Séguin m’a emmené là où il pratique la chasse à l’oie, près de sa maison de l’île aux Oies, en face de Montmagny, se remémore le cinéaste. J’ai fait la connaissance de son ami guide de chasse Gilles Gagné, qui jouait le même rôle auprès du peintre Jean Paul Riopelle, décédé en 2002.» Il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité du réalisateur et semer la graine d’un autre projet qui le mènera à une trilogie documentaire.

En 2017, il réalise ainsi L’homme de l’Isle, un portrait de Gilles Gagné, de son rapport à l’art, à Jean Paul Riopelle et à Marc Séguin. «Gilles a fait des courses de canot à glace pendant 30 ans et j’ai filmé quelques séquences alors qu’il assistait à une course à laquelle prenait part son neveu, Kevin Gagné, autre passionné de course de canot à glace.»

Kevin Gagné a vu le documentaire sur son oncle et a apprécié le regard du documentariste. «Nous discutions du savoir-faire maritime en lien avec les canots à glace, jadis un moyen de transport pour les insulaires durant l’hiver, relate le cinéaste. Kevin me faisait remarquer que de moins en moins de gens étaient capables de fabriquer, de manière traditionnelle, des canots à glace en bois. Aujourd’hui, ils sont tous faits en fibre de verre ou en fibre de carbone.»

En boutade, Bruno Boulianne demande à Kevin Gagné s’il aimerait se faire construire un canot en bois. «Ça fait 10 ans que je veux faire ça!», lui répond du tac au tac l’opérateur de machinerie lourde, qui accepte que le réalisateur filme sa quête, à la condition qu’elle se termine par l’utilisation du canot pour une véritable course. «Kevin avait entendu parler d’une célèbre famille de Montmagny, les Lachance, qui avait dirigé pendant longtemps un chantier maritime. Paul Lachance avait conservé les moules et les gabarits pour construire des canots à glace en bois. Son neveu, Raymond Lachance, a accepté de participer à l’aventure.»

Un film sur la transmission

Le documentaire Machine de rêve, dont le tournage s’est étiré sur une vingtaine de jours répartis sur trois ans (entre 2021 et 2024), a donc comme protagonistes principaux Kevin Gagné et Raymond Lachance. On y voit toutes les étapes de la construction du canot selon les méthodes ancestrales, l’activité suscitant l’intérêt de plusieurs personnes au village, précise Bruno Boulianne.

«La fabrication du canot est un prétexte pour faire découvrir une histoire, une culture et des personnages. Il s’agissait de montrer à l’écran l’importance de la transmission des savoirs entre les générations.»

Bruno Boulianne

Cinéaste et chargé de cours à l’École des médias

Près de 250 personnes ont assisté au baptême du canot dans la baie de Montmagny au printemps 2023.

Un travail d’équipe

Depuis 2019, Bruno Boulianne est chargé de cours à l’École des médias. Ce trimestre-ci, il donne les cours Cinéma documentaire et Atelier de production de film documentaire. «Outre l’importance d’inscrire le cinéma documentaire dans son histoire, au Québec comme à l’international, et d’accompagner les différentes cohortes sur le plan technique, j’insiste beaucoup auprès des étudiantes et étudiants sur une chose: le cinéma est un travail d’équipe», souligne le cinéaste, qui travaille régulièrement avec des personnes rencontrées pendant ses études à l’UQAM. Le montage de Machine de rêve, illustre-t-il, a été réalisé par Vincent Guignard (B.A. science politique, 1992; B.A. communication, 1995).

Le chargé de cours sera présent lors de la sortie de son documentaire au cinéma Le Clap, à Québec, le 13 mars à 19 h 15; à la Cinémathèque québécoise, le 14 mars à 18 h 30; au cinéma Moderne, le 15 mars à 13 h 30; et au cinéma Beaubien, le 16 mars à 14 h. Une discussion suivra chacune de ces projections. Machine de rêve sera également à l’affiche au cinéma Cartier (Québec), au cinéma Paraloeil (Rimouski) et à la Maison du Cinéma (Sherbrooke).

qamutik-affiche-petite-683x1024
Le cargo Rosaire A. Desgagnés.

Du canot au cargo

Bruno Boulianne a réalisé un autre documentaire, Qamutik, le navire du Nordqui sera présenté le 15 mars à 22 h 30 sur ICI Télé. Il s’agit d’un film sur le cargo Rosaire A. Desgagnés, qui dessert les communautés isolées du Nunavik et du Nunavut.