Marie D’Ottavio
(Ph.D. biologie, 2025)
Titre de sa thèse: «Le parasitoïde Trichomalus perfectus: influence du contexte spatial et résistance au froid en vue de lâchers contre le charançon de la silique dans le canola»
Direction de recherche: Éric Lucas, professeur au Département des sciences biologiques et Geneviève Labrie, chercheuse entomologiste, chargée de cours au Département des sciences biologiques.
«J’étais fascinée par les montagnes, les grottes et les insectes, surtout les abeilles. Je voulais devenir apicultrice», raconte Marie D’Ottavio, qui a grandi dans les Alpes françaises. En s’intéressant aux insectes, elle a découvert qu’au-delà de la pollinisation, plusieurs spécimens jouent d’autres rôles, parfois négatifs, comme les insectes ravageurs, ou positifs, comme les agents de lutte biologique.
Lors du récent concours Ma thèse en 180 secondes, auquel elle a participé avec brio le 26 mars dernier, Marie D’Ottavio a présenté au public celui qu’elle appelle affectueusement l’«Agent perfectus», qui est le personnage principal de sa thèse. «Il s’agit de Trichomalus perfectus, une guêpe parasitoïde d’environ 2 millimètres qui s’attaque au charançon de la silique», explique-t-elle.
Accidentellement introduit au Canada, plus précisément à Vancouver, en 1931, le charançon de la silique (Ceutorhynchus obstricus) s’est répandu en Amérique du Nord, causant des dégâts dans les cultures de canola – les larves du charançon dévorent les graines des siliques, fruits du canola. «En Europe, on le connaît depuis longtemps et on sait qu’il est l’hôte de plusieurs parasitoïdes, dont Trichomalus perfectus, qui est particulièrement dominant et efficace pour le neutraliser», précise la chercheuse.
C’est en 2009 que Trichomalus perfectus a été découvert parasitant le charançon de la silique au Québec et en Ontario. Il est toutefois absent des Prairies canadiennes, là où plus de 90 % du canola est cultivé au pays. «Si 25 % des siliques sont trouées dans un champ, on doit pulvériser des insecticides, note Marie D’Ottavio. On veut éviter cela, car ces substances chimiques polluent l’environnement et affectent la biodiversité et la santé humaine. D’où l’intérêt d’utiliser un procédé de lutte biologique.»
Une thèse en trois chapitres
La thèse de Marie D’Ottavio s’inscrivait dans un vaste projet pancanadien visant à introduire Trichomalus perfectus dans les Prairies pour contrôler les populations de charançon de la silique.
Sa thèse comportait trois chapitres distincts. «Le premier visait à évaluer si le paysage agricole des Prairies est adapté à la survie pérenne de Trichomalus perfectus. Comme le parasitoïde est présent au Québec, j’ai recueilli des échantillons dans 6 ou 7 régions où l’on retrouve des cultures de canola, en prenant soin d’analyser l’environnement dans lequel il pouvait survivre et se reproduire.»
Son deuxième chapitre visait à mesurer la résistance au froid de son «Agent perfectus» et la comparer à celle du charançon de la silique. «Certains agents de lutte biologique hibernent à l’intérieur de l’insecte qu’ils parasitent, mais ce n’est pas le cas de Trichomalus perfectus, précise Marie D’Ottavio. Puisqu’il hiberne à l’extérieur, il est soumis aux conditions climatiques. Or, il n’y avait aucune étude sur un parasitoïde adulte hibernant à l’extérieur de son hôte pour l’ordre des Hyménoptères auquel appartient Trichomalus perfectus.»
Les résultats obtenus sont encourageants pour le projet d’introduction de l’«Agent perfectus» dans les Prairies canadiennes, puisqu’il est plus résistant au froid que le charançon de la silique, révèle Marie D’Ottavio. «Trichomalus perfectus peut survivre jusqu’à moins 19 degrés Celsius, tandis que le charançon de la silique survit jusqu’à moins 17 degrés Celsius.»
À l’origine, le troisième chapitre de sa thèse devait porter sur un suivi d’une population de Trichomalus perfectus à la suite d’un lâcher massif dans un champ de canola. «Sauf qu’il n’existe pas d’élevage fonctionnel complet de Trichomalus perfectus alors qu’un lâcher nécessite des milliers d’individus», note-t-elle. La chercheuse a donc réorienté son dernier chapitre, se concentrant plutôt sur les manières d’optimiser les méthodes de collecte de Trichomalus perfectus sur le terrain et de conservation en laboratoire.
«L’ensemble des mes résultats montrent la faisabilité de l’introduction de l’«Agent perfectus» dans les Prairies», indique Marie D’Ottavio.
Le prochain chapitre
Lorsqu’elle effectuait sa maîtrise en France, Marie D’Ottavio a tenté d’obtenir une place dans le laboratoire d’Éric Lucas, mais c’est un autre candidat qui a été sélectionné. «Après ma maîtrise, j’ai effectué de l’animation et de la vulgarisation scientifique pendant trois ans, mais la recherche me manquait. J’ai recontacté Éric Lucas et, cette fois, j’ai été admise au doctorat et obtenu une place dans son labo», raconte-t-elle.
Arrivée à Montréal au printemps 2019, elle a amorcé son projet de recherche l’été suivant. Quelques mois plus tard, la pandémie frappait. «Tout s’est bien déroulé pour moi, mais il a fallu user de débrouillardise pour analyser des échantillons en tenant compte des consignes sanitaires qui restreignaient les accès au laboratoire. Des collègues m’ont donné de fiers coups de main au début de mon projet et je les en remercie.»
Marie D’Ottavio a soutenu sa thèse avec succès en février dernier. «Je retourne à la vulgarisation scientifique au sein d’un organisme qui s’appelle Insectambulant et qui offre des ateliers d’animation dans les écoles primaires du Grand Montréal», annonce-t-elle.
La chercheuse se prépare également à voir les Prairies canadiennes dans la cadre d’un voyage en vanlife qui l’emmènera jusqu’en Colombie-Britannique, puis en Californie et dans le Nord-Ouest des États-Unis avant de revenir au Québec… pour un postdoctorat? «Ah ça, je ne sais pas encore, mais si je suis fidèle à mon cycle d’alternance entre vulgarisation scientifique et recherche, ça pourrait bien se produire!», conclut-elle en riant.