Entre 8 % et 14 % des hommes de la diversité sexuelle consomment de la métamphétamine, contre 0,1 % chez les personnes hétérosexuelles. Mieux connue sous le nom de crystal meth, la métamphétamine est une drogue synthétique utilisée principalement pour augmenter la libido et l’intensité des relations sexuelles. La pratique qui consiste à consommer en contexte sexuel de la métamphétamine – ou, dans une moindre mesure, d’autres drogues synthétiques comme le GHB ou la kétamine – se nomme chemsex ou Party and Play (PNP). «Certaines personnes de la communauté LBGTQ+ peuvent avoir des expériences de chemsex qui s’échelonnent sur plus de 48 h, sans dormir, avec plusieurs partenaires différents», mentionne le doctorant en travail social Yannick Gaudette (M.A. travail social, 2021).
La métamphétamine procure un certain plaisir: elle permet d’explorer sa sexualité, d’entrer en contact plus facilement avec l’autre et d’avoir le sentiment de faire partie d’une communauté. Ce plaisir est toutefois éphémère. «La drogue peut amener des troubles de santé mentale comme l’anxiété, la dépression et la psychose, souligne le doctorant, qui est aussi chercheur à la Chaire sur les personnes de la diversité sexuelle et de genre et leurs trajectoires de consommation de substances psychoactives (TRADIS). Elle peut aussi causer une forte dépendance et avoir des impacts négatifs sur les relations, le sommeil, le rythme cardiaque et la capacité de travailler.»
Un spectre d’émotions
Yannick Gaudette a été sensibilisé aux enjeux du chemsex durant sa maîtrise. «Le chemsex est une pratique stigmatisée, qui occasionne beaucoup de solitude», affirme le doctorant. Pour sa thèse doctorale, réalisée sous la direction du professeur Jorge Flores-Aranda, il a choisi de ne pas aborder la pratique elle-même, mais plutôt les émotions qui y sont associées. «Lorsque l’on se place du point de vue des émotions, on se rend compte qu’il n’y a pas une si grande différence entre les personnes qui font du chemsex et celles qui n’en font pas», mentionne-t-il.
Son projet de recherche suit le parcours d’une dizaine de personnes qui ont pratiqué ou qui pratiquent encore le chemsex. Après une première rencontre visant à développer un lien de confiance, Yannick Gaudette leur a proposé de prendre des photos (de nature non pornographique) qui représentent leurs émotions durant leur pratique. «Les photos ont permis d’illustrer que les participants ne vivent pas seulement du plaisir ou de la honte, mais passent par tout un spectre d’émotions», note le doctorant.
Vingt-neuf photos prises par les participants ont été sélectionnées pour faire partie de l’exposition PnP/chemsex: un spectre d’émotions. Organisée en partenariat avec la chaire TRADIS, l’organisme Cri de ralliement, l’Institut universitaire sur la dépendance et Fierté Montréal, l’exposition se tiendra du 1er au 4 août, à la salle Le Réflectoire de l’Esplanade Tranquille. Le lancement aura lieu le 1er août, de 18 h à 20 h.
Réalisée sous la méthode photovoix, qui utilise la photo comme prise de parole, l’exposition a généré quelques perles. «Par exemple, un participant a pris des photos d’objets significatifs à différents moments entre 2016 et aujourd’hui, illustre Yannick Gaudette. On peut suivre tout son parcours lié au chemsex: ses débuts, ses premières tentatives d’arrêt, ses rechutes. La dernière photo montre sa vie actuelle, qui est remplie par autre chose que la drogue et la sexualité. C’est à mon avis l’une des œuvres les plus réussies de l’exposition.»