Ergonome et généticienne de renommée internationale, la professeure émérite du Département des sciences biologiques Karen Messing est la lauréate 2021 du Prix Leo Panitch du meilleur livre, qui récompense le meilleur ouvrage en études canadiennes sur le travail et le syndicalisme. La chercheuse a été honorée pour son livre Bent out of Shape: Shame, Solidarity and Women’s Bodies at Work (BTL Books, Toronto), traduit en français par Geneviève Boulanger sous le titre Le deuxième corps. Femmes au travail, de la honte à la solidarité (éditions Écosociété). L’ouvrage a fait l’objet d’une recension dans le quotidien français Le Monde ainsi que dans le magazine Télérama. Enfin, une traduction en coréen est en cours pour la maison d’édition Narumbooks (Séoul).
Le Prix Leo Panitch est décerné par l’Association canadienne d’études du travail et du syndicalisme (ACÉS). Cette association professionnelle est destinée aux chercheuses et chercheurs intéressés par les enjeux du travail et du syndicalisme, et par tout ce qui touche la situation des travailleuses et des travailleurs.
Karen Messing s’intéresse depuis longtemps à la façon dont les différences biologiques entre les femmes et les hommes sont prises en compte dans les milieux de travail. Les femmes sont encore trop souvent considérées comme le «deuxième sexe»: leur corps, leurs tâches, leur rôle social sont relégués au second plan. Blagues sexistes et avances déplacées, outils inappropriés et maladies professionnelles: que peut-on faire pour améliorer les conditions des travailleuses? Dans son ouvrage, la professeure présente ses recherches auprès de techniciennes en télécommunications, de travailleuses de la santé, de caissières d’épicerie ou encore de camionneuses. Elle livre également ses réflexions sur le sexe biologique et l’identité de genre, en résonnance avec celles de Simone de Beauvoir. «Nous devons nous libérer de la honte qui porte sur notre corps et ses “différences”, écrit Karen Messing. Et, surtout, il faut trouver des façons de nous protéger mutuellement et de nous entraider dans notre lutte pour un milieu de travail mieux adapté à notre corps et à notre vie.»
Membre de l’Ordre du Canada, la professeure a consacré sa carrière à l’étude de la santé au travail. En 1985, avec sa collègue Donna Mergler, elle fonde le Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE), dont les travaux sont axés sur une approche écosystémique de la santé. Karen Messing contribue aussi à la mise sur pied, en 1993, du groupe de recherche L’invisible qui fait mal, qui vise à révéler le caractère pénible de certaines tâches accomplies par les femmes (vendeuses, serveuses, caissières) et à leur donner des outils pour revendiquer leurs droits en santé et sécurité au travail.
En 1993, la chercheuse est la première femme issue des sciences naturelles à recevoir un prix de l’ACFAS, le prix Jacques-Rousseau en recherches interdisciplinaires. L’année suivante, elle est nommée «Femme de mérite» par le YWCA de Montréal. En 2009, elle compte parmi les lauréates du Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire «personne», lequel rend hommage à des personnes ayant contribué à promouvoir l’égalité des femmes. Elle a remporté, en 2014, le William P. Yant Award de l’American Industrial Hygiene Association (AIHA), décerné à une personne résidant à l’extérieur des États-Unis qui a contribué de manière exceptionnelle à l’amélioration de la santé au travail.
Karen Messing a publié d’autres ouvrages portant sur le sujet du travail des femmes, dont La santé des travailleuses. La science est-elle aveugle? (éditions du Remue-Ménage, 2000) et Les souffrances invisibles. Pour une science du travail à l’écoute des gens (éditions Écosociété, 2016).