L‘exposition collective Le septième pétale d’une tulipe-monstre termine sa tournée canadienne à la Galerie de l’UQAM après avoir été présentée à la Maison des artistes visuels francophones, à Saint-Boniface, au Manitoba, et à la Galerie Louise-et-Reuben-Cohen, à l’Université de Moncton. Commissariée par l’autrice et travailleuse culturelle Élise Anne LaPlante (M.A. histoire de l’art, 2022), l’exposition est centrée sur le corps en mutation comme acte d’autodéfinition et d’émancipation, tel qu’il se déploie dans les pratiques de 10 artistes féministes et queers.
Comment les différentes formes de normativité régissent-elles nos corps? En quoi une recherche dans l’imaginaire corporel révèle-t-elle les tensions générées par des états transitoires ou circulatoires? Face à ces questions, l’exposition donne à voir des pratiques artistiques qui font place à des revendications de corps hybrides, indécis, métamorphosés.
En percevant, par exemple, les textures du corps chez une femme éléphant ou une femme grenouille, ou dans l’affect d’une pilosité, les œuvres présentées à la Galerie proposent des perspectives et des expériences qui ne sont pas minées par les mécanismes de domination et le primat de la raison, qui privilégient des connaissances somatiques et sensibles.
Des œuvres hybrides
Travaillant à partir d’une position féministe, Caroline Boileau crée des œuvres hybrides au moyen de l’installation, du dessin, de la vidéo et de la performance. Les multiples représentations du corps, celui de la femme en particulier, est un thème récurrent dans sa recherche, inspirée par l’histoire de l’art, de la médecine, des sciences et par l’actualité.
Mimi Haddam interroge le rapport entre la forme et la matière ainsi que la porosité entre le corps et ses environnements. Par une écriture axée sur le corps et les affects, elle témoigne du pouvoir de transformation de l’expérience sensible et de son impact sur l’identité à la fois intime et collective.
Artiste, écrivaine et éducatrice, Daze Jefferies a recours à des archives, à des objets trouvés sur la plage, à des documents queer éphémères, à des histoires racontées à voix haute. Elle crée des contre-histoires diluées, disséminées ou dissimulées sur des personnes riveraines, qu’elles soient queer, trans ou travailleuses du sexe.
Ikumagialiit est un quatuor d’artistes féministes de performance, composé de Laakkuluk Williamson Bathory, Cris Derksen, Jamie Griffiths et Christine Tootoo. Par la musique, la lumière, la voix, et l’action, le groupe adopte la métaphore de la baleine boréale afin d’explorer des pratiques inuites de méditation et de développer des aptitudes spirituelles.
D’origine colombienne, Helena Martin Franco s’intéresse au métissage de différents procédés artistiques et à l’hybridation entre techniques traditionnelles et nouvelles technologies. Dans ses autofictions, elle explore la perméabilité des frontières entre les identités culturelles, nationales et de genre. Ses propositions artistiques participent au dialogue sur la violence sexiste, l’immigration et la censure artistique.
Dominique Rey est une artiste multidisciplinaire dont les œuvres récentes portent sur la complexité et l’ambigüité de la relation mère-enfant. Les notions de présence et d’absence, d’attachement et de désir sont au cœur de sa recherche, brouillant les frontières corporelles et psychiques qui unissent mère et enfant.
Par sa pratique du dessin et du collage, l’artiste torontoise Winnie Truong embrasse l’animation, le numérique, l’art public et l’engagement communautaire. Son travail propose la perspective fabulée d’une naturaliste féministe, décortiquant des entités mi-flore et mi-faune qui l’entourent.
Créolisation et identité
La Galerie accueille également Espaces imprévisibles, une exposition de Stanley Wany, finissant à la maîtrise en arts visuels et médiatiques. Portée par les mouvements de pensée sur l’identité noire, l’exposition s’enracine dans l’écosystème culturel des Antilles et se veut un lieu de «créolisation».
La notion de créolisation, popularisée par l’auteur martiniquais Édouard Glissant, est à l’origine d’un processus littéraire qui renvoie à l’entrecroisement de cultures. Stanley Wany aborde ce concept à travers le parcours de vie de son grand-père maternel, Albert Gibbs, né d’un père originaire de Trinité-et-Tobago et d’une mère franco-haïtienne.
Présentant des images d’archives et des objets trouvés dans une installation, qui allie le dessin, la sculpture et des médiums issus des anciennes plantations coloniales, Stanley Wany met l’accent, dans l’exposition, sur l’expérience et la résilience des communautés noires des Amériques.
La pratique multidisciplinaire de Stanley Wany, qui comprend aussi la peinture et le roman graphique, explore les mythes identitaires et culturels. Ses œuvres ont été présentées au Canada, en Australie, aux États-Unis, en Finlande, en France et au Portugal. Helem, son plus récent roman graphique paru en 2021 chez Conundrum Press, est l’aboutissement de plus de sept ans de recherches et d’expérimentations.
Dans le cadre de la série L’art observe, la Galerie invite le public à une rencontre avec Stanley Wany, le 22 novembre, de 17 h 30 à 18 h 30, en présence de l’artiste Michèle Magema. À cette occasion, l’étudiant parlera de sa démarche artistique ainsi que de ses recherches entreprises durant son parcours à la maîtrise.
Les deux expositions se déroulent jusqu’au 20 janvier 2024.