Avec son terrain de baseball, sa piscine, son court de tennis et ses modules de jeux pour enfants, le parc Pie-XII de Saint-Léonard ressemble, à première vue, à n’importe quel autre parc municipal. À quelques mètres de ces installations se trouve toutefois une attraction qui sort de l’ordinaire: l’entrée de l’un des principaux joyaux souterrains du Québec, la caverne de Saint-Léonard.
Formée il y a environ 15 000 ans, cette caverne est unique au monde par son origine glaciotectonique, c’est-à-dire qu’elle a été formée grâce au poids et aux déplacements de la calotte glaciaire qui recouvrait alors l’île de Montréal, et non par l’action de l’eau qui dissout le calcaire, comme c’est le cas pour la grande majorité des cavernes. Découverte au début du 19e siècle, elle a été aménagée pour le public au tournant des années 1980 et a obtenu le statut de patrimoine naturel régional en 1989. La découverte de nouvelles galeries en 2017 a fait passer les dimensions de la caverne de 40 mètres à plus de 400 mètres. «Ce joyau demeure malgré tout méconnu de la grande majorité de la population», constate Olivier Caron, professeur au Département de géographie.
Par un beau mercredi matin d’octobre, le professeur avait invité les étudiantes et étudiants de son cours Reliefs et structures terrestres à visiter la caverne. Ce cours de première année au baccalauréat en géographie se veut une introduction à la géomorphologie, c’est-à-dire qu’il présente les principaux événements géologiques responsables des grands reliefs du globe, particulièrement ceux du Québec. «En plus de la caverne de Saint-Léonard, nous faisons des expéditions au mont Royal, dans les basses-terres du Saint-Laurent et en Beauce», précise le professeur.
Des roches de 450 millions d’années
Pour cette visite, Olivier Caron est accompagné de deux sommités dans le domaine: le professeur associé du Département de géographie Jacques Schroeder et le spéléologue Daniel Caron [NDLR: Daniel et Olivier Caron n’ont pas de lien de parenté]. Durant la première heure, les trois experts expliquent au groupe l’origine de la grotte. Puis, nous enfilons nos casques de spéléologie munis d’une lampe frontale. «Le casque est essentiel, non parce qu’il vous protégerait si le plafond de la caverne venait à s’effondrer, mais parce que certains passages sont si étroits que vous risquez de vous cogner la tête», prévient Daniel Caron en rigolant.
Le spéléologue nous ouvre l’entrée de la caverne, barrée par deux cadenas qui visent autant à assurer la sécurité des passants trop curieux qu’à éviter le vandalisme – des dommages ont été causés aux murs de la grotte il y a quelques années.
Nous entrons dans la partie de la caverne connue avant 2017, d’une longueur de 40 mètres. Olivier Caron attire notre attention sur la roche qui forme les murs du souterrain. «Le calcaire date d’il y a 450 millions d’années, affirme le professeur. Par sa granulométrie fine, on peut en déduire qu’il a été formé par l’accumulation de sédiments, comme des squelettes d’animaux marins, dans un environnement océanique calme, chaud et peu profond.»
Lors de la formation du mont Royal, il y a quelque 120 millions d’années, les roches sédimentaires ont été injectées de magma, qui s’est infiltré par des fractures ou entre les strates. «Dans la caverne, on peut observer la nette ligne de démarcation entre le calcaire qui n’a pas été injecté par le magma et le filon-couche de magma», note Olivier Caron.
Signe de sécheresse
Le professeur nous invite ensuite à explorer les galeries découvertes après 2017. Le groupe doit toutefois se scinder en deux. Pour s’y rendre, nous devons ramper à travers d’étroits passages, où le casque prend toute son utilité! Certains passages sont glissants, et un faux pas causerait une chute de quelques mètres. Heureusement, une corde fixée à la roche nous permet de conserver notre équilibre.
Au bout de ces passages étroits se trouve une immense galerie, au plafond beaucoup plus haut que celui de la caverne historique. «Nous nous trouvons présentement à six mètres sous le niveau du sol, explique Jacques Schroeder, qui accompagne notre sous-groupe. Nous avons les pieds au sec aujourd’hui, mais il y a 40 ans, nous aurions eu de l’eau jusqu’à la poitrine. Cela démontre la sécheresse qui frappe les eaux souterraines du Québec depuis quelques décennies.»
Bien que la caverne s’étale encore sur quelques centaines de mètres, notre visite se termine dans cette galerie. Jacques Schroeder nous invite à regarder le reste des passages au loin. «Pour y accéder, il faut y aller soit à la nage, soit en canot!», conclut le professeur associé.
Des visites éducatives de la caverne sont organisées par Spéléo Québec tous les étés. Cette année, la saison se termine le 27 octobre.