Quelles sont les différentes facettes du développement urbain qui favorisent une cohabitation harmonieuse entre les voitures, les vélos et les piétons? Sur quoi repose la personnalité d’un quartier? Quels sont les ingrédients pour développer une ville à échelle humaine où chacun trouve sa place? Pour répondre à ces questions, le Cœur des sciences a mis sur pied la balade Le bonheur est dans la ville, animée par le candidat à la maîtrise en études urbaines Charles Frenette-Cyr (B.A. urbanisme, 2024). D’une durée de deux heures, l’excursion a réuni une vingtaine de personnes, le 20 août dernier, malgré les risques de pluie, et les a conduites dans les arrondissements de Rosemont–La-Petite-Patrie et du Plateau-Mont-Royal.
Les membres du groupe avaient rendez-vous à la sortie de la station de métro Rosemont, autrefois un stationnement municipal. «Je vous ai réunis ici, dit Charles Frenette-Cyr, parce que cet emplacement illustre bien une notion centrale en urbanisme, celle de mixité des fonctions. Celle-ci consiste à intégrer plusieurs usages dans un îlot de quartier – transport collectif, pistes cyclables, logements, commerces, bureaux, équipements culturels –, contribuant à créer un environnement urbain plus durable et de meilleure qualité.»
Ainsi, le parvis de la station de métro a été réaménagé en 2022 afin d’offrir un nouvel espace public pour les résidents du quartier et d’enrichir un projet de logements sociaux pour aînés. En effet, directement au-dessus de la station, l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) a construit un nouvel immeuble de 10 étages qui, depuis 2023, abrite des bureaux ainsi que 193 logements pour des personnes âgées à faible revenu.
À deux pas de la station de métro, sur le boulevard Rosemont, l’étudiant attire l’attention du groupe sur la bibliothèque publique Marc-Favreau et son architecture moderne et lumineuse. Inaugurée en 2013, elle a été nommée en hommage au comédien Marc Favreau, connu pour son incarnation du personnage de Sol, un clown attachant qui aimait particulièrement jouer avec les mots. Aujourd’hui, la bibliothèque est devenue un lieu de rassemblement offrant un milieu de vie enrichissant à la communauté du quartier.
Mixité sociale
Le groupe se déplace à l’arrière de la bibliothèque, dans une sorte de cour intérieure verdoyante protégée du bruit de la circulation routière. On y trouve, entre autres, un petit terrain de jeux et des bancs publics. «Tout autour, les balcons d’édifices résidentiels surplombent la cour et favorisent les contacts humains, observe Charles Frenette-Cyr. Cet espace vivant, qui inclut une résidence pour personnes âgées, une coopérative d’habitation, des logements sociaux et quelques condos, nourrit la mixité sociale.»
D’un pas alerte, les participantes et participants se dirigent ensuite plus au nord vers la rue des Carrières (près de Saint-Denis), dont le nom rappelle que de nombreuses carrières étaient situées de part et d’autre au 19e siècle et dans le premier tiers du 20e siècle. «Ces carrières dont on extrayait la pierre grise, caractéristique de nombreux édifices montréalais et de vieilles maisons bourgeoises, ont cessé leurs activités dans les années 1930», rappelle l’étudiant. Une piste de jogging longe aujourd’hui la voie ferrée adjacente.
Un trésor naturel
La randonnée se poursuit jusqu’au Champ des Possibles, un espace vert naturel d’environ 9 000 m2 au sud de la voie ferrée du Canadien Pacifique, entre les rues Henri-Julien et de Gaspé, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. «Le terrain sur lequel se trouve le Champ des Possibles servait pour le triage ferroviaire, de la fin du 19e siècle jusque dans les années 1980, avant d’être laissé en friche», raconte l’animateur de la balade. Plusieurs déversements de matières dangereuses sont survenus au fil des ans, contaminant les sols.
«Entendez-vous le son des criquets?, demande l’étudiant. On ne les voit pas, mais ils sont partout. Le Champs des possibles constitue maintenant un écosystème où règne la biodiversité.» On y dénombre plusieurs essences d’arbres, quelque 300 espèces végétales et animales, dont des mouffettes, des renards et des faucons pèlerins.
