Une lueur d’espoir existe pour les parents dont les enfants souffrent de la maladie de Krabbe, une maladie mortelle pour laquelle il n’existe pas encore de remède. Nicole Dion, grand-maman de Louis, décédé en 2016 de cette maladie alors qu’il était âgé de trois ans et demi, mène une recherche avec la professeure du Département des sciences biologiques Catherine Mounier sur les effets d’une diète cétogène enrichie en huile de coco suivie par son petit-fils. «Cette diète n’a pu empêcher le décès de Louis, mais elle a permis d’améliorer son état général et de prolonger son espérance de vie», souligne Catherine Mounier, une spécialiste du métabolisme des lipides.
Pour effectuer la recherche, la professeure et Nicole Dion ont obtenu une subvention d’une durée de trois ans dans le cadre du programme de sciences participatives Engagement du Fonds de recherche du Québec (FRQ). Ce programme, qui en est à sa quatrième année, permet à des citoyennes et citoyens de proposer une idée de recherche et de la réaliser en collaboration avec un chercheur ou une chercheuse. «Avec sa fille Lynda-Marie (la maman de Louis), Nicole Dion a élaboré une diète cétogène enrichie en huile de coco et elle veut comprendre son mécanisme d’action: comment et pourquoi ce régime a eu des effets positifs sur l’état de santé de son petit-fils, explique Catherine Mounier. Elle souhaite également que d’autres enfants atteints de la maladie de Krabbe profitent de cette diète, tout en espérant convaincre des pédiatres de ses bienfaits.»
La maladie de Krabbe est une maladie neurodégénérative rare, dite orpheline. Elle est causée par une accumulation de lipides toxiques dans le cerveau, qui entraîne la mort des cellules dites myélinisantes chargées d’assurer la bonne circulation de l’information au sein du système nerveux central. L’information circulant mal, les muscles, le cœur et le système respiratoire ne peuvent plus fonctionner correctement, provoquant le décès de l’enfant atteint après avoir entraîné différents symptômes: raideur, difficulté à s’alimenter, retard de croissance, cécité, surdité…
Un enfant sur 250 000 dans le monde souffre de la maladie de Krabbe, dont les premiers symptômes apparaissent vers l’âge de 6 mois. La plupart des enfants qui en sont atteints décèdent avant l’âge de deux ans, le plus souvent en raison d’une insuffisance respiratoire ou de complications liées à une perte totale de mobilité et à une diminution marquée du tonus musculaire. «Un des seuls traitements existants consiste en une transplantation de la moelle osseuse, mais il faut que qu’elle se fasse avant l’âge de 6 mois, observe Catherine Mounier. L’intervention arrive généralement trop tard et le taux de succès demeure peu élevé. On traite aussi les enfants avec des antiépileptiques et on les nourrit par sonde en raison de leurs problèmes de déglutition.»
Des progrès importants
Le petit Louis avait une espérance de vie de six à huit mois quand il a reçu son diagnostic. Refusant ce verdict, Nicole Dion et sa fille Lynda-Marie ont lu tout ce qu’elles ont pu trouver sur la maladie. Au fil de leurs recherches, elles sont tombées sur des articles démontrant l’effet bénéfique d’une diète dite cétogène, sur les symptômes de maladies neurodégénératives. «Elles ont alors élaboré cette diète très faible en glucides (sucre) mais riche en lipides (gras), qu’elles ont enrichie d’huile de coco, laquelle contient des acides gras à chaînes moyennes bénéfiques pour la santé métabolique», indique la chercheuse.
«En Angleterre, une petite fille a maintenant atteint l’âge de trois ans et demi et sa qualité de vie est supérieure à ce qu’elle était avant qu’elle ne suive la diète. Le régime semble avoir un effet bénéfique sur l’épilepsie, sur sa motricité et sur sa capacité d’interagir avec son entourage. Il s’agit maintenant de comprendre pourquoi.»
Catherine Mounier,
Professeure au Département des sciences biologiques
Même si la maladie a malheureusement fini par avoir le dessus, Louis a réalisé d’importants progrès à partir du moment où il a suivi la diète. Le petit garçon, qui était devenu totalement apathique, n’avait plus besoin de sonde et d’antiépileptiques. Il avait pu retrouver partiellement la vue et une partie de sa motricité, et était parvenu à sourire à ses parents et à comprendre certaines choses.
