Il y a en moyenne un vendredi 13 tous les 212 jours. Certaines années peuvent en compter seulement un, alors que d’autres peuvent en avoir jusqu’à trois, selon la façon dont tombent les jours de la semaine et les mois. En cette journée associée aux superstitions, certains vous diront d’éviter de vous marier, d’acheter une maison ou de conclure une transaction importante en affaires si vous ne souhaitez pas attirer la malchance!
Que l’on y croit ou non, cette journée a vu son lot d’événements tragiques au cours des siècles. C’est un vendredi 13 que des membres de l’Ordre du Temple ont été emprisonnés et torturés par le roi Philippe Le Bel de France, en 1307, qu’un avion s’est écrasé dans les Andes, en 1972, qu’a eu lieu l’assassinat du célèbre rappeur Tupac Shakur, en 1996, et qu’ont été commis les attentats terroristes de Paris, en 2015. On peut même dire que la pandémie de COVID-19, au Québec, a commencé un vendredi 13, en mars 2020!
Si le vendredi 13 a une connotation particulière en Amérique du Nord et dans certains pays européens, son association avec la malchance n’est pas universelle. «En Chine, le 13 est un nombre neutre, c’est plutôt le 4 qui est un chiffre maudit, souligne Nicolas Boissière, étudiant au doctorat et chargé de cours au Département de sciences des religions. En Italie, le nombre 13 est au contraire un signe de prospérité, alors que le 17 porte malheur.»
Depuis l’Antiquité
L’association négative entre la journée du vendredi et le nombre 13 a plusieurs sources, rappelle le chercheur. «Dans l’Antiquité, le nombre 13 était synonyme de chaos et de désordre, puisqu’il venait immédiatement après le 12, un nombre harmonieux qui référait aux 12 dieux de l’Olympe, aux 12 travaux d’Hercule ou aux 12 mois d’une année, explique Nicolas Boissière. Quant au vendredi, c’était la journée où l’on exécutait les condamnés à mort.»
Le vendredi et le 13 ont tous deux une symbolique chargée dans la religion chrétienne. Judas, qui a trahi Jésus, était la 13e personne à table lors de la Cène, et le Christ a été crucifié un vendredi.
Dans la culture populaire, la carte 13 du tarot de Marseille – l’Arcane 13 –, illustrée par un squelette qui tient une faux, représente la mort. «La série de films Vendredi 13 a aussi contribué à associer la journée au malheur», mentionne le chercheur.
En revanche, le vendredi 13 peut, chez certaines personnes, avoir une connotation positive. «Si l’on reprend l’exemple de l’arcane 13, cette carte peut aussi incarner le changement, le renouveau», explique Nicolas Boissière. D’autres croient carrément que la journée porte chance. «La Française des jeux, la loterie nationale en France, profite de cette journée pour offrir une cagnotte très élevée – plus de 13 millions d’euros – et ainsi attirer plus de joueurs», affirme le chercheur.
Superstitions versus religions
Éviter de passer sous une échelle, de briser un miroir, de croiser un chat noir… Les superstitions sont un ensemble de croyances et de pratiques qui poussent certaines personnes à tenter de contrôler leur capacité d’agir et d’influer le cours de leur destin, rappelle Nicolas Boissière. Et elles sont souvent mal vues par les religions. «Dans la Rome antique, la superstitio, soit le fait de porter un culte à des divinités dans un cadre non officiel, était opposée à la religio, qui s’exerçait dans un cadre officiel, rappelle le chercheur. Les Romains ont d’ailleurs interdit le druidisme, considéré comme une superstition liée au désordre.»
Cette vision s’est perpétrée au Moyen-Âge. Thomas d’Aquin, entre autres, considérait la superstition comme un vice contraire à la vertu religieuse.
À l’époque moderne, le terme, contraire au rationalisme, est encore perçu de façon péjorative. «D’un point de vue psychologique, les superstitions de sportifs qui répètent les mêmes gestes rituels avant chaque partie pourraient s’apparenter à un trouble obsessionnel-compulsif», note Nicolas Boissière.
Le doctorant réfute l’idée que certaines personnes croient dur comme fer aux superstitions du vendredi 13 alors que d’autres n’y croient pas du tout. «Le fait d’adhérer à une croyance, qu’elle soit de l’ordre de la religion, de la superstition ou du complotisme, est un processus complexe et dynamique, souligne Nicolas Boissière. Les personnes croyantes vont quand même se questionner, avoir des doutes, être sceptiques. À l’inverse, pour reprendre la célèbre expression de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada à propos de la sorcellerie et du surnaturel, on y croit toujours plus qu’on ne croit!»