
Illustration: Michel Garneau
Journaliste un jour, journaliste toujours… même à la retraite. C’est le cas du professeur associé de l’École des médias Antoine Char qui, en octobre dernier, avec 11 autres journalistes retraités – des anciens de Radio-Canada et du Devoir, pour la plupart –, a créé un nouveau site web d’information: En retrait. Cette plateforme propose, chaque mois, une dizaine d’articles, accompagnés d’illustrations ou de caricatures, afin de disséquer l’actualité d’ici et d’ailleurs.

Photo: Antoine Char
«J’ai pris ma retraite au début de la pandémie, mais je ne pouvais pas rester inactif très longtemps, c’est dans mon ADN», raconte Antoine Char, qui a travaillé, notamment, au quotidien Le Jour, à l’Agence France-Presse, à La Presse canadienne et au journal Le Devoir. «Pourquoi ne pas réunir d’anciens journalistes nés au temps de l’imprimerie et qui, comme moi, ont encore envie d’écrire et de réfléchir à l’actualité avec un certain recul? J’ai lancé l’idée, comme on lance une bouteille à la mer, et une dizaine de journalistes retraités ont répondu à l’appel.»
Le groupe s’est réuni sur Zoom en septembre dernier et la première édition d’En retrait est parue en octobre. «Nous venons de lancer l’édition de janvier et nous espérons que l’aventure se poursuivra le plus longtemps possible», dit le professeur associé.
Les membres de l’équipe d’En retrait
L’équipe est composée des anciens journalistes suivants: Antoine Char, Michel Bélair, Marie-Josée Boucher, Jean-Claude Bürger, Pierre Deschamps, Guy Gendron, Dominique Lapointe, Claude Lévesque, Louiselle Lévesque, Gilbert Lévesque, Daniel Raunet et Serge Truffaut.
Les illustrations sont signées par Michel Garneau (Garnotte), Catherine Saouter, professeure associée à l’École des médias, et Christian Tiffet.
Des sujets diversifiés
L’équipe d’anciens journalistes propose des articles sur des sujets d’actualité diversifiés, lesquels concernent, entre autres, la politique nationale et internationale, la science, l’environnement, la culture, le sport et des phénomènes de société.
Le numéro de janvier, par exemple, présente une entrevue avec le professeur du Département d’histoire Yves Gingras, membre du groupe d’experts sur la préservation de la liberté académique dans les universités, mis sur pied par le ministère québécois de l’Enseignement supérieur. L’historien des sciences y défend bec et ongles le rapport du groupe et sa principale recommandation: l’adoption d’une loi pour protéger et promouvoir la liberté universitaire. On trouve aussi un article sur la lutte contre la désinformation, un texte intitulé «Les États-Unis en déclin, vraiment?», un autre sur les rapports entre science et pouvoir dans le contexte de la démission d’Horacio Arruda, un autre encore sur le faible taux de participation aux élections municipales et provinciale au Québec.
L’objectif poursuivi par l’équipe d’En retrait consiste à décortiquer l’actualité en la couvrant avec plus de profondeur, car le fait de de ne pas être soumis à la pression quotidienne du deadline, de ne pas être emporté par le perpétuel emballement médiatique donne le temps de réfléchir et permet de prendre le recul nécessaire pour mieux analyser les enjeux complexes.
«Nous renouons avec les plaisirs de la lenteur, lance Antoine Char. Comme dit l’écrivain tchèque Milan Kundera, la lenteur, c’est la mémoire et la vitesse, c’est l’oubli.»
Les articles sur le site En retrait ne sont pas des papiers d’humeur ou des coups de gueule, comme on en trouve beaucoup dans certains médias traditionnels et sur les réseaux sociaux. «Ce sont des textes d’opinion, de 1 000 mots environ, documentés, basés sur des faits, qui comportent des éléments d’analyse et qui sont le fruit d’un travail de recherche», souligne le professeur associé.
Recruter des femmes
L’équipe entend recruter davantage d’ex-femmes journalistes – elle n’en compte que deux pour le moment – ainsi qu’une personne pouvant couvrir la scène politique québécoise, alors que les élections approchent à grands pas. «Nous voulons être un peu plus nombreux, mais pas trop, observe Antoine Char. Nous ne souhaitons pas reproduire une salle de rédaction avec 30 ou 40 personnes.»
Il n’y a pas de rédacteur en chef ou de chef de pupitre au sein de l’équipe. «Nous fonctionnons de manière collégiale et chaque membre y va de ses propositions de sujets, en fonction de ses centres d’intérêt. Personnellement, je m’occupe de la mise en page et je commets à l’occasion des articles.»
Toujours rattaché à l’École des médias, Antoine Char a été responsable du programme de bac en journalisme et a dispensé pendant plusieurs années les cours «Journalisme et société», «Atelier d’écriture journalistique» et «Initiation à l’écriture journalistique». En septembre dernier, il a monté le site pourquoi.media, auquel ont collaboré des étudiants. Il fait également de la recherche en participant à la revue Les cahiers du journalisme, publiée par l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, et par l’Université d’Ottawa.
Le professeur associé a codirigé ou dirigé la publication des ouvrages collectifs La quête de sens à l’heure du Web 2.0 (2010), La révolution Internet (2009) et Born in the USA. Les médias québécois sous influence? Il est aussi l’auteur, entre autres, de La guerre mondiale de l’information et de Comme on fait son lead, on écrit. Tous ces ouvrages sont parus aux Presses de l’Université du Québec.