Virus, bactérie et autres agents infectieux: les producteurs de cannabis rencontrent les mêmes défis que les autres agriculteurs. Le doctorant en biologie Rémi Maglione veut leur venir en aide. Dans le cadre du premier projet Mitacs «Accélération Entrepreneur» financé à l’UQAM, ce spécialiste de la métagénomique souhaite développer une plateforme de biosurveillance capable de détecter les micro-organismes présents dans l’air ambiant d’une serre de production de cannabis. Il travaille sur ce projet au sein de l’entreprise qu’il a cofondée, Harvest Genomics.
Présents dans la terre ou à la surface des feuilles des plantes, les micro-organismes sont éventuellement transportés dans l’air, surtout dans les serres de production de cannabis où il y a beaucoup d’aération. Ils passent ainsi d’une plante à une autre. «J’imagine une serre dotée d’une multitude de bio-senseurs pouvant détecter la présence de micro-organismes dans l’air, et ainsi signaler l’apparition d’une nouvelle maladie avant même que l’oeil humain ne soit capable d’en déceler les premiers symptômes sur une plante, explique le doctorant. Un producteur pourrait savoir immédiatement quels sont les plants infectés et il pourrait les retirer avant qu’ils ne contaminent les autres.»
Plusieurs producteurs de cannabis québécois ont accepté de participer à son projet. «Ils sont enthousiastes, car en plus d’établir le profil du microbiome aérien de leurs serres, nous pourrons répondre à leurs interrogations. Toutes les questions seront les bienvenues!»
Harvest Genomics
Créée en 2019, Harvest Genomics offre des services de séquençage génomique et de biosurveillance pour les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’environnement. L’entreprise est établie à Guelph, en Ontario (l’un des cofondateurs a effectué ses études postdoctorales à l’Université de Guelph), mais Rémi Maglione vient d’ouvrir une antenne québécoise chez lui, dans la région de Québec.
«Le premier service que nous avons développé est un test de résistance aux herbicides, raconte l’entrepreneur. Les agriculteurs nous envoient des échantillons de mauvaises herbes, dont nous analysons le génome à la recherche de mutations leur permettant de résister à certains types d’herbicides. De cette façon, l’agriculteur peut déterminer la dose appropriée d’herbicide à utiliser ou décider de changer de produit si cela est nécessaire.»
L’entreprise offre aussi un service de cartes génétiques. «Lorsque les producteurs font des croisements pour créer de nouvelles variétés de plantes, ils veulent connaître leurs profils génétiques», explique-t-il.
Rémi Maglione et ses collègues se servent aussi du séquençage ADN pour recenser la diversité de poissons présents dans un cours d’eau donné. «À partir d’échantillons d’eau, je peux détecter la présence de séquences ADN commune aux poissons, mais pas aux autres organismes, puis raffiner l’analyse en triant les différentes séquences afin de les associer aux différentes espèces de poissons.» Ces demandes proviennent surtout des gouvernements et des entreprises, notamment lors de projets soumis à des règles environnementales en matière de préservation de la biodiversité, précise le doctorant.
Une année riche en développements
L’année pandémique s’est révélée riche en développements pour Harvest Genomics, poursuit Rémi Maglione. «Après avoir bénéficié d’un séjour au sein de l’incubateur de l’Université de Guelph, nous avons remporté au printemps 2020 le concours de startups Tops Gryphon’s LAAIR organisé sur le campus», dit-il.
À la fin de l’année dernière, Rémi Maglione a développé un test pour détecter un virus affectant les plants de tomate, le ToBRFv (pour Tomato brown rugose virus). «Il s’agit d’un virus ARN qui est apparu en 2014 sur la planète et qui est présent depuis peu au Canada, précise-t-il. Il fait des ravages, alors il vaut mieux le détecter le plus tôt possible.»
Le chercheur a développé ce test en mettant à profit les plus récentes technologies de séquençage ADN, plus abordables, qui ouvrent la voie à de nombreuses applications. «Désormais il existe des appareils portables de la taille d’un iPhone, que l’on peut connecter à un ordinateur portable. Les premiers chercheurs à s’en servir sont allés faire du séquençage ADN en Arctique ou en forêt amazonienne, raconte-t-il, mais nous voyons également le potentiel dans les services de proximité, par exemple en allant directement chez un producteur. De tomates, de courges… ou de cannabis!»
Une thèse par articles
Passionné par la biologie cellulaire, plus particulièrement celle des plantes, Rémi Maglione effectuait un master à l’Université de Strasbourg lorsqu’il a choisi de réaliser un stage à l’Université Laval, où il a finalement obtenu une maîtrise en biologie végétale. «C’est pendant mon cursus de maîtrise que je me suis familiarisé avec les nouvelles technologies de séquençage ADN», raconte-t-il. Un projet avec Agriculture Canada lui a donné la chance de poursuivre ses études au doctorat.
Sous la direction du professeur du Département des sciences biologiques Steven Kembel, Rémi Maglione étudie par séquençage ADN les communautés de bactéries que l’on retrouve sur la surface des feuilles de courges cultivées avec la technique de culture de couverture. «J’essaie de comprendre pourquoi on observe une diminution des populations Pseudomonas Syringae, un pathogène bactérien de la courge qui amorce son cycle de croissance à la surface des feuilles», explique le doctorant, qui vient de soumettre un premier article en prépublication sur bioRxiv.