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Trois Uqamiennes naturellement drôles

Le trio musical Blondes Naturelles aborde la sexualité féminine avec beaucoup d’humour et d’aplomb.

Par Valérie Martin

28 septembre 2021 à 10 h 09

Mis à jour le 28 septembre 2021 à 10 h 09

Marie-Ève Desmarais (Marquise), Marie-Jeanne Cazes et Frédérique Girard (Pat) forment le trio de musique humoristique Blondes Naturelles. Photo: Nathalie St-Pierre

Elles chantent leurs déboires après une nuit passée avec un amant pitoyable, leur amour de la marijuana ou leur virée à l’épicerie. Les diplômées Marie-Ève Desmarais (B.Mus./pratique artistique, 2019) et Frédérique Girard (B.Mus./pratique artistique, 2019) et la finissante en musique (chant pop) Marie-Jeanne Cazes forment le trio de musique humoristique Blondes Naturelles.

Les trois musiciennes folk ont fait paraître, le 4 juin dernier, un mini-album éponyme contenant six chansons. Le premier extrait, Ghoste-moi, raconte l’histoire d’une jeune femme cherchant à se débarrasser d’un nouvel amant trop collant. «Ghoste-moi mon amour. Un peu beaucoup à tous les jours. Néglige-moi. Ghoste-moi mon joli, un peu, beaucoup, à la folie!», entonnent-elles en guise de refrain. Dans la pièce Paulette, une séduisante jeune trans cache bien son jeu: «Qu’est-ce qui se cache sous la robe de Paulette? Quelque chose de grand, de vraiment pas laite». La chanson Je n’en suis plus si sûre aborde, quant à elle, les (dérives des) paradis artificiels. «Ai-je débranché le fer? Fermé la porte-patio? Ai-je éteins la cuisinière? Ai-je pris ma pilule?» Dans Commando, un passage à l’épicerie tourne au malaise. «Poilue et bien fournie, je n’ai pas fait mon bikini. T’as pris l’Maxi pour acquis. J’me demande c’qu’en dirait Siri…»

«Nous composons nos chansons à partir de nos propres expériences ou de celles de nos amies», précise la chanteuse Marie-Jeanne Cazes. Si la plupart des paroles font sourire, elles peuvent parfois choquer, reconnaissent-elles. «Les gens ne sont pas habitués à entendre les femmes parler ouvertement de sexe, croit l’ukuléliste et chanteuse Frédérique Girard, dite Pat. Notre contenu est peut-être explicite, mais nous ne sommes jamais grossières ou irrespectueuses!»

Pour Marie-Ève Desmarais, dite Marquise, qui joue de la guitare, de la mandoline et de la flûte à bec sur l’album, «beaucoup de filles dans des groupes veulent être mignonnes. Nous n’avons rien contre cela, mais nous prenons tout de même nos distances avec l’image de la fille cute».

Le trio a enregistré l’album chez le père de Marie-Jeanne Cazes, un artisan du milieu du cinéma à la retraite, qui possède un petit studio à la maison. «Nous avons eu la chance d’avoir des amis et de la famille qui nous ont prêté de l’équipement d’enregistrement, explique Marquise Desmarais. Nous avons ainsi pu faire l’album à notre rythme sans dépenser une fortune.»

C’est elle qui a composé la majeure partie des musiques de l’album, alors que Pat Girard en signe les textes. Mais chaque musicienne est invitée à participer au processus de création en faisant part de ses commentaires et suggestions. «C’est assez équitable, tout le monde collabore, confirme Pat Girard. Si la chanson nous fait rire toutes les trois, c’est bon signe et nous allons de l’avant!»

«Plus nous jouons nos chansons ensemble, plus nous développons notre univers», renchérit Marquise Desmarais. Certaines pièces comme Commando sont davantage le résultat d’improvisations musicales en studio.

