Le Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec a publié au cours de l’été deux avis qui ont été soumis au ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs Benoit Charrette (B.A. histoire, 2000). Le professeur du Département des sciences économiques de l’ESG UQAM Charles Séguin siège à ce comité depuis l’an dernier.
En juillet, le comité a soumis au ministre un avis portant sur l’ensemble de l’action gouvernementale concernant la lutte contre les changements climatiques. «Cet avis contient six recommandations principales – et des sous-recommandations pour chacune – dans une perspective de décarbonation, précise Charles Séguin. En ce moment, les politiques gouvernementales visent l’atteinte de l’objectif de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour 2030, soit une réduction de 37,5 % par rapport aux niveaux de 1990 au Québec. Nous tentons de voir à plus long terme: que doit-on mettre en place pour atteindre l’objectif de carboneutralité annoncé pour 2050?»
Il s’agit d’ailleurs du libellé de la première recommandation, qui vise à «mettre en œuvre davantage de changements structurels pour que la trajectoire des émissions de GES sur le territoire du Québec soit alignée sur l’objectif de décarbonation complète». «Il faudrait, par exemple, accélérer les investissements dans les domaines de la mobilité durable, de l’aménagement du territoire, de l’efficacité énergétique et du développement de l’énergie renouvelable, illustre Charles Séguin. Il faudrait aussi rendre tous les ministères et organismes responsables de développer et de déployer une stratégie de décarbonation compatible avec les objectifs nationaux.»
«Développer de nouveaux outils de gouvernance pour accroître l’efficacité de l’action gouvernementale» constitue la deuxième recommandation. «Cela passerait notamment par l’élaboration d’une stratégie de budget carbone dans le cadre de la révision de la cible 2030, ceci afin de pouvoir évaluer des jalons intermédiaires et non seulement les résultats en fin de parcours, explique le chercheur. Il serait aussi indiqué d’avoir des plans climat à l’échelle régionale et locale afin d’impliquer des acteurs à une échelle de gouvernance de plus grande proximité.»
Accentuer le recours à l’écofiscalité
La troisième recommandation stipule de majorer la tarification carbone et d’accentuer le recours à l’écofiscalité. «Il faudrait favoriser plus de réduction de GES au Québec, car en ce moment, une part importante de nos réductions se réalisent via le marché du carbone chez notre partenaire californien. En complément, il faudrait accroître l’importance des mesures écofiscales par l’indexation des mesures actuellement en vigueur», observe Charles Séguin.
La quatrième recommandation touche à l’adaptation: les experts suggèrent d’accroître les efforts d’adaptation pour rendre plus résilients tous les secteurs de la société et les écosystèmes naturels.
Intégrer l’équité de façon transversale dans les politiques climatiques figure à titre de cinquième recommandation. «Plus nous irons vers une réduction importante des émissions de GES, plus il y aura des effets potentiels importants chez certains groupes socioéconomiques, note Charles Séguin. Il faudra réfléchir à des manières de compenser ces impacts négatifs.»
Enfin, la dernière recommandation vise à accélérer la mobilisation de l’ensemble de la société pour favoriser la généralisation de modes de vie compatibles avec la décarbonation et un développement résilient au climat. «Pour cela, il faut des moyens pour favoriser l’introduction de nouvelles normes sociales par des méthodes participatives nouvelles ou des campagnes de sensibilisation. L’État est plus crédible sur ces questions quand il fait lui-même preuve d’exemplarité», souligne le professeur.
Se préparer pour les étapes plus difficiles
Si le Québec fait les choses dans le bon ordre, il s’attaquera d’abord aux réductions de GES les plus faciles à réaliser, analyse Charles Séguin, et cela implique de se préparer à l’avance pour les dernières étapes, plus difficiles. «Il ne faut pas sous-estimer la préparation en amont que va nécessiter cette décarbonation parce que les dernières émissions nettes à éliminer seront celles pour lesquelles il sera plus difficile de trouver des substituts ou des changements de comportements permettant de les éliminer», explique-t-il.
Le Québec est toutefois bien positionné par rapport à d’autres sociétés nord-américaines pour effectuer tous les changements liés à la décarbonation, ne serait-ce qu’en raison de notre réseau énergétique basé sur l’hydroélectricité, estime le professeur.
Et les inondations?
Difficile de ne pas aborder la question des inondations et des infrastructures avec l’expert, quelques semaines après les inondations du 9 août dernier. «Une partie de la réponse proviendra de la gestion des infrastructures, mais l’autre proviendra des changements de certains modes de vie, observe Charles Séguin. Certains experts ont prôné d’interdire les sous-sols. Il faudrait, à tout le moins, développer des aménagements de sous-sol moins vulnérables aux inondations modérées, ne serait-ce que dans l’entreposage des biens.»
Il est à noter, précise Charles Séguin, qu’un comité distinct de celui auquel il siège a été créé pour traiter uniquement des questions d’adaptation liées aux changements climatiques.
Un avis sur le marché du carbone
Le Comité consultatif sur les changements climatiques a émis le 28 août dernier un autre avis, celui-là sur le Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE) qui, depuis 2013, détermine la tarification carbone au Québec dans un marché lié à celui de la Californie. À la demande du ministre Charette, le comité a examiné le fonctionnement du SPEDE et formulé des recommandations pour améliorer sa performance dans un contexte d’urgence climatique accrue. Charles Séguin a participé à la présentation technique de cet avis auprès des médias.