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Dire adieu aux feux d’artifice ?

Ils enchantent petits et grands, mais ils constituent une source de pollution environnementale et sonore non négligeable.

Par Marylou Beaudoin

19 avril 2021 à 16 h 04

Mis à jour le 26 avril 2021 à 10 h 04

Une étude réalisée en 2016 a démontré que près de 15 tonnes de dioxyde de carbone sont relâchées dans l’atmosphère lors des festivités du 4 juillet aux États-Unis, l’équivalent de 15 allers-retours Paris-New York en avion. Photo: Getty Images

Bien qu’ils soient très populaires lors des festivités, les feux d’artifice rejettent d’énormes quantités de particules fines, qui peuvent être dommageables pour la santé humaine et environnementale.

Les feux d’artifice sont majoritairement composés d’une poudre noire qui résulte d’un mélange de soufre, de charbon et de salpêtre (nitrate de potassium). On ajoute à ce cocktail explosif une variété de composés chimiques qui modifient leur aspect visuel. Les composés cuivrés, par exemple, leur donnent une couleur bleutée, alors que le fer permet d’obtenir une couleur dorée. Lors de l’explosion, ces composés sont libérés dans l’atmosphère, majoritairement sous forme de fumée chargée de gaz et de millions de particules fines. 

Une étude réalisée en 2016 a démontré que près de 15 tonnes de dioxyde de carbone sont relâchées dans l’atmosphère lors des festivités du 4 juillet aux États-Unis, l’équivalent de 15 allers-retours Paris-New York en avion.

Au Québec, les pires indices de qualité de l’air sont enregistrés les soirs de représentations de l’International des Feux Loto-Québec. Une étude parue en 2010 a révélé que les concentrations pouvaient atteindre jusqu’à 10 000 microgrammes/mètre cube, alors que le seuil sanitaire est fixé à 10 microgrammes/mètre cube. En comparaison, lors d’un épisode de smog, on enregistre normalement une concentration de 80 microgrammes/mètre cube. 

Au Québec, les pires indices de qualité de l’air sont enregistrés les soirs de représentations de l’International des Feux Loto-Québec.

Les spectateurs et résidents situés sur la trajectoire du panache de fumée ou à proximité du site du lancement peuvent donc être exposés à de très grandes concentrations de ces infimes particules, qui peuvent pénétrer profondément dans les poumons et causer des difficultés respiratoires chez les personnes à risque. 

Heureusement, l’exposition est normalement brève, les particules étant dispersées sur de longues distances par le vent. Il faut toutefois être prudent lorsque les conditions atmosphériques sont stables, les particules pouvant alors rester en suspension pendant des jours, voire jusqu’à un mois. 

Les retombées polluantes 

Les composés chimiques émis dans l’atmosphère par les feux d’artifice retombent éventuellement à la surface de la Terre. Ces contaminants peuvent perturber l’équilibre chimique des milieux et nuire à la santé de la faune et de la flore. Une étude réalisée en Inde a révélé une diminution importante de microorganismes dans les sols et les eaux de sites fréquemment exposés à la pyrotechnie. 

Les sites de lancement des feux d’artifice sont souvent situés à proximité de plans d’eau pour permettre aux résidus de combustion ainsi qu’aux débris de plastiques et de cartons de retomber à leur surface. Les fines particules métalliques s’y déposent et migrent ensuite vers les bas-fonds. Cette contamination hydrique peut créer un stress pour certaines espèces et même contribuer à la mort prématurée d’invertébrés et de poissons. 

La pollution sonore 

Les feux d’artifice induisent également une importante pollution sonore, le bruit colossal accompagnant chaque explosion étant le résultat de l’expansion des gaz à une vitesse plus rapide que celle du son. Ce bruit peut atteindre 150 à 175 décibels, alors que l’Organisation mondiale de la santé recommande que les adultes ne soient pas exposés à plus de 140 décibels. Pour les enfants, cette limite est fixée à 120 décibels afin d’éviter tout dommage auditif. 

Qui plus est, les explosions et les éclairs de lumière entraînent un stress intense sur la faune locale. En 2012, en Arkansas, 5000 carouges à épaulettes sont décédés à la suite d’un mouvement de panique causé par les détonations de feux d’artifice. Ces oiseaux n’étant pas capables de bien se repérer dans la noirceur, ils se sont heurtés à des maisons, des arbres et à d’autres objets en tentant de fuir. D’autres études ont démontré que les feux d’artifice effraient certaines espèces d’oiseaux, qui abandonnent leur nid. On imagine sans peine les répercussions négatives si un tel événement survient lors de leur période de reproduction. 

Compression d’air, lumières et lasers

Heureusement, certaines alternatives plus écologiques commencent peu à peu à apparaître sur le marché. Le centre d’attraction de Disneyland, un parc offrant des spectacles de feux d’artifice quotidiens, utilise maintenant des bombes avec un système de compression d’air qui remplace la poudre noire. Ce procédé permet de réduire grandement les émissions de particules fines. Cette technologie est toutefois beaucoup plus coûteuse, ce qui explique sans doute pourquoi on ne l’utilise pas encore au Canada. Les spectacles de sons et lumières, au moyen de drones et de lasers, pourraient également constituer une substitution intéressante aux feux d’artifice.

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Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Éléments d’écotoxicologie donné au trimestre d’hiver 2021 par les professeurs Philippe Juneau, Maikel Rosabal Rodriguez et Jonathan Verreault, du Département des sciences biologiques. Les étudiants, inscrits au baccalauréat en sciences naturelles appliquées à l’environnement ou au certificat en écologie, devaient produire un article de vulgarisation scientifique qui a été évalué dans le cadre du cours. Il s’agissait d’un premier contact, dans leur cursus, avec la toxicologie et la santé environnementale. Parmi les meilleurs articles choisis par les professeurs, Actualités UQAM a sélectionné celui de Marylou Beaudoin pour publication.