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Soutenir les parents d’enfants autistes

Une équipe de recherche vise à accompagner les parents et à documenter leur vécu en temps de pandémie.

Par Claude Gauvreau

20 avril 2021 à 12 h 04

Mis à jour le 20 avril 2021 à 12 h 04

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Dans le contexte de la pandémie, les parents se retrouvent isolés à la maison, privés de tout soutien formel ou informel et de services cliniques spécialisés pour leur enfant.
Photo: Getty/Images

Au Québec, avril a été proclamé Mois de l’autisme afin d’attirer l’attention sur la nécessité d’améliorer la qualité de vie des familles concernées par un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou de déficience intellectuelle (DI). Les parents d’enfants ayant des troubles du comportement associés à ces diagnostics sont confrontés, on le sait, à des difficultés particulières touchant l’inclusion et la participation sociales. Or, la pandémie de COVID-19 exacerbe ces difficultés et fragilise de manière disproportionnée les familles.

Pour venir en aide aux parents dont les enfants ont un trouble du développement – TSA, DI, retard global du développement –, une équipe de recherche dirigée par la professeure du Département de psychologie Mélina Rivard a reçu récemment une subvention d’engagement partenarial du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). Menée en collaboration avec la Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI), qui chapeaute plus de 90 associations de parents, cette recherche vise un double objectif: documenter le vécu de parents d’enfants en attente d’évaluation ou ayant reçu un diagnostic de trouble du développement pendant ou juste avant la pandémie, puis les accompagner sous forme d’ateliers de groupe en ligne.

«Pouvoir offrir à Montréal et en région des services de soutien aux familles pendant le processus d’évaluation de leur enfant et après l’annonce d’un diagnostic de trouble du développement prend toute son importance dans le contexte actuel de crise sanitaire, souligne Mélina Rivard. Ces parents se retrouvent isolés à la maison, privés de tout soutien formel ou informel et de services cliniques spécialisés pour leur enfant. Aux prises avec un niveau de stress élevé, plusieurs d’entre eux vivent une forme de détresse psychologique.»

Directrice du Laboratoire d’étude des problématiques comportementales en autisme et des autres retards du développement (Épaulard), la professeure est une spécialiste des troubles du développement en petite enfance. Lauréate 2021 du Prix d’excellence en recherche (jeune chercheuse) de la Faculté des sciences humaines, elle vient d’obtenir une subvention de plus de 198 000 dollars du ministère québécois de l’Économie et de l’Innovation pour un projet intitulé «Agir ensemble pour répondre aux besoins des enfants ayant un TSA ou une DI, leur famille et intervenants». Mélina Rivard est membre de l’Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme, de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et de la Chaire de déficience intellectuelle et troubles de comportement de l’UQAM.

Une attente éprouvante

Au Québec, des centaines de familles peuvent attendre jusqu’à trois ou quatre ans avant d’obtenir pour leur enfant un diagnostic d’autisme, de déficience intellectuelle ou de retard global de développement. Les délais d’attente s’expliquent, entre autres, par un manque de ressources dans un contexte où la demande a explosé au cours des 20 dernières années. Le fait que ces diagnostics exigent une expertise particulière contribue aussi à ralentir le processus d’évaluation. «C’est d’autant plus éprouvant pour les parents que ceux-ci reçoivent très peu de soutien durant la période d’attente», observe Mélina Rivard.

Si l’obtention d’un diagnostic de trouble du développement constitue la clé pour accéder à des services publics spécialisés, il reste que les parents doivent encore vivre une période d’attente avant que leur enfant ne bénéficie d’une intervention. «Cette situation était déjà documentée, bien avant la pandémie, note la chercheuse. L’arrivée de la crise sanitaire a d’abord ralenti l’offre de services spécialisés. Pour les parents dont les enfants avaient reçu un diagnostic juste avant ou au début de la pandémie, ce fut un véritable choc.» 

