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La nouvelle sur le tremblement de terre de magnitude 3,9 survenu le 17 mai dernier au matin s’est propagée sur les réseaux sociaux presque aussi rapidement que les ondes sismiques. Après analyse des données, les experts ont localisé l’épicentre à quelques kilomètres de la municipalité de l’Épiphanie, dans la région de Lanaudière. «Bon an mal an, il se produit une centaine de tremblements de terre au Québec, mais la vaste majorité d’entre eux ne franchissent pas 3,0 sur l’échelle de Richter et ne sont pas ressentis par les gens», rappelle Fiona Ann Darbyshire.
La professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère donnait à la session d’hiver le cours Introduction à la géodynamique et la tectonique globale, au cours duquel elle explique à ses étudiantes et étudiants de premier cycle les notions de base sur la tectonique des plaques en sol canadien. «Au Québec, il y deux principales régions sismiques: la vallée du Saint-Laurent, dont la zone la plus active est Charlevoix-Kamouraska, ainsi que l’ouest du Québec, c’est-à-dire principalement la région de l’Outaouais, mais cela englobe également la région des Laurentides et Lanaudière, explique-t-elle. Les tremblements de terre qui se produisent dans ce secteur, comme celui du 17 mai, peuvent affecter les zones urbaines de Montréal et d’Ottawa-Gatineau.» Une troisième zone touche l’estuaire du Saint-Laurent, entre la Côte Nord et le Bas Saint-Laurent.
Le b.a.-ba d’un tremblement de terre
Un tremblement de terre, rappelle Fiona Ann Darbyshire, est le résultat d’un mouvement brusque de deux blocs de roc le long d’une faille située en profondeur dans l’écorce terrestre. Le risque de ressentir des secousses est lié à la magnitude du séisme – la quantité d’énergie émise par les roches des plaques qui se brisent – mais aussi à la distance, à la profondeur, au type de faille et au type de sol.
Les témoignages qui ont circulé sur les réseaux sociaux le 17 mai dernier faisaient état d’un «boum»; plusieurs personnes croyaient qu’un camion avait percuté leur maison. «La perception d’un séisme dépend de plusieurs facteurs, rappelle Fiona Ann Darbyshire. Elle varie selon le mouvement sur la faille et la transmission des ondes, qui interagissent avec les roches, les sols et les bâtiments. C’est assez fréquent d’entendre un son comme celui qui a été décrit ce matin-là.»
Le type de sol modifie la perception des séismes. «Sur un sol composé de roches dures, qui transmettent bien les ondes sismiques, mais qui sont plus stables, on ressentira moins les secousses que sur un sol de sédiments non consolidés. À l’est d’Ottawa, par exemple, une région se caractérise par son sol argileux. S’il survenait un tremblement de terre important, il est probable que les gens de ce coin-là ressentiraient davantage les secousses, car les sédiments sont un peu comme du jello! Mais tout cela dépend aussi de la qualité de construction des bâtiments et de leur hauteur.»
Ondes de pression et ondes de cisaillement
Le Réseau sismographique canadien est composé d’environ 125 postes gérés par Ressources Naturelles Canada, auxquels s’ajoutent également des sismographes utilisés par d’autres organisations, notamment des institutions universitaires ou scolaires. «Par exemple, le tremblement de terre du 17 mai a été enregistré par le sismographe numérique situé depuis 1995 au sous-sol du collège Jean-de-Brébeuf, à Montréal», note Fiona Ann Darbyshire, qui nous en a fait parvenir les relevés.
«Ce que les sismographes enregistrent en premier, ce sont les ondes de pression, c’est-à-dire les oscillations parallèles à la direction de propagation de l’onde à partir du point de rupture de la faille, explique la spécialiste. Il y également les ondes de cisaillement, qui sont des oscillations perpendiculaires aux ondes de pression et qui sont de plus grande amplitude.» Ce sont ces dernières, ainsi que les ondes de surface qui surviennent quelques instants plus tard, qui causent les plus grandes secousses et les mouvements du sol.
«Les protocoles d’urgence s’enclenchent dès que l’on enregistre les ondes de pression, aussi appelées ondes primaires, poursuit Fiona Ann Darbyshire. Les experts ont quelques dizaines de secondes pour lancer des alertes avant l’arrivée des ondes de cisaillement, ou ondes secondaires. Ça peut sembler vain comme laps de temps, mais c’est suffisant pour prévenir les services d’urgence de la menace imminente, envoyer des signaux pour ralentir les trains et notifier les casernes de pompiers pour que les intervenants soient prêts, entre autres.»
Puisque l’on connaît les vitesses typiques de propagation de ces deux types d’ondes, la différence de temps entre l’arrivée des ondes de pression et des ondes de cisaillement permet de mesurer la distance entre le sismographe et le point de rupture de la faille, et donc de localiser l’épicentre, ajoute la professeure.
Une zone à risque élevé
Mis à part le séisme du 17 mai, les étudiantes et étudiants dans le cours de Fiona Ann Darbyshire ont rarement eu l’occasion de ressentir un tremblement de terre en sol québécois, le dernier ayant véritablement marqué les esprits (et secoué les gens) s’étant produit le 25 novembre 1988. L’épicentre du tremblement de terre de magnitude 5,9 avait été localisé au sud de Jonquière. «Avant cela, il faut remonter au 18e siècle, plus précisément en 1732, pour retrouver un tremblement de terre ayant fait des dégâts significatifs à Montréal, raconte la professeure. Il s’agissait d’un événement de magnitude 5,8, mais les bâtiments n’étaient pas construits selon les mêmes normes à l’époque. Le Code du bâtiment a été adapté au fil des ans en fonction des connaissances liées aux risques sismiques.»
Il est peu probable que survienne au Québec un séisme de magnitude comparable à ce que l’on attend depuis maintenant un siècle sur la côte ouest américaine, nous rassure la professeure, mais cela n’empêche pas la terre de trembler à plusieurs reprises durant l’année. «Le Québec est considéré comme une région où le risque sismique est relativement élevé», conclut-elle.