Les harmonies vocales des trois chanteuses font partie de la signature du groupe. «C’est une part importante de notre identité en tant que band et c’est de cette manière que les chansons prennent forme», dit la guitariste.

Le professeur du Département de musique Danick Trottier a souligné la qualité de l’album réalisé par ses anciennes étudiantes. «Affirmer que cela sonne bien ressort comme une évidence, dit-il. L’accompagnement sobre mais suffisamment rythmé pour être entraînant, les harmonies vocales bien maîtrisées et misant sur les échanges vocaux, la mise en scène de personnages vocaux arrimés à la signification des paroles, tout cela renforce le plaisir à écouter les six chansons que porte ce premier EP.»

Marquise, Marie-Jeanne et Pat se sont rencontrées à l’UQAM dans le cadre d’un cours de chant choral. Elles sont rapidement devenues amies. «Le plus bizarre, c’est qu’avant de nous retrouver sur les bancs de l’Université, nous avions fréquenté le même cégep sans jamais nous parler!», témoigne Marquise Desmarais. «Je pense que les filles me trouvaient plate à l’époque. C’est pour ça qu’elles ne m’adressaient pas la parole», avance Marie-Jeanne Cazes avec un clin d’œil.

Elles ont formé le groupe en 2019. «On ne se rappelle plus qui a trouvé notre nom de groupe, mais c’est un rappel que nous sommes de vraies blondes», poursuit la chanteuse. De l’aveu de Pat Girard, par contre, ce ne serait pas tout à fait juste. «Mes cheveux tirent davantage vers le châtain. Châtaines Naturelles comme nom de groupe, ça ne sonne pas aussi bien!»

Les trois amies décrivent leur style de musique comme un mélange de cabaret et de folk… révolutionnaire. «Il y a un côté théâtral à notre musique, affirment-elles. Même si nos paroles sont humoristiques, nous essayons de changer le monde une chanson à la fois.»

Les Blondes Naturelles se réclament des Pussycats Dolls, «pour leur attitude de divas», et des Trois Accords. «Ils ont un côté absurde qui nous rejoint, mais les thèmes que nous abordons sont plus sérieux… comme les règles, la séduction ou la pilosité.» Le trio s’inspire aussi des groupes de musique parodiques. «J’aime beaucoup le travail de Fatal Bazooka, un rappeur français fictif, et de François Pérusse, confie Pat Girard. Ses albums sont des classiques du genre.»

Se disent-elles féministes? «Les filles qui s’expriment sont vues tout de suite comme telles», constate Marquise Desmarais. Selon les trois jeunes femmes, elles ne sont pas là pour porter un message précis ou être des porte-paroles du féminisme. «Nous revendiquons le droit d’être nous-mêmes, de nous exprimer… et de dire des niaiseries tous les jours!, affirment-elles. Nous souhaitons parler de sujets propres au fait d’être une fille, avec légèreté, en dédramatisant les choses et ça, c’est aussi une manière d’être féministes.»

En spectacle prochainement

À peine le premier album sorti, les musiciennes s’affairent déjà à la préparation de leur deuxième opus. «Cette fois, nous essayons de faire des chansons plus commerciales, qui vont jouer à la radio!», rigole Pat Girard. Parmi les thèmes au programme: la diversité sexuelle et de genre et l’inclusion. «Il n’y a pas de tabous. La seule règle pour aborder un sujet, c’est que cela fasse partie de notre réalité ou de celle de notre entourage», concluent-elles.

Marquise Desmarais, qui mène également une carrière solo, compte lancer un deuxième projet musical sous peu. Son premier album, L’échappée, est sorti en avril 2020.

Les Blondes Naturelles étaient en spectacle à l’Orbite Loft, dans le Vieux-Montréal, le 13 septembre dernier, et elles seront au bar Le Jockey, dans le quartier Rosemont, le 16 octobre prochain. On peut voir leur troisième clip autoproduit pour la chanson Paulette et une performance du groupe sur You Tube.