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Décès du professeur émérite Jean-Marc Piotte

Figure importante de la pensée politique au Québec, le professeur s’est éteint à l’âge de 81 ans.

Par Claude Gauvreau

14 février 2022 à 14 h 02

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 09

Jean-Marc Piotte
Photo: Émile Tournevache

L’UQAM a perdu la semaine dernière l’une de ses figures intellectuelles majeures. Le professeur émérite du Département de science politique Jean-Marc Piotte, qui a enseigné à l’Université pendant 35 ans, s’est éteint à l’âge de 81 ans.

«Jean-Marc Piotte était  une personnalité forte, souligne le directeur du Département de science politique Jean-Guy Prévost. Tout le monde reconnaissait qu’il était un intellectuel de grande envergure. Il avait consacré les dernières années de sa carrière de chercheur à la rédaction d’un ouvrage intitulé Les grands penseurs du monde occidental, paru chez Fides en 1997. Devenu un classique, cet essai a rencontré un large écho dans le monde de l’enseignement en science politique et en philosophie.»

Né à Montréal en 1940, Jean-Marc Piotte a fait des études de philosophie à l’Université de Montréal, avant d’obtenir un doctorat en sociologie à la Sorbonne, à Paris. Embauché à l’UQAM en 1970, il participe à la fondation du syndicat des professeurs (SPUQ), dont il sera l’un des présidents. Le SPUQ était le premier syndicat de professeurs accrédité en milieu universitaire et affilié à une grande centrale syndicale, la CSN. Jean-Marc Piotte a aussi été vice-président de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ).

Un intellectuel de gauche

Le politologue a toujours été un intellectuel engagé. Durant les années 1960 et 1970, il est l’un des principaux représentants de l’intelligentsia de gauche au Québec. En 1963, il est membre du comité fondateur de la célèbre revue Parti pris et s’implique par la suite dans divers mouvements sociaux et politiques, tels que le Mouvement de libération populaire et le Parti socialiste du Québec. Il milite également dans les rangs de la CSN et collabore à la création de la revue d’orientation marxiste Chroniques, puis de la revue À Bâbord dans les années 2000.

Au cours des années 1980, période marquée par la montée du néolibéralisme, la fin des illusions à l’égard du socialisme et la première défaite référendaire au Québec, Jean-Marc Piotte prend ses distances à l’égard de la pensée marxiste. «En 1979, je publie Marxisme et pays socialistes et cette étude m’amène à remettre en question le marxisme et ses solutions pour transformer la société. Il faut juger l’arbre à ses fruits, dit-on, et c’est ce que j’ai fait», déclarait-il dans une entrevue publiée en 2002 dans le journal L’UQAM.

Parallèlement à son engagement militant, le professeur émérite mène un travail de réflexion faisant de lui une figure majeure de la pensée politique au Québec. Il est l’auteur d’une quinzaine d’essais, dont La pensée politique de Gramsci (Anthropos, 1970), traduit en espagnol, en portugais, en japonais et en arabe, Le syndicalisme de combat (Albert Saint-Martin, 1977), Sens et politique (VLB, 1990), Les neuf clés de la modernité (Québec Amérique, 2001), Les nouveaux visages du nationalisme conservateur au Québec (Québec Amérique, 2012) et La Révolution des mœurs. Comment les baby-boomers ont changé le Québec (Québec Amérique, 2016).

Dans un article paru dans Le Devoir, le 12 février dernier, le philosophe Normand Baillargeon (ancien professeur de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM) soulignait que Jean-Marc Piotte se distinguait par son ouverture au débat d’idées. «Il n’est jamais resté enfermé dans une lecture dogmatique de la société. C’est quelqu’un qui est resté très attentif aux mutations sociales.» En 2011, les deux hommes ont dirigé la publication de l’ouvrage intitulé Le Québec en quête de laïcité (Écosociété).

Depuis peu, une bourse d’excellence à l’UQAM, d’une valeur de 15 000 dollars, porte le nom de Jean-Marc Piotte. «Créée grâce à la générosité d’une donatrice désirant conserver l’anonymat, cette bourse vise à récompenser l’excellence d’une étudiante ou d’un étudiant inscrit au programme de doctorat en science politique, qui souhaite faire une thèse internationale comparative», précise Jean-Guy Prévost.