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Prendre soin du care

Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le travail du care sont au cœur d’un colloque international à l’UQAM.

Par Claude Gauvreau

17 juin 2024 à 13 h 28

Le professeur du Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM Angelo Soares est le principal responsable du colloque international Qui prend soin? Care et pandémie dans une perspective transnationale, qui aura lieu au pavillon J.-A. De Sève (DS-R510) les 19 et 20 juin prochains. Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le travail du care seront au centre des discussions.

Selon Angelo Soares, «la pandémie a mis en lumière l’importance du travail du care, un travail difficile et souvent invisible, tout en révélant le manque de reconnaissance dont il fait l’objet dans notre société.» Le care renvoie autant à la disposition des individus – sollicitude, attention à autrui, réconfort – qu’aux multiples activités, rémunérées ou non, visant à répondre aux besoins de l’autre ainsi qu’au contexte social et économique dans lequel se nouent la relation d’aide et le lien social.

«Le care consiste à soigner la vie et ne se limite pas aux soins médicaux prodigués par les professionnels œuvrant au sein du système de santé, souligne le professeur. Une gardienne d’enfant à la maison, un aidant naturel qui subvient aux besoins d’un proche vulnérable, un agent de libération conditionnelle qui aide des personnes délinquantes à réintégrer la société ou une intervenante communautaire qui soutient des femmes victimes de violence conjugale accomplissent tous des tâches associées au care

Le colloque réunira 32 spécialistes de diverses disciplines en sciences sociales, provenant du Canada, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, du Brésil et de la Colombie. Ils présenteront les résultats d’un projet de recherche international portant sur le rétablissement, le renouveau et la résilience dans un monde postpandémique. Ce projet, auquel collabore Angelo Soares, a été sélectionné dans le cadre d’un appel international de propositions lancé en 2021 par la Plateforme transatlantique, fruit d’une collaboration entre des organismes subventionnaires de recherche en sciences sociales d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Amérique du Sud.

«Une gardienne d’enfant à la maison, un aidant naturel qui subvient aux besoins d’un proche vulnérable, un agent de libération conditionnelle qui aide des personnes délinquantes à réintégrer la société ou une intervenante communautaire qui soutient des femmes victimes de violence conjugale accomplissent tous des tâches associées au care

Angelo Soares,

Département d’organisation et ressources humaines

«Notre recherche, qui est toujours en cours, vise à comprendre comment le travail du care a été affecté par la pandémie et comment on peut éviter de répéter les mêmes erreurs dans l’avenir, dit Angelo Soares. Elle est menée dans six pays ayant des cultures et une économie du care différentes, ce qui permet des comparaisons entre le Nord et le Sud.» Le premier axe explore comment différents types de familles ont fait face aux défis imposés à la fois par les besoins habituels en matière de soins et par les demandes croissantes pendant la pandémie. Le deuxième évalue les conditions d’emploi, la santé et le bien-être, avant et pendant la pandémie, en englobant la diversité des groupes professionnels qui entrent dans la définition des travailleurs du secteur des soins. Le troisième axe porte sur les réponses des États à la pandémie à travers l’analyse des infrastructures des systèmes de soins et des politiques qui leur sont liées. Enfin, le quatrième axe se concentre sur les différentes formes de vulnérabilité et le rôle de l’action collective pour les surmonter, au moyen d’études qualitatives menées dans différentes métropoles.

Surcharge et manque de ressources

Le colloque abordera les impacts de la crise sanitaire sur les réseaux de soins et d’aide, en particulier sur leurs bénéficiaires et sur les personnes soignantes et aidantes. «Personne n’était préparé à faire face à une telle crise, rappelle le chercheur. La pandémie a entraîné une surcharge de travail dans plusieurs secteurs du care, tout en révélant le manque de ressources pour répondre à des besoins grandissants. Les droits de certains groupes de travailleurs ont été touchés, comme ce fut le cas des travailleuses domestiques, lesquelles ne pouvaient plus avoir accès à leur lieu de travail en raison des mesures de confinement.»

Les compressions budgétaires des dernières années, au Québec notamment, ont eu des incidences sur la capacité de s’adapter à la crise sanitaire. Les conséquences de ces compressions ont été importantes pour les personnes ayant besoin de soins et d’aide à domicile, qui ont été privées de services et se sont retrouvées isolées socialement, ou pour les personnes âgées dans les CHSLD et les résidences privées. Il faut aussi mentionner la suspension de toute une série de traitements qui n’ont pas pu être fournis, entre autres dans le cas de maladies graves.

«Dans certains pays, comme le Canada, la France et la Colombie, l’État s’est déchargé d’une partie de ses responsabilités sur le secteur communautaire ou associatif, dont les ressources humaines et financières étaient pourtant déjà limitées.»

Reconstruire l’organisation des soins

Comment reconstruire une organisation de soins et de services robuste et plus résiliente en tirant des leçons d’initiatives innovantes dans différents pays? Cette question sera aussi à l’ordre du jour.

Pour désigner le care, on utilise souvent l’image du diamant avec ses multiples faces, illustrant le fait que les soins et services d’aide peuvent être offerts par l’État, le secteur privé, le milieu communautaire et la famille. «La pandémie a mis en lumière le désengagement de l’État, le sous-financement des services publics, la privatisation des ressources et le manque criant de personnel, relève Angelo Soares. Dans certains pays, comme le Canada, la France et la Colombie, l’État s’est déchargé d’une partie de ses responsabilités sur le secteur communautaire ou associatif, dont les ressources humaines et financières étaient pourtant déjà limitées.»

Des initiatives intéressantes ont tout de même été prises sur les plans politique et législatif, note le professeur. «Au Brésil, par exemple, la gestion catastrophique de la pandémie a entraîné la mise sur pied, au sein de l’appareil gouvernemental, d’un département de l’économie du care ainsi que d’un secrétariat national de la politique du care et de la famille dans le cadre d’un ministère dédié au développement et à l’assistance sociale. Des lois ont également été adoptées pour mieux protéger les droits des travailleurs et travailleuses du care

Le colloque fera état, par ailleurs, d’un projet de recherche sur les possibilités de dialogue entre différents acteurs – politiciens, gestionnaires, syndicats et autres groupes représentant les travailleurs et travailleuses du care – pour développer des stratégies en vue d’une transformation structurelle du système de soins dans divers pays.

Pour connaître la programmation du colloque et pour s’inscrire, on visite le site web de l’événement.