Ode à la langue française
«Très tôt, j’avais six certitudes: je ferais des études, je partirais, je changerais de langue, je changerais de nom et j’écrirais. Je vivrais à Paris. Toutes se sont réalisées, sauf la dernière», écrit la romancière et professeure au Département d’études littéraires Lori Saint-Martin dans son cinquième ouvrage, un récit autobiographique intitulé Pour qui je me prends. Ce récit troublant raconte la transformation radicale d’une jeune femme qui se construit une nouvelle identité, tout en reniant ses origines, sa langue et sa culture anglaises. Née Lori Farnham à Kitchener en Ontario, la petite fille grandit dans une famille ouvrière unilingue. À 10 ans, celle qui est victime de moqueries constantes de la part de ses camarades découvre le français en classe. «J’ai adopté la langue française comme on dit adopter un enfant, mais pour en devenir la fille et pour me redonner naissance.» Après avoir choisi de vivre au Québec, l’autrice devient interprète et traductrice (plusieurs de ses nombreuses traductions ont été primées), apprend une troisième langue – l’espagnol –, un amour tardif, puis fonde une famille. Ce dernier événement est pour elle l’occasion de renouer avec ses parents et la langue anglaise… puisqu’elle choisira de parler en anglais avec ses enfants. Un hymne aux langues et à la différence. Publié aux éditions du Boréal.
Dépolitisation de l’identité québécoise
Selon le professeur du Département de sociologie Jacques Beauchemin, auteur de La démission tranquille, deux thèmes caractérisent la représentation que les Québécois ont aujourd’hui d’eux-mêmes: le sentiment d’une «permanence tranquille» de la collectivité et la tentation d’un retour au Canada français. «La conjoncture actuelle est en effet marquée de manière paradoxale par le sentiment de l’éternité de la société québécoise en dépit de son impuissance à faire advenir son destin national», écrit l’auteur. Cette attitude, insiste Jacques Beauchemin, témoigne d’une anesthésie collective dont l’effet consisterait à suspendre le cours de l’histoire et à perdre la mémoire du parcours historique. Le deuxième thème se trouve dans la redécouverte du Canada français comme monde oublié recelant peut-être l’identité québécoise véritable. «De la même manière que les Canadiens français de 1840 ont pu trouver dans le passé héroïque de la Nouvelle-France les motifs de la survivance, les Québécois jettent aujourd’hui un regard rétrospectif vers l’histoire apaisante de leur enracinement en Amérique.» Le sociologue appelle à dépasser cette dynamique régressive, à retrouver les perspectives émancipatrices portées par la Révolution tranquille et à assumer la dimension politique de l’avenir du Québec. Paru chez Boréal.
Reconstruction infructueuse
Cela fait 10 ans qu’Haïti a été frappée par un tremblement de terre dévastateur. Le monde entier s’est mobilisé pour voler à son secours, et un organisme supranational a été mis sur pied pour planifier et coordonner la reconstruction et assurer la reddition de comptes selon les normes d’une bonne gouvernance. Les astres semblaient alignés pour une réussite spectaculaire, mais il n’en fut rien. Que s’est-il passé? Haïti: un pays à désenvelopper offre une réponse documentée à cette question. Son auteur, le professeur du Département de management et technologie de l’ESG UQAM Jean-Marie Bourjolly, a fait partie du conseil d’administration de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti. «Les efforts de reconstruction étaient tributaires d’une crise d’ordre politique et social, et bientôt sanitaire, en plus, qui ira croissant, et leurs ratés auront pour effet, en retour, d’exacerber les conflits parfois violents qui trouvaient leur origine dans cette crise», écrit-il. Les bouleversements analysés dans son ouvrage se sont cristallisés; les chocs traumatiques encaissés par la société haïtienne entre 2010 et 2012 et les choix politiques assumés ou imposés pendant cette période ont pavé la voie à la crise dans laquelle Haïti se trouve engluée aujourd’hui. Publié aux éditions JFD.
