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Questionner la métamorphose des musées et des publics

Ce thème est au cœur d’un séminaire international offert en collaboration avec l’École du Louvre.

Par Claude Gauvreau

8 novembre 2024 à 10 h 30

Pour une septième année consécutive, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées (GREM), dirigé par la professeure du Département de didactique Anik Meunier, s’associe à l’École du Louvre, un établissement d’enseignement supérieur situé au cœur du Palais du Louvre, à Paris, afin de proposer son séminaire doctoral international. Offert en mode virtuel, ce séminaire de recherche et d’enseignement questionne, depuis ses débuts, la double métamorphose des musées et des publics.

«Notre séminaire se veut une plateforme d’échanges et de formation autour de la transformation de la relation entre les musées, qu’ils soient dédiés aux arts, à l’histoire, aux civilisations ou aux sciences, et les publics qui les fréquentent, explique Anik Meunier. Il aborde les recherches menées sur ce thème et analyse les pratiques professionnelles en contexte muséal.» Le séminaire a été lancé en 2018 par Anik Meunier et Jacqueline Eidelman, conservatrice du patrimoine et professeure associée à l’École du Louvre.

«Le séminaire réunit, six fois par année, des étudiantes et étudiants de doctorat et de maîtrise, des chercheuses et chercheurs universitaires ainsi que des professionnels œuvrant dans divers types de musées, en provenance d’Europe, d’Afrique francophone et des Amériques», précise Julie Rose, coordonnatrice du GREM et doctorante en muséologie, médiation et patrimoine. Selon les sujets à l’étude, chaque séance regroupe entre 50 et 200 personnes.

«En un demi-siècle, la connaissance des publics est devenue une question majeure aussi bien pour les chercheuses et chercheurs en muséologie que pour les professionnels des musées.»

Anik Meunier,

Professeure au Département de didactique
Étudier la fréquentation des musées

En décembre 2023, Anik Meunier a codirigé la publication de l’ouvrage collectif Voir autrement. Nouvelles études sur les visiteurs des musées (La Documentation française), qui porte sur les logiques contemporaines de la fréquentation des musées du 21e siècle et dont le contenu est tiré des interventions ayant eu lieu dans le cadre du séminaire international.

«En un demi-siècle, la connaissance des publics est devenue une question majeure aussi bien pour les chercheuses et chercheurs en muséologie que pour les professionnels des musées, rappelle la professeure. Les contributions réunies dans l’ouvrage explorent les nouvelles formes de l’expérience de visite et scrutent les effets de la transition numérique sur l’offre muséale et les usages des publics.» Elles interrogent, par exemple, la place des émotions, de la poly-sensorialité ou de la narration dans la production et la réception des expositions, notamment dans les expositions immersives, tout en approfondissant les notions de participation et d’inclusion des publics.

«L’identité de l’institution muséale a évolué d’une fonction de conservation des œuvres et des objets vers une fonction de conversation avec les publics.»

«L’ouvrage questionne aussi l’identité de l’institution muséale, laquelle a évolué d’une fonction de conservation des œuvres et des objets vers une fonction de conversation avec les publics, souligne Anik Meunier. Cela amène, notamment, des conservateurs de musée à tenir compte du point de vue du public pour concevoir des projets d’exposition.» Cette évolution est souvent associée au tournant communicationnel de la muséologie, initié dans les années 1970, qui place le visiteur, plutôt que les collections et les expositions, au centre de l’attention. «On s’intéresse à la manière dont le visiteur découvre des œuvres et des contenus, selon les thématiques abordées par les musées, ainsi qu’à l’utilisation des technologies d’information pour faciliter les découvertes», indique la professeure.

Des programmes éducatifs

Autre phénomène, le nombre de musées qui offrent des programmes éducatifs à l’intention des publics, notamment des jeunes dans les écoles, s’est accru au fil des ans. On assiste ainsi, depuis quelques années, à l’émergence dans différents pays de projets musée-école qui témoignent de la volonté des milieux muséal et scolaire de collaborer de manière plus étroite.

En 2022, l’école alternative Le Vitrail, à Montréal, a approché le GREM pour documenter l’impact du projet «L’école au musée», consistant à visiter des collections muséales en arts, histoire et sciences Il s’agissait d’examiner la façon dont les visites étaient planifiées par les responsables de l’éducation muséale ainsi que par les enseignantes et enseignants, et comment ceux-ci et leurs élèves s’appropriaient ces lieux culturels que sont les musées. Cinq établissements ont participé au projet: le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée de la santé Armand-Frappier, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Planétarium d’Espace pour la vie et la Fondation PHI.

Musées engagés et publics participatifs

En 2024-2025, le séminaire portera sur le thème «Musées engagés et publics et publics participatifs». La première rencontre aura lieu le 14 novembre prochain, alors que cinq autres sont prévues entre janvier et mai 2025.

«C’est la troisième année consécutive que le séminaire aborde cette thématique, note Anik Meunier. Son programme concerne, notamment, les perspectives décoloniales, les expositions consacrées au respect des droits humains, à la préservation et la restitution de biens culturels, ou aux enjeux environnementaux, un thème d’actualité pouvant être abordé aussi bien par un musée d’art que de sciences. Tous ces sujets induisent de nouvelles pratiques muséales.»

Dans quelle mesure, le «musée citoyen» est devenu une réalité ? A quel régime de valeurs correspond sa philosophie d’action et comment se matérialise-t-il? Quelles grilles d’analyse permettent de circonscrire les réussites et les limites d’un musée qui se veut inclusif et participatif ? Ces questions figurent aussi au programme de cette septième édition du séminaire, laquelle est organisée par Anik Meunier, Jacqueline Eidelman, Mathias Blanc, de l’Université du Luxembourg, André Delpuech, chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l’École du Louvre, et Julie Rose.

Le séminaire donnera lieu, enfin, à une journée d’études qui se déroulera à Toronto, les 3 et 4 juin 2025, dans le cadre du congrès de la Société canadienne de l’étude de l’éducation. «Ces dernières années, des journées d’études se sont aussi tenues à Paris (2022), à Montréal (2023) et à Rome (2024), ce qui a permis d’élargir le rayonnement du séminaire et d’accroître le nombre de ses participantes et participants», relève Julie Rose.