Si la nature y a repris ses droits, c’est grâce à la mobilisation citoyenne, poursuit Charles Frenette-Cyr. Progressivement, les citoyens du quartier se sont approprié le terrain en le nettoyant et en l’entretenant, en y aménageant des jardins et des potagers, et en y organisant des concerts. Depuis 2013, le terrain est géré par l’organisme communautaire Les Amis du Champ des Possibles, lequel a démontré qu’il est possible de réinventer l’utilisation de friches industrielles abandonnées.
«Un site comme celui-là, véritable oasis de fraîcheur, c’est précieux sur les plans social, environnemental et de la santé physique et mentale», souligne l’animateur.
Le mouvement Retour à la ville
Un peu plus loin, à l’angle des rues Henri-Julien et Maguire, les membres du groupe font une halte dans un îlot de verdure ombragé et entouré de logements, dont une partie est occupée par un jardin communautaire. Charles Frenette-Cyr profite de l’occasion pour parler du mouvement Retour à la ville, faisant référence à un phénomène observé dans plusieurs pays industrialisés, où des gens sont retournés vivre dans les centres-villes après une période de déclin marquée par l’essor des banlieues et le tout à l’auto.
Le mouvement Retour à la ville a été particulièrement notable dans les années 1980 et 1990, précise le candidat à la maîtrise. De nombreux quartiers centraux ont alors connu une revitalisation grâce à des politiques de rénovation urbaine, de conservation du patrimoine et de réhabilitation des artères commerciales. «Beaucoup de gens souhaitaient vivre à proximité de leur lieu de travail, être moins dépendants de la voiture et bénéficier de divers types de services offerts en milieu urbain, notamment en matière de loisirs.»
L’univers des ruelles
Malgré la pluie qui s’est mise à tomber, le groupe continue sa randonnée dans le Plateau Mont-Royal, jusqu’aux embouchures de deux ruelles séparées par une artère. «Laquelle est la plus attrayante, selon vous?», demande Charles Frenette-Cyr. «Sûrement pas celle à gauche, répond un participant. On n’y trouve que des espaces de stationnement remplis de voitures, alors qu’on aperçoit des arbres et de la verdure dans l’autre.»
Parmi les quelque 4 000 ruelles de la métropole, plus de 400 sont des ruelles vertes. Leurs caractéristiques? Un couvert végétal aérien pour éviter de marcher au soleil, des fleurs et des plantes à l’intérieur et à l’extérieur des cours arrière, sans compter les potagers, qui participent de l’agriculture urbaine. Grâce aux programmes de verdissement chapeautés par l’administration municipale, des arrondissements ou des écoquartiers, ces ruelles permettent d’apaiser la circulation routière, d’installer du mobilier urbain, de planter divers végétaux, tout cela afin de lutter contre les îlots de chaleur, d’améliorer la gestion des eaux fluviales et de mettre un peu de beauté dans la ville.
Très populaires aujourd’hui, les ruelles ont pourtant eu longtemps la réputation d’être mal aimées des Montréalais. Sales et peu sécuritaires, elles servaient surtout de lieux de transit. Il a fallu attendre les années 1960 et la destruction de nombreux hangars pour que s’effectuent les premières opérations de réaménagement. «Les ruelles sont un élément emblématique de Montréal, des lieux de vie et de rencontres, remarque l’étudiant. Peu de villes dans le monde en sont dotées.»
La balade se termine à l’entrée nord de la station de métro Laurier (rue Laurier). Cela permet de boucler la boucle. Encore une fois, la mixité ici est à l’honneur. «Nous nous trouvons sur une place publique bordée d’arbres et de végétation, dit Charles Frenette-Cyr, avec une piste cyclable à proximité, des bancs pour faire une halte et un marché fermier offrant des produits frais et locaux entre mai et novembre. Aujourd’hui, je vous ai présenté un tout petit aperçu de la vie en ville. N’hésitez pas à arpenter les rues de votre quartier, à l’affût de nouvelles découvertes.»
Il est maintenant 19 h 30. Sous les parapluies, tout le monde applaudit et félicite Charles Frenette-Cyr pour sa présentation dynamique.
D’autres balades seront organisées d’ici la fin octobre. Pour connaître la programmation, on visite le site web du Cœur des sciences.