Le Département d’histoire de l’art a perdu, le 6 août dernier, l’un de ses pionniers. Peintre, essayiste et poète, le professeur retraité Marcel Saint-Pierre (1944-2021), qui a enseigné à l’UQAM de 1970 à 2005, est décédé des suites d’une longue maladie à l’âge de 77 ans.
«Marcel Saint-Pierre était un professeur extraordinaire, qui concevait l’histoire de l’art comme une discipline qui se vit sur le terrain», lance son ancienne étudiante Marie Fraser, aujourd’hui directrice du Département d’histoire de l’art. «Je me souviens d’un étudiant qui lui avait demandé, à propos d’un événement culturel, comment il pouvait en avoir une telle connaissance. Marcel lui avait répondu: Mais parce que j’étais là! Il parlait non seulement de ce qu’il connaissait en tant qu’historien de l’art, mais aussi de ce qu’il avait pu voir et entendre. Enfin, il encourageait ses étudiants à s’impliquer dans le milieu, à réaliser des expositions, à écrire sur l’art, à rencontrer des artistes.»
L’historien de l’art a étudié à l’École des beaux-arts de Montréal, à l’Université de Montréal et à l’Université Paris X. Spécialiste de l’art contemporain au Québec, il avait une connaissance vivante de la scène artistique des années 1960 et 1970 et a marqué plusieurs générations d’historiennes et d’historiens de l’art. Son enseignement était alimenté par sa double formation en art et en histoire de l’art. Il conjuguait avec aisance la théorie et la pratique, attachant toujours une grande importance à la matérialité des choses.
«À cette époque, dans les universités québécoises, on n’enseignait pas l’histoire de l’art contemporain et très peu l’art québécois. Marcel Saint-Pierre a été parmi les premiers à le faire.»
Marie Fraser,
Directrice du Département d’histoire de l’art
«Marcel a été un pionnier de l’art contemporain au Québec, un art qu’il a décrit, analysé et documenté au moment où il était en train de se faire dans les décennies 1960 et 1970, souligne Marie Fraser. À cette époque, dans les universités québécoises, on n’enseignait pas l’histoire de l’art contemporain et très peu l’art québécois. Marcel Saint-Pierre a été parmi les premiers à le faire.»
Le professeur a publié de nombreux textes sur l’art contemporain, notamment sur les happenings et les œuvres d’artistes tels que Paul-Émile Borduas et Serge Lemoyne. Il a signé, entre autres, l’essai Une abstention coupable. Enjeux politiques du manifeste Refus Global (M éditeur, 2013). Il a aussi cofondé la revue littéraire La Barre du jour, en 1965, la revue Chroniques. Art, culture et politique, en 1975 et, récemment, les éditions Complices, consacrées à la poésie et au livre d’artiste.
Lauréat, en 1992, du prix Louis-Comtois décerné par la Ville de Montréal et l’Association des galeries d’art contemporain de Montréal, Marcel Saint-Pierre a participé, en tant qu’artiste peintre, à plus d’une soixantaine d’expositions collectives au Québec, en France et aux États-Unis. Depuis 1975, son œuvre a également fait l’objet de plus de 45 expositions individuelles en Amérique et en Europe. En 1992, la Galerie de l’UQAM avait ouvert sa saison avec l’exposition Marcel Saint-Pierre. New York Thruway 87-90, qui présentait une douzaine d’œuvres du professeur. Ses créations font partie de prestigieuses collections privées et publiques, dont celles du Musée national des beaux-arts du Québec et du Musée d’art contemporain de Montréal.
Marcel Saint-Pierre s’est beaucoup questionné sur le rapport entre la surface et le support en peinture. Chez lui, la toile se plie pour répondre à l’architecture des lieux d’exposition, particulièrement les coins et les arêtes des murs. Puis, il débarrassera la surface du tableau de son support. Ainsi naîtront Les Mutations, des peaux constituées de dizaines de litres d’acrylique figée. Jamais aucun artiste avant lui n’avait imaginé réalisé un tableau sans support, un tableau où la couleur se suffit à elle-même.
Marcel Saint-Pierre a aussi réalisé plusieurs œuvres d’art public, dont Falling Out of the Blue, en 1991, un immense tableau en relief aux couleurs luxuriantes qui orne le plafond du hall d’entrée principal du pavillon R de l’UQAM.
Les dernières œuvres du professeur seront exposées au salon b, à Montréal, au cours du mois de septembre.