La plupart des études montrent qu’il est important d’intervenir de manière précoce auprès des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle, afin d’agir sur la courbe de leur développement, et ce, avant l’entrée en maternelle. «Les enfants devraient théoriquement avoir accès au programme d’intervention comportementale intensive, ou à un autre type d’intervention précoce, dit Mélina Rivard. Mais, dans le contexte actuel de pandémie, il est impossible d’offrir ces services spécialisés en présentiel ou à distance.»

Documenter les besoins

La première phase de la recherche dirigée par Mélina Rivard comporte 16 études de cas qui permettront de documenter les conditions dans lesquelles vivent les familles en temps de pandémie afin de mieux identifier leurs besoins. «Des recherches menées ces dernières années soulignent qu’il faut miser sur les interventions auprès des parents, lesquels, même en temps normal, vivent beaucoup de stress et d’anxiété au quotidien. Les études de cas sont la pierre angulaire pour ajuster les interventions durant la première phase de la recherche et pour assurer le déploiement des suivantes.»

L’équipe de recherche a amorcé des rencontres avec une première cohorte de cinq familles. «En même temps que nous documentons leur niveau d’adaptation à la pandémie, nous leur offrons un soutien psychologique et évaluons ses effets, précise la chercheuse. Nous formons en quelque sorte une communauté de recherche incluant les parents qui bénéficient des interventions et ceux, membres d’associations, qui agissent à titre de pairs aidants en partageant leurs expériences. Cette année sera cruciale pour assurer la pérennité du programme et consolider le rôle des parents.»

Avant la pandémie, l’équipe de Mélina Rivard avait noué des liens non seulement avec des associations de parents par l’entremise de la SQDI, mais aussi avec des intervenants spécialisés provenant des établissements du réseau de la santé et des Centres intégrés de services sociaux et de santé (CISS), en vue de développer un programme permettant de soutenir l’adaptation psychologique des parents d’enfants d’âge préscolaire. «Ces partenariats se poursuivent dans le cadre du projet de recherche, indique la professeure. La SQDI participe au comité de pilotage et jouera un rôle essentiel à toutes les étapes de la recherche, jusqu’au transfert des connaissances. Elle s’engage aussi à soutenir le recrutement des parents. Une fois le projet complété, la SQDI pourra contribuer au déploiement du programme à plus large échelle.»

Ateliers de groupe

La recherche prévoit la mise sur pied d’ateliers de groupe à distance qui se dérouleront en huit séances. «Les ateliers visent à transmettre aux parents des habiletés permettant de favoriser certains apprentissages chez leurs enfants, notamment en ce qui concerne le langage et les interactions sociales, explique Mélina Rivard. Il s’agit aussi d’aider les parents à gérer à la maison les comportements problématiques des enfants, comme les troubles du sommeil.»  

Les ateliers ne visent pas à transformer les parents en intervenants professionnels, mais à les guider et à leur fournir un coffre à outils, poursuit la chercheuse. «Ils  servent aussi à leur donner des information sur les ressources professionnelles auxquelles ils ont droit et sur l’aide financière qu’ils peuvent obtenir. Ils servent enfin à documenter les interventions ayant le plus d’effets sur l’adaptation psychologique des parents au moment où ceux-ci reçoivent l’évaluation diagnostique et au cours de la période qui suit. Bref, nous essayons de composer avec les contraintes imposées par la pandémie et d’identifier des alternatives pouvant aider les familles.»

Selon Mélina Rivard, le projet de recherche permettra de développer des pratiques valables dans d’autres contextes d’urgence ou d’adversité ou encore dans des situations d’éloignement géographique.  «Dès l’an prochain, nous envisageons d’implanter le programme en partenariat avec deux CISSS en région, dans le cadre de la phase deux de la recherche. Quelle que soit leur situation géographique, la plupart des familles vivent des problèmes communs», conclut la professeure.