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Stress et inquiétude pendant le confinement

Les stratégies favorisant le bien-être mental n’ont pas fonctionné pour les personnes seules qui ont des proches à charge.

Par Pierre-Etienne Caza

8 juillet 2021 à 14 h 07

Mis à jour le 8 juillet 2021 à 14 h 07

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Photo: Getty Images

Soucieuse de la santé mentale de ses concitoyennes et concitoyens, la professeure du Département de psychologie Julie Ménard s’est interrogée sur la capacité des gens à prendre soin d’eux lors du confinement strict du printemps 2020. «Il s’agissait de conditions exceptionnellement difficiles où le recours au soutien social était limité, voire impossible, rappelle-t-elle. Nous avons voulu analyser la manière dont les gens s’y sont pris, au jour le jour, pour passer à travers cette crise.» 

En collaboration avec la consultante Annie Foucreault (Ph.D. psychologie, 2018), l’agent de recherche Hugues Leduc (M.Sc. mathématiques, 2011), la professeure Sophie Meunier et la professeure associée Sarah-Geneviève Trépanier, Julie Ménard a mené une étude auprès de 264 personnes, en majorité des femmes, ayant accepté de compléter un questionnaire 4 fois par jour pendant 7 jours consécutifs. L’un des objectifs était de vérifier si le stress et l’inquiétude vécus à un moment précis de la journée, par exemple le matin au réveil, perdurait dans le temps, se «transmettait» à un autre moment de la journée, ou même durant les jours subséquents.

«On appelle inertie émotionnelle le fait de conserver le même état émotionnel durant une certaine période de temps. Et, effectivement, les participantes de notre étude présentaient toutes un certain degré d’inertie émotionnelle.»

Julie Ménard

Professeure au Département de psychologie

Ces résultats de recherche, publiés dans Frontiers in Psychology, révèlent plusieurs mécanismes de rétablissement par lesquels les gens ont su prendre soin d’eux. «Nous avons identifié des mécanismes permettant de faire le vide, en diminuant les sources de stress et de tensions, comme le détachement psychologique – ne pas penser à la pandémie – et la relaxation – peu importe les activités pour peu qu’elles apportent une certaine détente –, mais aussi des mécanismes permettant de faire le plein, comme la maîtrise de nouvelles habiletés – faire du pain, apprendre une nouvelle langue –, le contrôle de son horaire, le plaisir associé à des activités que l’on aime pratiquer, et l’affiliation sociale, c’est-à-dire l’impression de connecter avec les autres.»

Toutes ces stratégies ont bel et bien fonctionné pour éloigner le stress et l’inquiétude, mais pas pour tous. «Certaines stratégies reconnues comme étant bénéfiques sont nuisibles pour les personnes célibataires avec une ou des personnes à charge, comme un enfant ou un parent âgé, souligne Julie Ménard. Lorsque les participants utilisaient les stratégies de contrôle, de maîtrise et de détachement, leur état empirait d’un moment à un autre durant la journée.» 

Comment expliquer cela ? «Avoir une personne à charge implique de prévoir, de s’organiser, de planifier, note Julie Ménard. Or, les participants ont indiqué que s’ils passaient une soirée à oublier la pandémie en se changeant les idées, ils en subissaient les conséquences au moment du coucher et ils ressentaient de la culpabilité.»

Surprise par ces résultats, Julie Ménard affirme qu’il est impératif de prévoir le coup.

«Il faut protéger les personnes célibataires avec personnes à charge. Elles sont à risque de vivre de l’épuisement, car leurs charges physique et mentale sont plus élevées que jamais lorsqu’elles se retrouvent coupées de leur réseau de soutien social et de services spécialisés.»

S’il fallait revivre un épisode de confinement, la chercheuse recommande que chacun soit alerte envers ses proches. «Il faut apporter à ces personnes du soutien concret, même si cela demeure un défi en contexte de distanciation sociale», conclut-elle.