Racisme et institutions
La discipline historique telle que pratiquée aux États-Unis a longtemps été complice de l’effacement de la voix et de la répression des femmes, des Autochtones, des Afro-Américains, des Mexicains et de bien d’autres groupes. Sous la direction du professeur Greg Robinson et du chargé de cours Godefroy Desrosiers-Lauzon (M.A. histoire, 2001), du Département d’histoire, les articles du dossier du Bulletin d’histoire politique intitulé «La république apprivoisée: racisme et institutions dans l’histoire politique des États-Unis» témoignent de recherches récentes sur le rôle de la connaissance universitaire et de la mémoire historique dans la définition des enjeux politiques et sociaux, le caractère partisan des politiques de sécurité et, de façon centrale, le caractère déterminant du racisme tout au long du 20e siècle américain jusqu’à aujourd’hui. «Selon nous, la puissance de la connaissance historique est remarquablement illustrée par la façon dont l’histoire, comme discipline et comme savoir, se réforme et se trouve depuis quelques années au premier rang des pratiques qui déconstruisent les obscurantismes du passé et du présent», écrivent les deux chercheurs. Outre un texte de Greg Robinson, on y retrouve également les textes de Gabriel Séguin (M.A. histoire, 2014), Simon Vézina, Hubert Villeneuve et Maxime Wingender (M.A. histoire, 2010). Publié chez vlb éditeur.
Autopsie du zombie
Depuis le début des années 2000, le zombie contemporain, mort-vivant mangeur de chair humaine, apparaît dans un grand nombre de productions culturelles – livres, bandes dessinées, films, jeux vidéo, séries télévisées –, contaminant différents genres, à commencer par celui de l’horreur. Il est même entré à l’université, où des cours et des séminaires lui sont consacrés. L’ouvrage collectif La mort intranquille. Autopsie du zombie, publié sous la direction de la doctorante en études littéraires Marie-Christine Lambert-Perreault et des chercheurs de l’Université de Montréal Jérôme-Olivier Allard et Simon Harel, propose d’analyser cet engouement. Des chercheurs de diverses disciplines y explorent les incarnations du zombie, du mort-vivant au monstre ré-humanisé, en passant par la figure de l’infecté. Les fictions zombiesques entrent en résonance avec la société, soutiennent les auteurs. Elles nourrissent et sont nourries par notre rapport au monde et aux périls que nous discernons, qu’il s’agisse de l’effroi devant la possibilité de l’extinction de l’espèce humaine à cause de pandémies et de la crise climatique, ou encore de l’inquiétude devant les avancées effrénées de la science et de la technologie. Paru aux Presses de l’Université Laval.
Histoire d’une dépression
L’ouvrage Désormais, ma demeure est un «récit de soi» qui tient à la fois du roman, de l’essai, de la poésie et du livre d’art. L’auteur et candidat au doctorat en études et pratiques des arts Nicholas Dawson s’intéresse aux enjeux de la dépression. «Dans mon souvenir, je pense faire ça sans antidépresseurs et j’éprouve une joie amère quand je remplace ça par dépression. Je pense au mot, je le tiens là, en suspens, je l’apprivoise…», écrit-il. Tout en essayant de vivre normalement en fréquentant ses amis, son amoureux et les membres de sa famille, le personnage se met peu à peu à chercher des réponses: il consulte différents psychologues, médecins et autres thérapeutes en médecine douce, il prend ses vitamines, il lit des essais sur la maladie; le tout afin de pallier sa douleur et de mieux comprendre le phénomène tel un chercheur. Comme sa mère en est aussi atteinte, il s’interroge également sur le caractère héréditaire de la dépression. La création viendra jeter un baume sur ses blessures. Grâce à elle, il mettra la dépression à distance et apprendra à mieux se connaître. Publié dans la nouvelle collection Queer de Triptyque.