À titre de Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, le professeur du Département des sciences juridiques Bernard Duhaime présentait son premier rapport à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 21 octobre dernier. «Les processus de justice transitionnelle doivent répondre efficacement aux défis contemporains tels que la violence transnationale, les violations des droits humains commises à grande échelle et le négationnisme», a-t-il déclaré.
Visant la réconciliation, la reconstruction sociale et la stabilité politique, la justice transitionnelle concerne les mesures mises en œuvre dans des sociétés qui passent d’un régime autoritaire ou d’une situation de conflit violent à une démocratie ou une situation de paix.
«Les violations massives des droits humains résultant du terrorisme, de la migration, des crimes environnementaux, de la corruption et du crime organisé causent d’énormes souffrances et menacent d’alimenter les cycles de violence, a souligné Bernard Duhaime. Ces phénomènes doivent être pris en compte lors de la conception et de la mise en œuvre des mesures de justice transitionnelle afin de prévenir efficacement leur récurrence.»
Avec de multiples conflits armés internationaux en cours dans le monde et plusieurs formes de violations graves des droits humains et du droit humanitaire qui ont des répercussions au-delà des frontières, il est essentiel d’examiner et de développer les meilleures pratiques générales pour la justice transitionnelle dans les contextes transnationaux, observe le juriste, nommé au poste de Rapporteur spécial en avril dernier.
Bernard Duhaime note également la nécessité de confronter les défis croissants du négationnisme et du révisionnisme des violations passées des droits humains, exacerbés par la prévalence des médias sociaux, de l’intelligence artificielle et de la transmission de fausses informations. «Le déni des violences passées constitue une violation active des droits humains et un indicateur fort de violences futures, mais les États n’y ont pas fait face de manière adéquate. Les réponses doivent être compatibles avec les normes internationales et les objectifs de la justice transitionnelle.»
À titre de Rapporteur spécial, Bernard Duhaime a l’intention d’élaborer une stratégie globale pour mieux intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans les processus de justice transitionnelle afin de contribuer à la prévention, à la paix et au développement. «Cela peut contribuer à débloquer les problèmes sociétaux systémiques en examinant les symptômes des conflits et en s’attaquant à leurs déterminants sous-jacents, notamment l’accès inégal aux droits économiques, sociaux et culturels», explique-t-il.
Bernard Duhaime annonce vouloir étudier l’application des politiques de justice transitionnelle aux premiers stades de la transition. «De telles mesures sont généralement conçues après qu’une société a fait la transition d’un conflit ou d’un régime autoritaire, précise-t-il. Cependant, dans certains cas, les concevoir à un stade plus précoce pourrait accroître leur efficacité, notamment en intégrant de tels mécanismes dans les négociations de paix, en garantissant une documentation complète des violations en cours et en exploitant le potentiel de ces processus pour mettre fin à la violence en cours.»
Il s’agit d’une quatrième intervention devant l’Assemblée générale des Nations Unies pour le professeur Duhaime, qui s’était adressé aux États à titre de membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’ONU de 2014 à 2021.
Un agenda bien rempli
Dans le cadre de son mandat de Rapporteur spécial, qui s’échelonnera jusqu’en 2030, Bernard Duhaime doit remettre et présenter un rapport par année au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a présenté son premier rapport au Conseil des droits de l’homme le 12 septembre dernier.
Depuis le printemps dernier, Bernard Duhaime a procédé à titre de Rapporteur spécial à différentes communications officielles en lien avec son mandat auprès de pays comme l’Argentine, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, les Pays-Bas, l’Italie et l’Australie ainsi qu’auprès du Saint-Siège.
Avec ses collègues Rapporteurs spéciaux, il a cosigné des communications officielles des Nations Unies touchant différentes causes spécifiques en Tunisie, en Australie, au Pérou, en Israël et à Gaza, notamment.
Son mandat l’amène également à prononcer des conférences sur divers enjeux, comme ce fut le cas le 30 septembre dernier au ministère des Affaires étrangères et de l’Europe, au Quai d’Orsay, à Paris, ainsi que devant la Commission nationale des droits humains de Corée, à Séoul, le 30 juin dernier. D’autres conférences se sont déroulées par visioconférence, notamment avec les Pays-Bas, le Salvador et l’Éthiopie.
Il fut également appelé à titre de témoin expert lors de l’audience sur la commémoration en Argentine par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, à Genève, le 17 septembre, et à l’audience sur le thème de la justice transitionnelle et la mémoire de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le 11 juillet.