«La diète cétogène est utilisée depuis près de 100 ans pour soigner des pathologies telles que l’épilepsie», rappelle Catherine Mounier. Ces dernières années, elle a gagné en popularité en tant que méthode rapide pour perdre du poids. On a également recours au régime cétogène pour améliorer les symptômes du diabète de type 2 et des maladies cardiovasculaires.
La maman de Louis a mis sur pied la Fondation Le tout pour Loo et a créé un site web. Plusieurs enfants atteints de la maladie de Krabbe suivent désormais une diète cétogène enrichie à l’huile de coco. «En Angleterre, par exemple, une petite fille a maintenant atteint l’âge de trois ans et demi et sa qualité de vie est supérieure à ce qu’elle était avant qu’elle ne suive la diète, note la professeure. Le régime semble avoir un effet bénéfique sur l’épilepsie, sur sa motricité et sur sa capacité d’interagir avec son entourage. Il s’agit maintenant de comprendre pourquoi.»
Évaluer le protocole de diète
Au cours de la première phase de la recherche, Catherine Mounier et Nicole Dion analyseront l’évolution de l’état de santé des enfants atteints de la maladie de Krabbe à partir des dossiers médicaux mis à leur disposition par les parents. Elles évalueront également le protocole de diète, appelé «le protocole de Loo», que la mère de Louis a déjà partagé avec de nombreux parents à travers le monde.
«Nous analyserons les pourcentages de lipides, de sucre et d’huile de coco contenus dans la diète ainsi que leurs effets sur l’état de santé des enfants, en identifiant les principaux signes d’amélioration, précise Catherine Mounier. Une diète cétogène traditionnelle et une diète cétogène additionnée d’acides gras provenant de l’huile de coco, similaire à celle suivie par Louis, seront élaborées en vue d’être testées sur des souris atteintes de cette même maladie.»
En parallèle, des groupes de discussion seront organisés avec des parents d’enfants ayant suivi le protocole de Loo ainsi qu’avec des membres de fondations à travers le monde mises sur pied par des parents ou grands-parents d’enfants atteints de la maladie de Krabbe.
«Il est important d’avoir des discussions avec des pédiatres afin d’évaluer les possibilités que la diète soit intégrée à des protocoles de traitement.»
Enfin, des rencontres sont prévues avec deux pédiatres: la Dre Geneviève Bernard, du Centre universitaire de santé McGill, et la Dre Maria Escobar, de l’Université de Pittsburgh, une spécialiste de la maladie de Krabbe ayant une formation en nutrition, avec laquelle les parents et grands-parents de Louis étaient en contact quand celui-ci a commencé sa diète. «Il est important d’avoir des discussions avec ces médecins afin d’évaluer les possibilités que la diète soit intégrée à des protocoles de traitement», relève la chercheuse.
Expérimentations sur des souris
La deuxième phase de la recherche sera consacrée à des expérimentations sur des souris mâles et femelles porteuses de la même mutation que les enfants atteints. Les souris seront soumises à différents régimes: une diète standard (contrôle) avec sucre, une diète cétogène sans sucre avec des lipides issus d’huile d’olive et de lard et une diète cétogène enrichie en acides gras provenant de l’huile de coco.
«Nous évaluerons l’espérance de vie des souris et l’évolution de leur comportement, comme la locomotion et les tremblements démontrant un dysfonctionnement des nerfs périphériques», note Catherine Mounier.
Partage des résultats
Durant la troisième phase, Catherine Mounier et Nicole Dion partageront les résultats de la recherche concernant les effets de la diète. Un rapport sera produit à l’intention des parents d’enfants qui suivent déjà le protocole de Loo ainsi que les pédiatres. Le rapport sera ensuite diffusé sur les réseaux sociaux reliant entre eux les parents d’enfants atteints de la maladie de Krabbe.
«Nicole Dion et moi-même présenterons les fruits de nos travaux à la conférence annuelle du réseau KrabbeConnect, qui se déroule aux États-Unis et qui réunit des parents et des chercheurs, dit la professeure. Enfin, nous continuerons de participer aux activités de la Fondation Le tout pour Loo, qui vise à récolter des fonds pour soutenir la recherche.»
De nouvelles demandes de financement seront aussi soumises à des organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux ainsi qu’auprès du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines – Fondation Courtois (CERMO-FC), auquel Catherine Mounier est rattachée.
La professeure ne cache pas son optimisme. «Beaucoup reste à faire pour comprendre les impacts du protocole de Loo, mais nous sommes sur la bonne voie. Chose certaine, Nicole Dion s’avère une collaboratrice essentielle. Cette recherche constitue vraiment mon projet coup de cœur.»