Voir plus
Voir moins

Motivation au travail: pas une question de salaire!

Jacques Forest poursuit ses travaux axés sur la théorie de l’autodétermination.

Par Pierre-Etienne Caza

29 août 2024 à 11 h 35

Mis à jour le 4 septembre 2024 à 10 h 40

Le professeur du Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM Jacques Forest a donné un peu plus de 630 conférences sur le bonheur et la motivation au travail depuis son embauche. Il guide ses différents publics, ici et à l’international, à travers les arcanes de la théorie de l’autodétermination, axée sur les besoins psychologiques fondamentaux que sont l’autonomie, l’appartenance et le sentiment de compétence. «Chaque fois, je rencontre des personnes qui me disent qu’elles auraient aimé connaître cette théorie plus tôt», raconte-t-il.

Intervenant apprécié des médias, Jacques Forest vient de cosigner un article sur l’impact du salaire sur la motivation, le bien-être et la performance au travail dans le Scandinavian Journal of Psychology. «La première autrice est Anja H. Olafsen, professeure en Norvège, qui avait réalisé un stage doctoral à l’UQAM à l’hiver 2014, précise-t-il. Nous collaborons depuis de nombreuses années pour réaliser des études sur la motivation au travail et la théorie de l’autodétermination.»

Des chiffres tangibles

À partir d’un échantillon de 593 travailleuses et travailleurs norvégiens, cet article confirme ce que d’autres études du professeur Forest ont révélé: en matière de motivation et de bien-être au travail, le salaire ne prédit à peu près rien. «En revanche, voir ses besoins d’autonomie, de compétence et d’appartenance satisfaits a un effet colossal. Le plaisir qui en découle mène au bien-être et le sens mène à la performance», observe-t-il.

L’une des critiques fréquemment formulées à l’endroit des études sur la théorie de l’autodétermination est l’utilisation de données auto-rapportées, notamment par rapport à la rémunération. Or, cette enquête se base sur des chiffres objectifs, souligne Jacques Forest. «L’équipe de recherche a eu accès aux salaires exacts des répondantes et répondants. Ainsi, nous avons pu croiser ces données tangibles avec les données auto-rapportées sur leurs perceptions, leurs motivations et leur satisfaction au travail.»

Même s’il intègre la théorie de l’autodétermination dans ses cours depuis de nombreuses années, Jacques Forest constate qu’elle a peu percolé au sein des cursus universitaires en administration. «Quand j’essaie d’expliquer la pertinence de la théorie à quelqu’un, comme cela m’est arrivé dans un congrès de management à Chicago, il y a deux semaines, je me fais souvent répondre que l’autodétermination, c’est bon pour l’éducation des enfants ou la motivation dans les sports, mais pas en business…»

Un best-seller

Le professeur ne baisse pas les bras et poursuit ses recherches, convaincu que les mentalités finiront par évoluer. Il se réjouit à cet égard d’avoir vendu plus de 5 000 copies de l’ouvrage Libérer la motivation avec la théorie de l’autodétermination (Édito), qu’il a cosigné avec des collègues en 2022. Celui-ci a été traduit en anglais et publié en mai dernier chez Amsterdam University Press, sous le titre The ABC of Work Motivation [NDLR: ABC pour autonomy, belongingness, competence].

Prendre soin de ces trois besoins est payant pour les organisations, observe Jacques Forest. «Il faut former nos gestionnaires pour qu’elles et ils puissent satisfaire les besoins d’autonomie, d’appartenance et de compétence de leurs employés. En ce sens, l’article que nous venons de publier se veut une conversation additionnelle militant en faveur de la compréhension de ces facteurs innés et universels qui influencent la motivation au travail.»