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Créer des places publiques animées

Le placemaking propose des interventions ciblées à l’échelle des quartiers pour favoriser les contacts entre les résidents.

Par Pierre-Etienne Caza

15 octobre 2020 à 11 h 10

Mis à jour le 15 octobre 2020 à 14 h 10

Le Village au Pied-du-Courant, situé dans le quartier Centre-Sud, constitue en quelque sorte le laboratoire de La Pépinière | Espaces collectifs.Photo: Guillaume Ethier

Après l’urbanisme tactique, éphémère ou transitoire, voici le placemaking ! «Le placemaking vise l’occupation d’espaces urbains peu utilisés, sous-utilisés ou abandonnés pour les faire revivre en créant des lieux animés que les résidents peuvent facilement s’approprier», explique le professeur du Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM Guillaume Ethier (Ph.D. études urbaines, 2013).

Contrairement à l’aménagement traditionnel des espaces publics, où chaque zone est réservée à un usage précis – jeux d’enfants, zone de repos, terrain de sport, etc. – le placemaking privilégie plutôt la multiplication des usages au sein d’un même espace, précise Guillaume Ethier. «En outre, il laisse une grande place à la consultation citoyenne au fil de la création et de l’implantation du projet. Cela permet d’expérimenter de manière agile et de réaliser des interventions rapides en court-circuitant les mécanismes de planification urbaine traditionnels, beaucoup plus lents et rigides.»

Des études de cas

Guillaume Ethier s’intéresse depuis quelques années aux projets réalisés par La Pépinière|Espaces collectifs, à qui l’on doit, entre autres, les Jardins Gamelin. «Nous nous sommes penchés plus spécifiquement sur le Village au Pied-du-Courant dans le quartier Centre-Sud, qui constitue leur laboratoire, ainsi que sur le carré Notre-Dame-des-Victoires (NDV) dans Mercier et les Jardineries sur l’Esplanade du Stade olympique», indique-t-il.

La plupart des projets de La Pépinière sont nés des désirs et des besoins exprimés par la population locale (par l’intermédiaire, entre autres, d’organismes bien implantés dans les quartiers concernés). Ils ont été mis sur pied en misant sur l’expérimentation in situ et sur l’agilité de leurs créateurs pour apporter rapidement des correctifs, le cas échéant. «Le processus de l’idée à l’implantation est relativement bien documenté, dit le professeur, mais on a peu évalué les retombées réelles des projets jusqu’ici, notamment leurs impacts sur les participants et les résidents du quartier où ils sont déployés.»

Faire de nouvelles rencontres

Potager communautaire, espace de diffusion artistique, café, buvette ou tout simplement lieu de déambulation animé, ces places publiques réinventées visent à favoriser les contacts humains et l’objectif semble atteint, constate Guillaume Ethier. «Notre étude indique que pour 100 personnes fréquentant l’un de ces sites, environ 50 % rencontrent de nouvelles personnes, et environ 15 % gardent le contact avec quelques-unes de ces nouvelles connaissances, soit pour le plaisir amical ou pour poursuivre de nouveaux projets. Dans une grande ville où l’on ne connaît pas nécessairement ses voisins, c’est une donnée intéressante.»

L’un des objectifs de ce type de projet, précise toutefois le chercheur, est que les usagers qui fréquentent leurs espaces urbains revisités s’impliquent pour les faire vivre, les modifier, les animer. «Nos données démontrent que ce n’est pas tout à fait le cas. Plusieurs participants ont noté la convivialité qui se développe entre les usagers, mais cela ne se traduit pas nécessairement par une forme d’implication active.»

Post-COVID-19

Selon le professeur, le placemaking démontre toute sa pertinence depuis le début de la pandémie. «Nous avons besoin de cette flexibilité et de cette agilité afin de modifier les espaces publics au gré des différentes règles et contraintes édictées par la Santé publique», dit-il. Et ce besoin perdurera post-COVID, estime-t-il. Grâce à une subvention du CRSH, il s’intéressera, dans une nouvelle phase de son projet, au placemaking comme moyen de relance des espaces publics post-COVID-19.

Le chercheur analysera cette fois la Halte Bellerive dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, la réactivation du carré NDV en 2021, ainsi qu’un troisième site à déterminer. «Nous souhaitons observer comment La Pépinière réussit à innover rapidement pour modifier les espaces urbains au gré des besoins des résidents en lien avec les impacts de la COVID, précise-t-il. Nous nous pencherons à la fois sur les mécanismes liés à l’innovation dans un quartier donné et sur la perception des résidents à propos des espaces proposés. Ont-ils le goût d’y aller? S’y sentent-ils en sécurité? Trouvent-ils que ces espaces répondent et s’adaptent aux règles de la Santé publique?» En plus de ces questions, il compte également se pencher sur les mécanismes de gestion et de gouvernance de l’organisme.

À l’instar de plusieurs spécialistes, Guillaume Ethier constate que la pandémie a accéléré le mouvement en faveur de l’achat local et que ce phénomène a des répercussions urbanistiques. «Les gens veulent que soient développés des circuits plus courts au sein de leur quartier, et cela inclut des endroits pour se divertir et socialiser, d’où la pertinence de stratégies telles que le placemaking», conclut-il.